François Backman analyse la spécificité, et les possibilités qu’elle ouvre pour Madagascar, de la stratégie mise en place par les autorités malgaches et notamment son jeune président, Andry Rajoelina, face à la pandémie, à savoir le remède à base d’artemisia, « Covid-Organics ».
Merci à Guy-Arnaud Behiri, « spécimen rare », Alexandre Konan Dally et Olivier Rabearivelo pour avoir relu ces pages.
« Sous la lune blanche qui brille,
De petits oiseaux s’ébrouent et chantent ;
Ils sont heureux tandis que quelque chose les trompe,
et c’est la lumière du jour qui n’est plus »
Esther Razanadrasoa (traduite par Jean-Joseph Rabearivelo)
L’annonce par le président Andry Rajoelina, le 19 avril dernier, du lancement d’un « remède » contre le Covid-19 à base d’artemisia, plante déjà utilisée dans les traitements antipaludéens et dont l’efficacité est reconnue, a fait jaser dans plusieurs Landerneau et à plusieurs niveaux. Par-delà les commentaires pro ou prudents, neutres ou anti, cette annonce et ses suites sont intéressantes pour diverses raisons. Au plan malgache, elle révèle une véritable stratégie contre le virus et ses conséquences, contrairement à beaucoup de leaders fonctionnant au coup par coup. Stratégie qui s’inscrit dans une action plus globale initiée depuis l’élection d’Andry Rajoelina. Le président malgache ne s’est donc pas contenté de lancer un remède en mode « advienne que pourra ».
Aux plans africain et international, tout ceci met Madagascar, l’un des pays les plus pauvres du monde, au centre du jeu ; c’est un moyen de faire entendre la voix de la Grande Île. Plus profondément, cela met le doigt sur nombre de problèmes que connaît le continent en matière de développement. Enfin, cette annonce est l’un des révélateurs d’un mode de communication d’un président devant coûte que coûte faire avancer son pays et tranchant quelque peu d’avec les standards occidentaux éculés de la fameuse « com’ de crise ». C’est sur ce dernier point que le texte qui suit apportera quelques très rapides éclairages.
L’avant-virus : un président pressé
Avant le retour au pouvoir d’Andry Rajoelina en décembre 2018, les discours médiatiques sur Madagascar tournaient toujours autour de l’insécurité assez affolante (des Dahalos, voleurs de zébus, environ 800 morts par an – un jeu vidéo devrait d’ailleurs bientôt sortir sur la question… – aux enlèvements), à tel point que, fin 2018, près de la moitié des Malgaches craignaient de se faire attaquer chez eux. Dans les marronniers journalistiques, venaient également les épidémies de peste ou de rougeole, l’évocation de la corruption endémique et de divers trafics (du bois de rose aux ossements humains). L’extrême pauvreté des populations, le manque d’infrastructures, les défaillances à répétition de la Jirama (l’EDF malagasy) étaient pointés du doigt. Tout ceci se plaçant sur fond de vente à la découpe des terres et des eaux territoriales aux investisseurs asiatiques dans un décor d’économie grise se portant à merveille. Certains parlaient également des désaccords avec la France sur les Îles Éparses dont Madagascar revendique la souveraineté.
Son prédécesseur n’ayant pas vraiment été toujours à la hauteur de la fonction et des enjeux, Andry Rajoelina revient donc dans un pays en voie de très timide redressement, « au bord du gouffre » selon lui.
Le jeune président – il a quarante-cinq ans – dit avoir changé depuis son premier passage au pouvoir entre 2009 et 2013. Il s’est engagé à concrétiser les promesses contenues dans son programme dont les grandes lignes sont intégrées dans la Politique générale de l’État. À l’aune de la Fahamarinana (bonne gouvernance), il entend lutter contre la corruption sur le mode tolérance zéro. Il nomme un gouvernement resserré (vingt-deux ministres, chose assez rare en Afrique), composé essentiellement de techniciens, et confirme Christian Ntsay, l’ancien Premier ministre, dans ses fonctions. Il indique également à ses ministres que ceux-ci ont un an pour faire leurs preuves et qu’ils seront évalués. En janvier 2020, il en a limogé huit.
Il impose un rythme à ses équipes tranchant d’avec le ronron politique malagasy, mettant en avant sa petite quinzaine de Veliranos (objectifs) destinés à mettre le pays sur la voie du développement. N’oublions pas que Madagascar est l’une des seules nations à avoir vu baisser le niveau de vie de sa population depuis l’accession à l’indépendance. En mai 2019, son parti remporte les élections législatives et l’opposition reste quelque peu tétanisée et surtout sans contre-projet mobilisateur digne de ce nom. Lors de ces vœux de Nouvel An, le 31 décembre dernier, il affirme : « En 2019, nous avions mis en place les fondations. Cette année, on va entamer les gros œuvres et les Malgaches pourront constater de visu les résultats », reprenant la thématique classique de la maison en construction.
Juste avant l’arrivée du Covid-19, si les choses avancent sur certains points (sécurité, début d’une lutte a priori crédible contre la corruption), d’autres bougent plus difficilement, ce qui est assez logique (infrastructures, industrialisation, etc.). Au niveau international, lors de ses deux visites en France, l’occupant du palais d’Iavoloha remet le sujet concernant les Îles Éparses sur le devant (outre leur intérêt géopolitique et économique en cas de découverte de pétrole, c’est également un moyen de réaffirmer le sentiment national et la fierté malgaches). On le voit également recevoir le Souverain Pontife, se tourner vers ses partenaires de l’Océan Indien, tout en visant l’Afrique lorsqu’il évoque, par l’exemple, l’adhésion de l’Île à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires. La crise « covidienne » risque donc de casser le mouvement impulsé et les tentatives présidentielles pour sortir le pays de l’ornière.
Face au Covid-19 : une action volontariste puis la découverte du « remède »
Bien avant l’annonce du remède fin avril 2020, Andry Rajoelina avait déjà fait montre d’un activisme assez impressionnant pour un président, africain ou non.
Début février dernier, Madagascar étant citée comme l’un des pays les plus vulnérables du monde face à l’épidémie, les services de l’État commencent dès lors à informer sur la menace, via les radios et télévisions, et à mener des campagnes de sensibilisation en brousse. Dès cette époque, on voit le président « partout » mobiliser contre l’arrivée du Covid-19 et parer à ses conséquences socio-économiques immédiates. Ce ne sont pas là de simples mises en scène en mode old school, africain ou « poutinien » (c’est-à-dire voir un leader qui donne de sa personne en apportant bonne parole et « solutions »). S’il veut éviter le pire au pays, notamment au niveau socio-économique, il a compris qu’il devait personnellement s’impliquer.
La menace s’approchant, il prend plusieurs fois la parole, en malgache, l’une des deux langues officielles, et annonce des mesures assez strictes : confinement partiel dans certaines zones, fermetures des frontières, des écoles, des lieux publics et des lieux de culte et autres commerces non essentiels, protocoles de dépistage mis en place, isolement des personnes touchées, proclamation puis prolongation de l’état d’urgence.
Les conséquences sanitaires, mais surtout économiques, pouvant s’avérer plus que dramatiques, Andry Rajoelina sait que son pays n’a pas vraiment les moyens de faire face à une épidémie à grande échelle. Au passage, rappelons que le budget de l’État malgache est plus ou moins égal à celui de départements français comme la Réunion ou le Val-de-Marne, et que l’Île compte 27 millions d’habitants.
Au niveau sanitaire, les mesures semblent efficaces, car le pays est finalement très peu touché par l’épidémie (environ 300 cas et un décès mi-mai 2020). Certes, Madagascar est une île, cela aide.
Le 9 avril dernier, il annonce que les chercheurs malgaches travaillent sur un remède à base de plantes traditionnelles. Quelques jours plus tard, l’Inde – que l’on a trop tendance à oublier – fait un don de médicaments à Madagascar et à d’autres États africains dans le cadre de son programme SAGAR (Security and Growth for All in the Region, dans l’Océan Indien donc), comprenant notamment de l’hydroxychloroquine…
Dix jours après, revenant parler lors d’une allocution télévisée, il fait plusieurs déclarations sur les nouvelles mesures prises et annonce la sortie du remède malgache. Dès lors, tout s’accélère. Le lendemain, on le voit officialiser lors d’un déplacement à l’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA) le « remède traditionnel amélioré aux vertus curatives et préventives des symptômes du coronavirus », qui n’est donc pas présenté comme un médicament au sens propre du terme. Le remède, baptisé Covid-Organics (CVO), est porté sur les fonts baptismaux. Et Andry Rajoelina le boit devant la presse. Il annonce ensuite qu’il sera distribué gratuitement aux plus pauvres et aux enfants des écoles. Trois jours plus tard, on le retrouve à Fianarantsoa, à 400 kilomètres au sud d’Antananarivo, la capitale, visiter l’une des rares unités de production africaines capable de développer l’artemisia de manière industrielle. Le lancement du CVO a été plutôt bien rôdé…
Via ce remède, Andry Rajoelina entend apparaître comme soucieux et proche de son peuple (c’est l’image du jeune « président-soignant » qui se démène, tranchant d’avec celle de ses pairs africains, plus âgés, qui se confinent dans leur palais et comptent sur l’aide internationale). Par ailleurs, il semble miser sur une éventuelle commercialisation à grande échelle du CVO dont l’impact économique pour l’agriculture malgache et la chaîne de transformation pourrait être intéressant. Proximité à l’égard des populations et développement économique donc.
Et, c’est le début de l’odyssée du CVO – le « remède » – auquel le leader malagasy semble croire dur comme fer. Dès lors, on voit une avalanche de commentaires émanant d’institutions officielles. L’OMS s’interroge, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest également, quant à la Communauté de développement d’Afrique australe, dont fait partie Madagascar, elle semble aux abonnés absents. Dans les pays occidentaux, certains n’hésitent pas à se moquer de l’initiative, réflexes de pays vieux et réflexions de commentateurs n’ayant pas tout compris à la chose. On voit également apparaître diverses fake news : le leader malagasy aurait appelé les pays africains à quitter l’OMS, il aurait été contacté par la Chine ou la Russie pour empoisonner son remède, etc.
Andry Rajoelina répond à toutes ces interrogations à sa manière : il avance, plus ou moins secondé par des scientifiques malgaches. Le « phénomène CVO » est donc bel et bien lancé, le produit échappant quelque peu à son initiateur.
Plus qu’un « remède » : un moyen de positionner Madagascar pour la suite
D’une certaine façon, le CVO représente bien plus qu’un remède pour Madagascar et son président. Les enjeux sont sanitaires, économiques et écologiques, diplomatiques et panafricains. Et Andry Rajoelina les exploite de manière assez fine tout en liant des actions nationales, africaines et internationales.
Commençons par l’enjeu de la santé. Si Madagascar est pauvre, si ses infrastructures sanitaires sont précaires, elle dispose cependant de bons chercheurs à l’instar de l’Institut Pasteur d’Antanarivo qui se place à la 2065e place des 6000 premiers établissements de santé mondiaux, ceux d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale étant absents du classement… L’île possède également une diversité très importante de plantes médicinales, ce qui en fait une « pharmacie à ciel ouvert ». Dès lors, vanter le CVO et l’artemisia, c’est valoriser le potentiel malgache en la matière ainsi que les entreprises du cru œuvrant dans le domaine. C’est aussi mettre en avant les capacités africaines en matière de recherche en santé publique et leur réactivité. C’est enfin montrer que l’on peut être « petit et costaud ». On peut noter que Madagascar n’est pas un cas isolé en la matière, il suffit de penser à une autre île, également en proie à de très nombreux problèmes, Cuba en l’occurrence, qui dès les débuts de la pandémie a vanté son Interferón Alfa 2b. On n’oubliera pas non plus que le sujet « santé » est toujours prêt à enflammer les esprits sur le continent, on l’a vu tout début avril 2020 avec la polémique sur les vaccins, suite aux propos de deux chercheurs français proposant de faire des tests en Afrique. Pour en terminer sur ce point, notons également le poids des personnalités africaines dans l’appel à « un vaccin pour tous » publié le 14 mai dernier sous l’égide de l’ONU (du Sud-Africain Cyril Ramaphosa au Ghanéen Nana Akufo-Addo en passant par le Sénégalais Macky Sall).
Avec la santé, l’enjeu est aussi économique et se situe au moins à deux niveaux. Tout d’abord, si le traitement décolle, les retombées financières d’une exploitation-transformation de l’artemisia peuvent s’avérer (relativement) intéressantes. Madagascar détient le plus grand stock d’artemisia du continent avec trois mille tonnes à l’année. Une tonne d’artemisia vaut 3000 dollars contre 350 pour celle de riz. Le taux d’artémisinine de la plante malgache est par ailleurs plus élevé que celui existant dans d’autres pays. Et Andry Rajoelina entend prendre les devants en brandissant un Made in Mada. « À partir de maintenant, l’artemisia ne sortira plus de Madagascar et nous nous chargerons de sa transformation. Dans ce domaine, Madagascar exercera sa propre souveraineté », déclare-t-il début mai 2020. Derrière cela, c’est toute la question de l’exploitation raisonnée de la biodiversité malgache et africaine qui est posée face aux grands acteurs pharmaceutiques. Le risque étant de voir la Grande Île devenir un simple fournisseur-exportateur de matière brute. Phénomène assez classique que connaissent beaucoup de pays africains, notamment dans le domaine minier. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Andry Rajoelina entend également réviser le code minier du pays.
Deuxième niveau : il s’agit de montrer aux investisseurs que Madagascar dispose d’une capacité à innover, d’une réactivité et d’un potentiel d’adaptation dont peu de pays africains font preuve. Début mai dernier, le leader malagasy annonçait d’ailleurs la construction d’une nouvelle usine pharmaceutique en partie dédiée à l’artemisia. Il récidive deux semaines plus tard en annonçant la mise en place d’un laboratoire d’analyses malagasy. L’inauguration des deux structures est prévue fin juin 2020, en période du soixantième anniversaire de l’indépendance. On le voit, tout ceci participe d’un positionnement en termes économico-écologiques, le président malgache ayant des projets en matière d’économie verte et bleue pour le pays. Que l’artemisia soit commercialisée ou non à grande échelle, Andry Rajoelina « marque des points ». Enfin, le CVO peut représenter un moyen d’accompagner ou d’enrober le déconfinement et la levée des mesures restrictives.
Au niveau diplomatique et panafricain – troisième enjeu –, vu l’ampleur qu’a pris le débat, le CVO est un moyen pour le locataire du palais d’Iavoloha d’apparaître comme l’un des leaders du continent, de faire d’un risque de catastrophe au plan national une opportunité à l’international. Et il en joue très bien en déclarant sur les antennes de Radio France Internationale et de France 24 que le principal problème du CVO est « qu’il vient d’Afrique ». Dans cette optique, Madagascar, qu’on disait si fragile, devient grâce au fameux remède et aux actions de son présidentça me un des fers de lance d’une fierté africaine retrouvée. Dans le projet « rajoelinien », la lointaine île se replace au centre de l’Afrique, et n’est plus le pays oublié dans les profondeurs des classements internationaux ou celui des gentils lémuriens qui vont d’arbre en arbre. Non, avec le CVO, Mada is back in Africa.
Tel est semble-t-il l’un des messages du pouvoir. Dès lors, pour les thuriféraires africains du remède, c’est l’image d’une Afrique qui ne dépend plus de l’Occident ou de la Chine, qui peut trouver des solutions africaines en Afrique. Et l’engouement de certains présidents africains – souvent dépassés par la crise et ses conséquences – pour le CVO est révélateur (Comores, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Niger, République démocratique du Congo, République du Congo, Tchad, Niger, Tanzanie). Après la Chine et sa diplomatie du masque, le Maroc et ses respirateurs, c’est au tour de la Grande Île de mettre en place une diplomatie du remède. Notons par ailleurs que Madagascar exporte 50 000 masques en tissu par semaine à destination du département français de La Réunion.
On peut également remarquer que dans sa communication Andry Rajoelina joue toujours sur deux tableaux, démarche pas évidente et quelque peu funambule mais moins saugrenue qu’il n’y paraît au vu de la situation du pays et du contexte international. Le CVO est malgache et africain (sans oublier « les pays frères de l’Océan Indien »), c’est une question de santé publique et une question économique. C’est également une question scientifique et sotériologique, voire quasi messianique (le CVO « peut sauver le monde »). Sur ce dernier point ses deux tweets du 14 mai dernier sont révélateurs. D’un côté, il affirme que « ce n’est pas la force militaire ou la puissance économique qui jouent actuellement mais Dieu. Et le Seigneur nous a donné des plantes médicinales pour aider notre pays et les autres pays du monde contre cette maladie. » N’oublions pas le poids de la religion à Madagascar. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur les appels à Dieu de la part de certains présidents africains (Burundi, Mali, Tanzanie, etc.) dans la crise actuelle. Et d’un autre côté, il brandit l’argumentaire scientifique : « Quand on a le statut de remède traditionnel amélioré, le statut de validation n’est pas le même qu’un médicament. On ne mène pas des essais cliniques mais plutôt une observation clinique selon les indications [de] l’OMS. Et c’est ce que nous avons fait, nous avons mené une observation clinique avec protocole d’étude. Donc aujourd’hui, nous avons respecté les normes éthiques reconnues universellement en matière d’études et de recherches cliniques ». Sur un autre registre, il est capable d’apparaître comme protecteur empathique et leader-gendarme lorsqu’il s’élève à plusieurs reprises contre le relâchement de ses compatriotes face au virus.
En guise de conclusion très provisoire, on voit bien qu’Andry Rajoelina, par-delà son remède, essaye de valoriser l’image et le potentiel de son pays face à la crise économique initiée par le virus. Il le fait à sa manière et avec les moyens dont il dispose – la communication en est un – mais au moins il essaye et agit, à l’inverse de nombreux autres présidents africains (ou non) se contentant d’un service minimum en attendant que l’orage passe. À l’instar de certains de ses homologues (Nana Akufo-Addo au Ghana ou Macky Sall au Sénégal pour ne prendre que des exemples parlant au lecteur français), il a bien compris qu’on ne surmontera pas la crise à venir en se contentant de publier des communiqués sur le nombre de personnes infectées, les distributions de vivres, le rappel des gestes barrières, l’arrivée de masques chinois, la médiatisation des « aides », l’annonce de telle ou telle mesure d’urgence, voire l’appel à une protection divine.
D’une certaine façon, au terme de cet épisode « remède », Andry Rajoelina pourrait apparaître comme l’un des trop rares présidents du continent à tenter de mettre en place un nouveau leadership, moins has been que celui de ses pairs dont beaucoup gèrent leur pays comme de simples directeurs administratifs et financiers, voire en satrapes du siècle passé. En faisant montre de volontarisme, en refusant de subir, en parlant à sa population et au-delà, le leader malgache rejoindrait alors le petit club de ces leaders africains (Botswana, Ghana, Maroc, Rwanda, Sénégal), trop peu nombreux, qui ont compris qu’on ne pouvait plus se contenter des routines habituelles pour développer un pays. La crise « covidienne » pouvant, éventuellement, faire figure d’accélérateur en la matière.
En vantant le CVO de manière plus qu’appuyée, Andry Rajoelina est peut-être allé un peu trop vite en besogne. Certes, c’est sa marque de fabrique. Mais se gausser de la « diplomatie de la limonade » malgache et de faire de son président un « druide distributeur de potion magique » ou un « commerçant herboriste », comme l’ont écrit certains en Europe ou en Afrique, c’est finalement voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Le CVO est un moyen pour Andry Rajoelina de positionner son pays dans « l’après-Covid 19 » qui s’annonce particulièrement difficile pour Madagascar et l’Afrique, le président malgache rencontrant par ailleurs des problèmes pour financer ce fameux « après ». Que ce remède soit « miracle » ou non, là n’est peut-être pas la principale question.