La crise économique et sanitaire que l’on connaît actuellement a été l’occasion de poser très vite la question de ce à quoi devait ressembler « le monde d’après ». D’autant que de sérieux enjeux tels la transition écologique, numérique ou encore l’accroissement des inégalités constituaient déjà des sujets clés pour penser demain. Dans son récent ouvrage Chefs d’entreprise, ce que le monde attend de nous (Éditions Alisio, novembre 2020), Bernard Gainnier, président de PwC France et Maghreb, invite le monde de l’entreprise et ses dirigeants à se saisir de ces enjeux pour devenir les pionniers du monde de demain et apporter ce qui ne peut plus être espéré de l’État ou de la société. Thomas Lafon donne quelques clés de lecture pour la Fondation.
Voici un livre original et plein d’idées qui intéressera tous ceux qui, à un titre ou à un autre, rencontrent des entreprises dans leur activité. L’auteur, Bernard Gainnier, connaît bien le monde de ceux qui produisent les biens et les services dont nous avons besoin. Il dirige, avec efficacité dit-on, PwC France, ensemble de centaines d’experts comptables, d’auditeurs et de juristes qui auscultent à longueur d’année un grand nombre d’entreprises françaises. Et avant de travailler à Paris, il a exercé ce métier en Chine et aux États-Unis. Belle expérience. Il peut et il sait faire des comparaisons internationales et il arrive au terme de son mandat. Avant de rentrer chez lui, il a décidé d’écrire sur son expérience professionnelle. Jusqu’ici, rien d’extraordinaire me direz-vous : il y a de nombreux chefs d’entreprise, responsables politiques, journalistes, chanteurs ou sportifs qui, l’âge de la retraite approchant, se mettent à écrire leurs Mémoires… Mais là c’est différent : Bernard Gainnier n’est pas un chef d’entreprise comme les autres. Il dirige un groupe dont le travail consiste à analyser dans le détail le fonctionnement d’un grand nombre d’entreprises françaises. C’est dire qu’il a une connaissance exceptionnelle par son étendue et sa profondeur du tissu industriel de notre pays et que ses réflexions, exprimées dans un langage simple, si elles s’adressent d’abord à ses collègues chefs d’entreprise, devraient être lues et discutées par les responsables politiques, les élus et les chefs syndicaux qui ont à des titres divers des responsabilités dans la vie économique.
Que nous dit-il ? On ne va pas le résumer ici. Cela tient en 270 pages, cela se lit facilement, et le cœur de son message est simple : on mesure mal encore les effets des changements technologiques qui induisent une transformation permanente des pratiques des entreprises. Ces transformations produisent un accroissement des inégalités qui entraînent le délitement de nos institutions et soulignent la difficulté de trouver des réponses. Bernard Gainnier plaide, devant ces difficultés, pour la coopération entre les individus, entre les entreprises, et avec les institutions publiques pour mener en commun, en bonne intelligence, des combats majeurs dans les secteurs prioritaires : la transition énergétique et la lutte contre les inégalités.
Même si l’auteur ne le reconnaît pas, il s’agit d’un vrai discours politique conduit par un chef d’entreprise qui ne se satisfait pas du désordre inégalitaire présent. À ce titre, il a bien sa place dans les débats sur l’après-Covid et l’avenir de nos sociétés…