Brésil : défendre une démocratie menacée

Le 7 octobre 2018, un candidat d’extrême droite, nostalgique des années noires de la dictature militaire, est arrivé en tête au soir du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne. Ce résultat a créé une onde de choc au Brésil comme chez tous les démocrates. Le sociologue espagnol Manuel Castells, professeur à l’Université Berkeley de Californie, a réagi en adressant une lettre ouverte aux intellectuels du monde, leur demandant de faire savoir leur indignation et d’appeler au refus de l’abjection. Jean-Jacques Kourliandsky, directeur de l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation Jean-Jaurès, a traduit cette lettre.

Amis intellectuels engagés pour la démocratie,

Le Brésil est en danger. Et au-delà du Brésil, le monde. Depuis l’élection de Donald Trump aux États-Unis, la prise de pouvoir d’un gouvernement néofasciste en Italie, la montée en puissance du néonazisme en Europe, le Brésil peut élire président un fasciste, défenseur de la dictature militaire, misogyne, sexiste, raciste, et xénophobe. Il a obtenu 46% des suffrages au premier tour de l’élections présidentielle.

Peu importe le nom de celui qui lui est opposé. Fernando Haddad, unique alternative possible, est un universitaire respectable et modéré, candidat du Parti des travailleurs (PT), parti aujourd’hui affecté par sa participation à la corruption généralisée du système politique brésilien. Mais la question posée n’est pas celle du PT, c’est celle de la présidence de Bolsonaro, un homme capable de dire publiquement à une députée qu’elle « ne mérite pas d’être violée par lui ». Ou que le problème de la dictature n’est pas d’avoir pratiqué la torture, mais de ne pas avoir tué au lieu de torturer.

Face à une telle situation, aucun intellectuel, aucun démocrate, aucune personne responsable dans notre monde ne peut rester indifférent. Moi, je ne représente personne d’autre que moi-même. Je ne soutiens aucun parti politique. Mais je crois qu’il y a là un cas de défense de l’humanité. Si le Brésil, qui est un pays décisif en Amérique latine, tombe dans les mains de ce personnage abject et détestable, et des pouvoirs de fait qui le soutiennent, les frères Koch en particulier, nous serions précipités encore plus bas dans la désintégration de l’ordre moral et social de la planète que ce à quoi on a pu assister.

C’est pour cela que j’écris à tous ceux que je connais et à ceux que j’aimerais connaître. Je ne leur demande pas qu’ils signent cette lettre comme s’il s’agissait d’un manifeste dicté par des politiques. Mais je demande à chacun d’entre vous de faire connaître publiquement et en termes personnels son attente d’une participation active au deuxième tour de l’élection présidentielle du 28 octobre, notre soutien au vote anti-Bolsonaro, argumenté de la façon dont chacun voit les choses. Et en diffusant votre lettre via vos canaux personnels, réseaux sociaux, moyens de communication, contacts politiques, sous quelque format permettant la diffusion de notre protestation contre l’élection du fascisme au Brésil.

Nous sommes nombreux à avoir des contacts au Brésil, ou à avoir des contacts ayant des contacts. Contactons-les. Un whatsapp est suffisant, ou un appel téléphonique. Pas besoin de hashtag. Nous sommes des personnes, des milliers, et même des millions potentiellement dans le monde et au Brésil. Parce que dans notre vie nous avons acquis par nos luttes et notre intégrité une certaine autorité morale, utilisons-la aujourd’hui avant qu’il ne soit trop tard.

Je vais le faire, je suis en train de le faire. Simplement, je demande à chacun et à chacune de faire ce qu’il peut.

 

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