Covid-19: état des lieux de la réponse européenne (2)

La Fondation dresse un état des lieux régulier des actions prises par les institutions européennes, en lien avec les États membres, pour lutter contre l’épidémie. Théo Verdier, expert associé à la Fondation, analyse la mise en œuvre du premier volet des mesures communautaires ainsi que les oppositions entre États européens sur les nouveaux outils économiques à mobiliser.

« Nous, l’Europe, avons entre les mains tout ce qui est nécessaire pour surmonter cette crise, et sommes disposés à faire tout ce qu’il faut pour y parvenir », a martelé Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en session plénière du Parlement européen ce 26 mars 2020. Il est vrai qu’après un « retard à l’allumage » unanimement souligné, les institutions européennes ont réagi massivement depuis la mi-mars pour faire face à la propagation du coronavirus.

N’ayant pas de compétences sanitaires, elles se sont concentrées en premier lieu sur la coordination et la mise en commun des moyens nationaux. On l’a notamment constaté avec le lancement d’une procédure de passation conjointe de marchés publics pour l’approvisionnement en matériel médical, ou la mise en place progressive d’« axes verts » afin d’assurer le passage aux frontières des marchandises essentielles.

En parallèle, l’UE mobilise la palette des outils communautaires. « C’est sur le terrain économique que l’Europe est la plus à l’aise», souligne à ce propos Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, interrogé pour les besoins de la présente note. « On sent que la crise financière et des dettes souveraines est passée par là, cela a été relativement rapide pour déployer les grands moyens », complète-t-il. La Commission européenne a ainsi rapidement proposé un assouplissement du régime des aides d’État puis l’activation d’une clause dérogatoire au Pacte de stabilité et de croissance fixant à 3% du PIB le déficit maximum des pays membres.

Cette première étape de la réponse européenne suit désormais son cours, avec notamment l’entrée en jeu le 26 mars du Parlement européen, pour sa première session plénière depuis le début de la crise sur le sol européen.

Les prochains jalons de la réponse européenne, notamment sur le plan économique, mettent néanmoins en lumière les risques d’un manque de cohésion des 27. Les États membres se sont affrontés en réunion du Conseil européen le jeudi 26 mars 2020 sur le lancement de nouveaux outils, comme l’émission de dettes communes, les fameux « coronabonds ». En ce sens, l’appel formulé par Ursula von der Leyen en faveur de l’unité des Européens résonne tout particulièrement. « Faisons ensemble ce qu’il convient de faire, avec un grand cœur, et non pas avec 27 petits », a ainsi déclaré la cheffe de l’exécutif communautaire en conclusion de son allocution au Parlement européen.

Repères chronologiques à jour

Repères chronologiques des principales réunions tenues et actions annoncées par les institutions européennes depuis notre précédent état des lieux. Les informations ci-dessous sont à jour du lundi 30 mars 2020.

  • 23 mars :
    • Commission européenne : annonce des lignes directrices pour assurer des « axes verts » et limiter les freins au trafic. L’objectif est de limiter à quinze minutes maximum le passage du trafic aux frontières intérieures.
    • Conseil de l’Union européenne : réunion des ministres de l’Économie et des Finances en vidéoconférence. Feu vert à la suspension des règles de discipline budgétaire qui s’appliquent aux États membres.
  • 24 mars :
    • Eurogroupe : réunion de l’Eurogroupe en vidéoconférence. Entre autres annonces, l’Eurogroupe ouvre la porte à un recours au Mécanisme européen de stabilité (MES) pour les États membres qui en feraient la demande.
    • Commission européenne : annonce du lancement de la procédure de passation conjointe de marchés lancée par la Commission européenne en vue d’obtenir des équipements de protection individuelle. 25 États participent. Les équipements devraient être disponibles sous deux semaines.
  • 25 mars :
    • Neuf chefs d’État et de gouvernement européens écrivent une lettre ouverte au président du Conseil européen, Charles Michel. Le président français et huit Premiers ministres, dont les leaders espagnol et italiens, affirment notamment : « nous devons travailler à un instrument de dette commun émis par une institution européenne ».
  • 26 mars :
    • Parlement européen : session plénière comprenant un débat en hémicycle, avec 32 députés présents physiquement face à la présidente de la Commission européenne. Vote à distance (687 votants) sur trois textes liés à la réponse européenne à la crise, dont le déblocage par la Commission européenne de 37 milliards d’euros issus des fonds européens.
    • Conseil européen : vidéoconférence des membres du Conseil européen. Parmi les principales annonces, on peut retenir les éléments suivants :
      • le Conseil demande à la Commission européenne d’accélérer la procédure d’approvisionnement commun d’équipements de protection ;
      • ses membres conviennent également qu’il est « urgent d’augmenter les capacités en matière de dépistage » ;
      • les dirigeants européens demandent à l’Eurogroupe de présenter de nouvelles propositions dans un délai de deux semaines. L’opportunité de créer des « coronabonds », des émissions de dettes communes, fait débat au sein du Conseil ;
      • les présidents de la Commission et du Conseil sont appelés à travailler sur une feuille de route pour la sortie de crise, appelant à reconnaissant le besoin d’un « vaste plan de relance et des investissements sans précédent ».

Une démonstration de la résilience de l’Union européenne

« Cette semaine, on a vu émerger une réponse collective des institutions. Jusqu’à maintenant, il s’agissait davantage des mesures de réaction proposées quasi quotidiennement par la Commission pour essayer de coordonner ou de compléter les mesures nationales », note Charles de Marcilly, spécialiste des affaires européennes et ancien conseiller stratégique du think tank de la Commission européenne.

La semaine écoulée a ainsi entériné un certain nombre de décisions prises rapidement face à la propagation du virus. Et ce, au sein des trois principaux axes de la réponse européenne :

  • un axe relatif à l’approvisionnement en matériel médical avec, entres autres mesures, le lancement de la procédure de passation conjointe de marchés pour assurer l’approvisionnement en matériel médical ;
  • un axe économique : les chefs d’États des 27 ont avalisé l’activation de la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et l’assouplissement du régime des aides d’État ainsi que salué le programme d’investissement de plus de 1000 milliards annoncé par la Banque centrale européenne (BCE) ;
  • un axe relatif à la gestion des frontières, avec le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union et la mise en place d’« axes verts » pour faciliter le transport des marchandises essentiels.

« L’action en un temps record montre un changement de paradigme », souligne Charles de Marcilly. Les règles européennes font ainsi preuve d’une surprenante souplesse, permettant de répondre à la crise sans passer par une phase législative. « Les possibilités de dérogations en cas de crise sanitaire ont toujours existé dans les textes européens, même Schengen », approuve Isabelle Coustet, cheffe du Bureau du Parlement européen en France. 

« Mais les textes prévoient des crises sanitaires nationales. Et là on a été pris de court », poursuit cette dernière, évoquant à l’avenir le besoin de tirer des enseignements de la crise. Et ce, à l’image du Conseil européen qui a demandé à la Commission européenne de « présenter des propositions relatives à un système de gestion de crise amélioré ».

L’épidémie pose la question de savoir quelle est la mission de l’Union sur le plan sanitaire. La première phase de réponse commune souligne toutefois la résilience de l’UE et des règles qui régissent son fonctionnement. Des lignes de fracture historiques du débat public européen, comme la dérogation au Pacte de stabilité et de croissance, ont fait l’objet d’un rapide consensus. Critiquée pour sa rigidité, l’UE fait à la fois la preuve de sa valeur ajoutée, sur le plan des approvisionnements en matériel médical par exemple, et de sa souplesse budgétaire et juridique en cas de crise.

Quelle solidarité économique pour l’Union ?

Notre panel souligne toutefois que les mesures européennes d’ordre économique et financière prises à un niveau politique se résument en premier lieu à un recul stratégique pour laisser aux États la possibilité de soutenir leur économie. « C’est bien de laisser-faire sur le plan budgétaire, mais ça ne fait pas une politique. Maintenant se pose la question de la coordination des politiques économiques », analyse Sébastien Maillard.

« Suspendre les règles du Pacte de stabilité permet de libérer chacun des États membres pour apporter la réponse la plus adéquate à cette crise », affirme Shahin Vallée, chercheur associé au DGAP, le conseil allemand pour les Affaires étrangères. À ses yeux, la suspension des contraintes budgétaires ou l’assouplissement des règles sur les aides d’État « ne permettent pas de réponse commune, ils autorisent des réponses nationales de grande ampleur ».

Pour ce spécialiste des affaires économiques, « la réponse commune la plus puissante n’a pas été mise en œuvre par le pouvoir politique et la Commission européenne, mais par la Banque centrale européenne (BCE) avec son programme d’achat d’obligations ». La mobilisation à ce titre de 750 milliards d’euros par la BCE au sein d’un plan de plus 1 000 milliards d’euros a envoyé un signal positif aux marchés, donnant l’assurance que « les États membres sont en mesure de financer leurs dettes ». 

Au-delà du « laisser-faire », la crise pose désormais la question de la solidarité économique entre les pays membres. « La grande question qui se pose, c’est de savoir s’il faut mutualiser le coût économique de cette crise », ajoute Shahin Vallée. Le Conseil du 26 mars a vu les chefs d’État des 27 s’opposer sur cette question. Les tenants d’une ligne dure, en Allemagne et plus encore aux Pays-Bas par exemple, considèrent le recours par certains États au Mécanisme européen de stabilité comme la limite de l’action possible.

À l’opposé, les États du sud, Italie et Espagne en tête, mais également le Luxembourg, la Belgique ou encore la France appellent à la mise en place de « coronabonds », l’émission de dettes communes aux États membres. Dans une lettre adressée au président du Conseil, le président français et huit dirigeants européens réclament « un instrument de dette commun émis par une institution européenne ». 

« C’est la même logique depuis quinze ans, on a ceux qui estiment avoir eu des comportements vertueux, et qui considèrent que les autres États n’ont pas fait les réformes suffisantes », explique de son côté Charles de Marcilly, citant les réactions d’Angela Merkel et du néerlandais Mark Rutte à l’issue du Conseil européen. « Or nous sommes dans une crise hors norme dans ses dimensions et qui touche chaque État membre de façon asymétrique ». Sabine Thillaye, présidente de la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, note pour sa part des signes d’ouverture : « C’est très important de voir que des pays comme l’Allemagne dérogent de leur règle d’or. La mesure de la crise est prise, chacun fait un pas vers l’autre».

Le MES occasionne pour les États qui en ont besoin une baisse du coût de l’emprunt, « un objectif déjà atteint par le programme de rachat d’obligations de la BCE », rappelle Shahin Vallée. Le recours à ce type d’outils existants a d’ailleurs été écarté par le président du Conseil italien, Giuseppe Conte.

Sur le plan politique, on peut rappeler également que le mécanisme de stabilité s’accompagne d’un programme de réformes économiques et budgétaires à mettre en place pour l’État qui en fait la demande. « Avec le MES, on rentre donc dans une logique où les autres États membres ont droit de regard sur les politiques menées », note Shahin Vallée. Une condition difficile à accepter pour les États concernés, l’Italie et l’Espagne en particulier, qui comptent parmi les plus touchés par le coronavirus. Au contraire, « l’émission de dettes communes se ferait sans conditions », précise Shahin Vallée. Une décision de ce type constituerait avant tout une démonstration politique importante de la solidarité entre les Européens. Ainsi qu’un signal politique de soutien à la politique menée par la BCE.

Les échanges – virulents – du Conseil européen démontrent que l’épidémie n’apparaît pas encore comme un catalyseur suffisant pour que les Européens en arrivent à ce niveau de convergence. Si l’UE a su laisser faire ses membres, elle ne parvient pas encore à les unir politiquement pour coordonner une réponse économique à la crise. Le Conseil s’est donné deux semaines pour trouver une voie de sortie, mais le consensus semble bien loin. « Pour les emprunts communs, j’ai peur que la fenêtre d’opportunités se referme assez vite », commente Shahin Vallée. « Compte tenu des dangers, ne pas trouver de consensus est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. Ursula von der Leyen a elle-même dit qu’elle n’était pas opposée aux coronabonds, j’espère que l’on n’attendra pas que les pays frugaux soient massivement touchés pour trouver un consensus », ajoute le député européen Stéphane Bijoux du groupe centriste Renaissance.

Une nouvelle piste de travail a été lancée en parallèle par la présidente de la Commission européenne, qui dit souhaiter « des modifications » dans la proposition du cadre financier 2021-2027 de l’Union pour « faire face aux retombées de la crise du coronavirus».

Une ambition appuyée par le député Stéphane Bijoux : « nous voulons aussi un cadre budgétaire européen bien plus ambitieux avec de solides ressources propres. Il ne suffit pas de surmonter cette crise : il faut également nous donner les moyens de nous mettre à l’abri d’autres crises à venir ».

« La démocratie continue » : retour sur la séance plénière du Parlement européen

Le Parlement européen, seule instance européenne dont les membres sont élus directement par les citoyens, a tenu ce 26 mars 2020 sa première session plénière depuis le début de l’épidémie en Europe. Les députés européens ont approuvé les trois textes suivants : 

  • « l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus», avalisant la mobilisation de 37 milliards d’euros en provenance des fonds européens ;
  • « l’extension du Fonds de solidarité de l’UE pour couvrir les urgences de santé publique», visant à débloquer 800 millions supplémentaires ;
  • « la suspension temporaire des règles de l’UE sur les créneaux horaires dans les aéroports », pour permettre aux compagnies aériennes d’annuler des vols sans craindre de voir leur quota de créneaux de décollage et d’atterrissage remis en cause l’année prochaine.

Ces mesures de réaction à l’épidémie ont fait l’objet d’un large soutien dans l’hémicycle. Seules quelques oppositions et abstentions ont été décomptées pour les trois textes parmi les plus de 680 votes exprimés. « On a pu avaliser des propositions de la Commission qui ont été proposés il y a treize jours. D’habitude il faut plutôt trois ans, donc c’est un succès », résume Isabelle Coustet, cheffe du Bureau du Parlement européen en France. Il apparaît en effet évident que l’assemblée européenne a su se mobiliser de manière exceptionnelle pour organiser le vote d’élus des 27 États membres. Ainsi qu’un débat entre ces derniers et la présidente de la Commission européenne, dans un hémicycle occupé physiquement par 32 députés européens. « On peut saluer que le Parlement européen ait réussi à s’organiser pour continuer à peser », remarque Sébastien Maillard.

Cependant, les mesures soumises au Parlement européen constituent une portion restreinte du panel d’actions prises par les institutions communautaires. « Les textes que nous avons abordés touchent à des domaines où le Parlement est co-législateur, sur les domaines de gestion quotidienne de la vie de l’UE », note Isabelle Coustet, avant de souligner : « La démocratie continue. Des mesures importantes, comme la mobilisation immédiate des réserves de trésorerie disponibles dans les Fonds structurels et d’investissement européens jusqu’à 37 milliards d’euros, doivent être validées juridiquement ». 

Interrogé sur la portée limitée du positionnement du Parlement européen, le député européen Stéphane Bijoux rappelle : « Je ne connais aucun pays démocratique où le Parlement a un pouvoir sur la politique monétaire. Les traités européens définissent le cadre. L’urgence est de faire converger toutes les compétences des institutions européennes vers le même objectif : sortir de la crise au plus vite et surtout protéger les citoyens et les économies ».

« On se retrouve à essayer de faire en sorte que les mesures ne soient pas confrontées à des problématiques de légalité, tout en devant agir vite »appuie Charles de Marcilly« Le Parlement européen est dans une situation inéprouvée, à voir les mesures passer, ayant moins d’influence que s’il se réunissait physiquement ou que si le Collège des Commissaires rendait compte régulièrement de son action devant lui ».

Vue autrement, la gestion de crise met en lumière la position délicate du pouvoir législatif européen, tant sur le plan de ses compétences que de sa relation à l’exécutif. « On voit bien que les échanges se font en priorité des deux côtés de la rue de la Loi – physiquement ou en télétravail –, entre la Commission et le Conseil », observe encore Charles de Marcilly, pour qui « le Parlement européen a finalement pu se réunir en innovant avec le vote à distance mais on voit bien que sa portée politique du mois de mars a été d’entériner ce qui avait été proposé ».

La gestion des délais, entre la Commission européenne qui produit des annonces quotidiennes et un Parlement qui par nature ne s’exprime qu’à travers des plénières espacées dans le temps, s’ajoute ainsi à un travail parlementaire réduit à sa plus simple expression : le vote de la loi. En Europe, comme au niveau national, les députés se retrouvent ainsi en temps de crise dans un rôle de suivi et validation de l’action gouvernementale. On pourra utilement faire le parallèle avec l’Assemblée nationale française, réunie sur une durée de trois jours pour le vote de l’état d’urgence sanitaire. 

Le rôle du Parlement européen réside ainsi également, selon notre panel, dans un rôle d’influence au sein du jeu politique européen. Isabelle Coustet indique ainsi que le président du Parlement européen a appelé le Conseil européen « à gérer l’après-crise, au-delà de la suspension du Pacte de stabilité et du seul recours au Mécanisme européen de stabilité », insistant sur le besoin de répondre à la crise à la fois sur le volet économique et social. Le président du Parlement européen prône « un mécanisme d’endettement commun, émis par une institution européenne, permettant de lever des fonds sur le marché sur la base des mêmes conditions pour tous et de financer les politiques nécessaires pour relancer l’Union après cette pandémie », qu’il s’agisse d’euro-bonds ou autres. Préserver l’UE, c’est aussi s’attaquer à cette crise sociale autant qu’aux problématiques économiques », complète la cheffe du Bureau du Parlement européen en France.

Un axe social que la Commission européenne avait également mis en avant dans ses premiers documents dédiés à la réponse économique à la crise. « La Commission accélérera la préparation de sa proposition législative relative à un régime européen de réassurance chômage », avait annoncé l’institution dans sa communication du 13 mars, sans autre mention explicite depuis. « Ce que je pensais être une réponse possible, c’était d’avancer plus rapidement vers une sorte d’assurance chômage européenne, un projet de la Commission européenne », approuve Shahin Vallée. Il déplore : « Aujourd’hui je n’ai pas l’impression qu’on en prenne le chemin. J’ai peur qu’on soit en train de rater le coche et que les débats qu’on vient d’avoir sur l’émission de dettes communes découragent la Commission de porter ce nouveau combat ».

L’entrée en jeu du Parlement européen illustre en définitive le besoin « d’un débat politique sur la réaction de l’UE », comme le souligne Isabelle Coustet. L’Union européenne a su finalement réagir à la propagation de l’épidémie et fait la démonstration de sa valeur ajoutée sur le plan sanitaire et économique.

La prochaine étape de la réponse européenne pose cependant la question de la solidarité des 27 face à une crise qui les touche tous. Autant de vecteurs d’union qui se confrontent à des visions opposées des outils économiques à déployer ensemble pour faire face à la crise. « On dit que l’Union européenne va craquer et ne sait pas réagir. Mais c’est le fruit des égoïsmes nationaux. La question se pose presque philosophiquement : est-ce que nous sommes une communauté de destins ou des concurrents économiques dans un marché intégré ? », conclut en ce sens Sabine Thillaye, présidente de la commission des Affaires européennes à l’Assemblée nationale.

Annexe : repères chronologiques complets

Le tableau suivant présente les principales réunions tenues et actions annoncées par les institutions européennes depuis début mars 2020 et l’émergence d’une réponse communautaire d’ampleur à l’épidémie. 

Chronologie Institution/acteur Principales annonces
6 mars Conseil européen Activation complète du mécanisme de réaction de l’UE en cas de crise (dispositif IPCR). Permet notamment la coordination des États membres.
10 mars Conseil européen Première vidéoconférence des membres du Conseil européen, réunissant les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres.
13 mars Commission européenne Communication de la Commission européenne sur une réponse économique coordonnée. Propose notamment : 

  • l’adaptation des règles européennes relatives aux aides d’État ;
  • le recours au budget européen pour appuyer le soutien aux acteurs économiques, au sein d’un plan de 37 milliards d’euros.
17 mars Conseil européen Vidéoconférence des membres du Conseil européen
Parmi les annonces, on peut retenir :

  • la restriction des entrées aux frontières extérieures de l’UE pour les déplacements non essentiels et pour une période de trente jours ;
  • l’approbation des propositions de réponse économiques de la Commission européenne ;
  • sur le matériel médical : approbation de la stratégie de la Commission pour travailler avec l’industrie, opérer des passations conjointes de marchés entre États européens et mettre en place une autorisation préalable à l’exportation de matériel médical.
19 mars Banque centrale européenne Annonce d’un programme d’achat d’obligations de 750 milliards d’euros. S’ajoute aux 120 milliards décidés le 12 mars. Soit 7,3% du PIB de la zone euro.

Des mesures de soutiens aux entreprises sont également décidées, au sein d’un plan global évalué à hauteur de 1 050 milliards d’euros.

19 mars Commission européenne Création d’une réserve stratégique de matériel médical. Sont concernés notamment les masques de protection et les respirateurs. 

Le budget initial est de 50 millions d’euros, l’ensemble étant effectif à partir du 20 mars.

Est également rappelé que les États membres travaillent en parallèle à un accord de passation conjointe de marché pour se procurer des équipements de protection individuelle.

19 mars Commission européenne La Commission européenne adopte un « encadrement temporaire » conçu pour permettre aux 27 « d’exploiter pleinement la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État pour soutenir l’économie ».
20 mars Commission européenne Annonce par Ursula von der Leyen de la suspension des règles budgétaires européennesvia le déclenchement d’une clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance.

« Les gouvernements nationaux peuvent injecter dans l’économie autant qu’ils en auront besoin », annonce la présidente de la Commission européenne.

23 mars Commission européenne Annonce des lignes directrices pour assurer des « axes verts » et limiter les freins au trafic. L’objectif est de limiter à quinze minutes maximum le passage du trafic aux frontières intérieures.
23 mars Conseil de l’Union européenne Réunion des ministres de l’Économie et des Finances en vidéoconférence
Les ministres de l’Économie et des Finances de l’Union donnent leur feu vert à la suspension des règles de discipline budgétaire qui s’appliquent aux États membres.
24 mars Eurogroupe Réunion de l’Eurogroupe en vidéoconférence
Entre autres annonces, les ministres des Finances de la zone euro ouvrent la porte à un recours au Mécanisme européen de solidarité (MES) pour les États membres qui en feraient la demande.
24 mars Commission européenne Annonce du lancement de la procédure de passation conjointe de marchés lancée par la Commission européenne en vue d’obtenir des équipements de protection individuelle.
25 États participent. Les équipements devraient être disponibles sous deux semaines.
25 mars Neuf chefs d’État et de gouvernement européens Lettre au président du Conseil européen, Charles Michel
Le président français et huit Premiers ministres, dont les leaders espagnol et italiens, affirment notamment : « nous devons travailler à un instrument de dette commun émis par une institution européenne ».
26 mars Parlement européen Session plénière du Parlement européen comprenant:

  • un débat en hémicycle, avec 32 députés présents physiquement face à la présidente de la Commission européenne ;
  • le vote à distance (687 votants) sur trois textes liés à la réponse européenne à la crise, dont le déblocage par la Commission européenne de 37 milliards d’euros issus des fonds européens.
26 mars Conseil européen Vidéoconférence des membres du Conseil européen
Parmi les principales annonces, on peut retenir les éléments suivants : 

  • le Conseil demande à la Commission européenne d’accélérer la procédure d’approvisionnement commun d’équipements de protection ;
  • ses membres conviennent également qu’il est « urgent d’augmenter les capacités en matière de dépistage » ;
  • les dirigeants européens demandent à l’Eurogroupe de présenter de nouvelles propositions dans un délai de deux semaines. L’opportunité de créer des « coronabonds », des émissions de dettes communes, fait débat au sein du Conseil ;
  • les dirigeants européens invitent les présidents de la Commission et du Conseil à travailler sur une feuille de route pour la sortie de crise, appelant à reconnaissant le besoin d’un « vaste plan de relance et des investissements sans précédent ».

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