Après avoir introduit l’idée d’un manifeste de la transformation sociale et sociétale par la culture, les membres du collectif Hic & Nunc proposent de promouvoir des droits culturels. Ceux-ci s’affirmeraient alors par l’adaptation à la culture du développement local, de l’éducation ou encore de la citoyenneté.
Comme exposé précédemment, concevoir la culture comme le levier d’une transformation sociale et sociétale exige de permettre à l’ensemble de la société de s’approprier les leviers de ce changement. Parmi les différents membres de cette société – communauté culturelle, les citoyens sont les premiers destinataires de notre propos.
Dans cette logique, il ne s’agit pas d’envisager les citoyens comme bénéficiaires passifs d’une politique qui se déploierait de manière uniforme, centralisée et descendante, mais bien comme les acteurs eux-mêmes d’une citoyenneté culturelle. Il s’agit, en effet, de consolider l’appropriation d’une liberté individuelle récemment définie autour des droits culturels, consacrés par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Dans le sillage de la Déclaration de Fribourg de 2007, cette loi donne désormais en France le droit explicite de vivre et d’exprimer sa culture, de participer à la vie culturelle de son choix. Cette liberté fondamentale, encore conceptuelle, doit aujourd’hui être mieux diffusée, comprise, partagée, pour permettre à chaque citoyen d’en faire l’exercice. C’est donc bien par les usages que nous proposons ici d’envisager ces droits qui donnent à chacun reconnaissance et capacité à agir en matière culturelle. Cependant, une promotion mal accompagnée de ces droits pourrait exposer à un risque qu’il s’agit de prévenir.
L’écueil d’un repli individualiste, voire communautariste, induit par une approche culturelle qui serait essentiellement régie par le rapport marchand
La dernière étude1Philippe Lombardo, Cinquante ans de pratiques culturelles en France, Loup Wolff, juillet 2020. sur les pratiques culturelles des Français réalisée par le ministère de la Culture souligne deux tendances de fond : la rémanence d’un déterminisme social des usages culturels, d’une part, et une évolution à la hausse des consommations culturelles, d’autre part. Ces deux tendances peuvent entrer en résonance avec les principes de reconnaissance de l’altérité culturelle et de promotion des diversités que comporte l’exercice des droits culturels.
En effet, dans le contexte d’une société de consommation ouverte à plus de diversité culturelle, chaque citoyen consommateur peut s’identifier par ce qu’il achète. Force est de constater que l’offre de politique culturelle est majoritairement imprégnée d’un modèle marchand. Sorties, loisirs et pratiques culturelles, elles, sont aujourd’hui majoritairement payantes, et la question de l’accessibilité culturelle trop souvent réduite à une question économique. L’exemple du Pass culture en donne un témoignage éloquent. Cet outil séduisant sur son principe se révèle limité sur sa mise en œuvre. Dans une logique d’égalité plus que d’équité, il donne à chaque jeune de dix-huit ans une capacité à consommer la culture de son choix à hauteur de 300 euros. Mais, sans médiation et sans accompagnement, elle cantonne en fait chaque jeune majeur dans son environnement familier, quel qu’il soit. À ce jour, les rares données disponibles quant à l’impact social de cette mesure ne démontrent qu’un très faible effet de démocratisation culturelle. Sans action publique contracyclique, le rapport marchand dominant s’imposera durablement à la politique culturelle. Dans un contexte d’émergence des droits culturels pouvant être perçus comme un facteur complémentaire accentuant l’individualisation, il s’agit d’identifier clairement le risque du repli sur les usages connus, aux sources du communautarisme.
Ces excès, sans régulation, ne peuvent contribuer à un projet de transformation et exigent de changer de paradigme : passer d’un modèle de consommation culturelle à une logique de citoyenneté culturelle. Il nous appartient alors d’interroger ce qui peut dans notre société faire encore culture commune tout en promouvant l’émergence des droits culturels. Réincarner, en somme, les valeurs humanistes du pacte républicain pour les mobiliser dans l’appropriation collective d’un « droit du sol », propre à consolider le sentiment d’appartenance à un territoire, une communauté.
Cet objectif ne semble pouvoir être atteint qu’à l’aune de trois conditions complémentaires. Il s’agit, tout d’abord, de dépasser des logiques sectorielles et parfois corporatistes pour placer le développement de la citoyenneté au centre de l’action publique. Il s’agit, ensuite, d’investir dans la formation de chaque citoyen à l’exercice de ses droits culturels et, enfin, de définir des devoirs culturels pour responsabiliser chacun dans sa contribution à un nouveau pacte social.
Dépasser les logiques de politiques sectorielles pour placer le développement de la citoyenneté au centre de l’action publique
La compétence partagée de la Culture à chaque niveau institutionnel a été confortée par la loi du 7 août 2015, portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (loi NOTRe). Si celle-ci est un acquis à préserver, garante d’un pluralisme recherché et d’une indispensable neutralité, elle peut être néanmoins source de plusieurs externalités négatives : fragilité de coordination, cloisonnement des interventions et parfois de surenchères institutionnelles pouvant détourner l’action du sens de l’intérêt général. Afin de corriger ces effets institutionnels, l’État peut jouer un rôle dans son repositionnement stratégique, mais aussi dans sa capacité à dépasser lui-même des logiques de politiques sectorielles et à positionner plus clairement le curseur de l’intérêt général.
Pour un État plus stratège et agile en matière de citoyenneté
Causes nationales, actions interministérielles ou startup d’État, nombreux sont les palliatifs pour faire exister des enjeux identifiés comme prioritaires au niveau national dans une organisation pourtant très cloisonnée et qui apparaît à ce titre difficile à mobiliser. Pourtant, le défi de l’efficience publique ne semble jamais avoir été aussi prégnant qu’aujourd’hui. Là aussi, le modèle pourrait être interrogé : pourquoi conserver plusieurs ministères alors qu’on ne cesse de souligner l’importance de ces actions transversales ? Le gouvernement danois a fait un choix radical en la matière, celui d’une installation dans un lieu unique, Christiansborg, à Copenhague. À défaut d’un tel choix, le gouvernement français n’aurait-il pas intérêt à accompagner le recentrement stratégique de son action dans la mise en œuvre de regroupements plus larges de politiques afin de donner plus de sens et de force à des priorités politiques, qui ne peuvent aujourd’hui se réaliser qu’à la marge d’un système apparaissant comme irréformable ?
Proposition n°1 : Fusionner les ministères de l’Éducation, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture et promouvoir un ministère de la Citoyenneté et de l’Émancipation
Dans un ministère large avec plusieurs secrétariats d’État coordonnés dans un projet de transformation, pourraient s’y mêler des politiques contribuant au développement humain (éducation, culture, jeunesse, sport). Celui-ci serait recentré sur la stratégie, la définition des orientations nationales et l’accompagnement en ingénierie des territoires. Cette exigence de repositionnement exprime une double ambition pour le gouvernement : d’une part, un sens plus fort donné à l’action publique et, d’autre part, plus d’efficacité dans la construction stratégique de politiques tendanciellement toujours plus transverses.
Proposition n°2 : Transférer les personnels de direction et les enseignants des Établissements Publics Locaux d’Enseignement (EPLE) à chaque niveau de collectivité pour plus de stratégie au niveau national et plus d’efficience au niveau local
Gestionnaires et personnels de direction sont des acteurs locaux de l’inscription territoriale des EPLE. En interface constante avec les agents publics territoriaux, ils n’ont pour autant peu ou pas de relations fonctionnelles. Leur rattachement hiérarchique aux collectivités compétentes aurait du sens dans l’animation globale du projet de citoyenneté sur le territoire. Revisitant ainsi le lien avec l’Éducation nationale dans une relation fonctionnelle plus stratégique, ce rattachement permettrait de créer une approche mettant le citoyen dans l’ensemble de ses temps de vie sur le territoire au cœur de l’action publique d’enseignement.
Dans cette même logique, la décentralisation de la gestion des personnels enseignants de ce nouveau ministère élargi apparaît comme la condition indispensable à la réussite d’un repositionnement stratégique de l’État en matière de citoyenneté et d’émancipation. Il s’agit bien ici d’une étape de décentralisation éducative visant à transférer les personnels enseignants à chaque niveau de collectivité compétente. Dans ce schéma, l’objectif d’éducation et son cadre général demeurent un repère indivisible de l’action de l’État, c’est sa mise en œuvre qui doit s’opérer dans l’intelligence et l’efficacité de chaque territoire. L’État doit donc rester garant de la formation, de la certification des enseignants, du pilotage et de la qualification des programmes éducatifs, des contenus et de l’évaluation du système. En revanche, un encadrement managérial de proximité devra être formalisé au travers d’un statut spécifique d’encadrant hiérarchique donné aux chefs d’établissement et d’une révision du statut enseignant permettant de mieux mobiliser les équipes pédagogiques. C’est notamment le schéma du système éducatif finlandais qui donne plus de leviers à l’excellence et à l’efficience des projets d’établissement par une meilleure mobilisation de tous les leviers locaux de la communauté éducative.
La nécessité de restaurer des liens entre éducation et culture
La difficulté de généralisation de l’éducation artistique et culturelle met en lumière aujourd’hui la nécessité de reconstruire les liens distendus entre ces politiques depuis soixante ans. Sans remettre en cause la richesse de la complémentarité des approches professionnelles, il apparaît aujourd’hui nécessaire de généraliser des coopérations vertueuses qui sont trop souvent aujourd’hui le fruit ponctuel d’alchimies interpersonnelles réussies.
Proposition n°3 : Constituer des éléments de référentiel commun pour les professionnels de l’éducation, de la culture et de l’animation
Fort de l’exemple du projet Démos (Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale) au travers d’orchestres en centres sociaux qui a pu créer des situations d’interconnaissance professionnelle au bénéfice d’un projet de démocratisation culturelle, il s’agit de constituer des référentiels professionnels communs au travers de volets de formation initiale, continue et d’harmonisation statutaires entre professionnels de la culture, de l’éducation et de l’animation.
L’enjeu d’un rééquilibrage du discours public dans la promotion des valeurs républicaines
Si la liberté est une valeur qui s’épanouit dans le contexte d’une société de consommation à tendance individualiste, on peut regretter la faiblesse du discours public récent en matière de fraternité et de solidarité (hormis toutefois l’affirmation d’un État-providence à l’occasion de la crise sanitaire de 2020). Ces valeurs complémentaires pourraient être habilement réinvesties par la culture : critères de financements, programmations culturelles, dispositifs d’accompagnement. Ces outils pourraient être déclinés autour de nouveaux rites culturels publics dont la réfaction expose peu à peu la société à des risques de division.
Proposition n°4 : Créer et mettre en œuvre de nouveaux rites culturels fédérateurs
À l’instar des fêtes révolutionnaires qui assuraient au travers de la culture la promotion des valeurs de la République naissante, la puissance publique doit aujourd’hui revisiter et renforcer la fonction de ses rites culturels. Semaines des solidarités culturelles avec une action de billetterie sociale et intergénérationnelle, Nuits interculturelles favorisant le dialogue des cultures, etc., ces nouveaux rites culturels devront être générés par l’idée qu’ils veulent partager plus qu’un genre ou un établissement culturel qu’il s’agirait de promouvoir (Nuit des musées, Nuit des conservatoires…). Au niveau local, ces rites sont parfois solidement ancrés : c’est, par exemple, les projets poursuivis à Créteil Jour de fête, ou, à Lyon avec la Biennale de la danse. Ceux-ci mobilisent la population via le réseau des centres socioculturels qui maillent leurs territoires dans une œuvre participative co-construite avec le Centre national chorégraphique local.
Former chaque citoyen à l’exercice de ses droits culturels
L’éducation par l’art est fondée sur trois piliers : rencontre avec l’œuvre ou l’artiste, pratique artistique, projet éducatif. Cette éducation artistique et culturelle a été définie par une charte nationale en mai 2019. Dans l’ambition de sa généralisation, elle apparaît aujourd’hui comme le levier essentiel de la formation de chaque citoyen à l’exercice de ses droits culturels. Cependant, sa généralisation « pour toutes et tous et tout au long de la vie », tel un slogan, semble encore tenir de l’incantation publique. Pourtant, source d’inclusion sociale, de renouvellement de la mixité scolaire par l’excellence éducative, comme pratiquée dans le modèle éducatif scandinave, sa mise en œuvre effective, partenariale et qualitative est une priorité.
À l’instar de la Confédération suisse qui a inscrit l’importance de cette politique dans sa Constitution, cette ambition doit aujourd’hui s’affirmer en France par le droit. Une inscription constitutionnelle permettrait ainsi d’associer à l’exercice des droits culturels la formation et l’accompagnement à l’exercice de ces droits, au fondement du pacte social. Une fois confortée par la Constitution, la généralisation de l’éducation artistique et culturelle pourra effectivement se mettre en œuvre au travers de plusieurs actions complémentaires :
L’enjeu du développement local de l’offre d’éducation artistique et culturelle
L’offre d’éducation artistique et culturelle en territoire est parfois insuffisante pour relever l’objectif de la généralisation. Il s’agit alors de créer de nouvelles ressources. De nombreuses pistes sont envisageables, il n’y a pas de modèle en la matière, les meilleures initiatives jaillissant souvent dans l’intelligence du dialogue entre opérateurs de territoires. On pourra remarquer à titre d’exemple deux initiatives ayant fait leurs preuves.
Proposition n°5 : Systématiser les résidences d’artistes en établissement scolaire
Considérant les « embouteillages » liés aux reports de programmation des lieux de diffusion du fait de la crise sanitaire, la question de nouveaux débouchés pour la création invite à repenser la commande publique en matière d’éducation artistique et culturelle. Certains départements, comme la Seine-Saint-Denis avec son dispositif In situ, ou bien la Collectivité européenne d’Alsace avec Sortie d’artistes se sont ainsi engagés dans une systématisation de résidences d’artistes, constituées de présence sur site, d’ateliers, de rencontres et d’une production, dans tous les collèges de la collectivité, selon un principe : un collège, une résidence.
Proposition n°6 : Intégrer dans les matrices de l’enseignement supérieur artistique un volet de médiation
La France dispose d’un maillage territorial assez exceptionnel d’établissements supérieurs d’enseignements artistiques. Les jeunes artistes plasticiens, architectes, musiciens, comédiens, danseurs, circassiens qui y sont formés sont autant de ressources pour les territoires qui les accueillent et contribuent financièrement la plupart du temps à leur formation. Refondre les matrices de l’enseignement supérieur artistique pour inclure un volet médiation associé à un modèle d’alternance avec les collectivités territoriales d’implantation des établissements serait de nature à engager un équilibre gagnant-gagnant pour de futurs professionnels plus polyvalents et des territoires mieux irrigués culturellement.
La nécessité d’une coordination et d’un pilotage en proximité de l’offre d’éducation artistique et culturelle
Comme évoqué préalablement, l’ambition d’accompagnement à l’exercice des droits culturels ne peut se satisfaire de compétences aussi éclatées entre les différentes politiques publiques nécessaires à sa mise en œuvre. Le pilotage de proximité de l’éducation artistique et culturelle est un préalable indispensable à sa généralisation. Le cœur des propositions de ce propos tient à celles-ci.
Proposition n°7 : Mettre en place un chef de filât départemental pour l’éducation artistique et culturelle
Face à des régions agrandies et des intercommunalités inégalement dotées en matière culturelle, l’échelle départementale apparaît comme la maille institutionnelle pertinente en matière de cohésion culturelle des territoires. Elle présente également l’intérêt d’un utile parallélisme avec l’organisation déconcentrée de l’État au travers des directions académiques des services de l’Éducation nationale, organisées à l’échelle des départements. Afin de garantir les meilleures coopérations entre zones urbaines et rurales, zones aisées et zones moins favorisées, un chef de file en matière de programmation, de suivi et d’évaluation de l’offre d’éducation artistique et culturelle à l’échelle départementale pourrait être consacré par la loi à l’instar du rôle qui lui a été conféré en matière sociale.
Proposition n°8 : Instituer une conférence territoriale des financeurs de l’éducation artistique et culturelle
En complément d’un chef de filât, il s’agit de doter le territoire départemental d’une instance de pilotage, de financement et d’orientation : une conférence des financeurs. Celle-ci pourrait prendre la forme d’une structure juridique formalisant un intérêt partagé comme le Groupement d’intérêt public (GIP), mode de gestion retenu par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, promulguée le 28 décembre 2015 sur le sujet éminemment partagé du handicap. Cette structure pourrait réunir l’État (DRAC, rectorat), le département, les intercommunalités, des structures privées le cas échéant… C’est l’exemple mis en œuvre notamment par le GIP-Acmisa dans l’académie de Strasbourg.
Permettre à chaque citoyen de contribuer à un nouveau pacte social
Dans une société qui investit sur la formation aux droits culturels, qui accorde une ambition à la rénovation de la notion de citoyenneté par la culture, il s’agit, dans des lieux et des temps favorisant l’engagement, de stimuler la capacité de chaque citoyen à contribuer au pacte social. Cette contribution se manifeste par l’exercice de droits et l’accomplissement de devoirs, d’engagements culturels qui participent à la qualité du lien social.
Généralisation du concept de tiers-lieux : désinhiber l’accès à la culture
Les bibliothèques, médiathèques, centres d’archives ou centres de documentation gagneraient à valoriser davantage leur rôle potentiel de tiers-lieux, propices à la fabrique du citoyen. Ils offrent à la fois un lieu en commun neutre, des ressources (médias, connexion Internet), des échanges avec d’autres usagers et des professionnels de la médiation de l’information, voire des espaces de travail en groupe. Les professionnels de la lecture publique ou des archives qui y accueillent et orientent le public forment à la recherche et au numérique : recherche d’information, formation aux médias, critique des sources, analyse d’images… Un important travail y est déjà fait vers le public scolaire, mais gagnerait à être généralisé à tous les publics.
Proposition n°9 : Transformer les établissements culturels en tiers-lieux
Nombreux sont les exemples réussis de lieux mixtes permettant de croiser les usages publics : là un guichet citoyen aux archives départementales de l’Aude, là une médiathèque/centre social à Saint-Herblain ou Vaulx-en-Velin. Certains sont même hybridés aux fonctions commerciales de la cité : le Lieu unique à Nantes ou encore la Grande Poste à Bordeaux. Il s’agit d’en généraliser l’approche en encourageant la rénovation du maillage des établissements culturels dans les territoires par des dispositifs financiers incitatifs, ou bien en systématisant des services culturels au cœur des maisons de services au public (MSAP).
L’appui stimulant de la culture pour amplifier la démocratie participative
Dans une société de plus en plus éduquée, la démocratie participative s’est affirmée comme un corollaire indissociable de la démocratie représentative. Elle favorise, en effet, l’information, la consultation, la concertation et la décision. Malgré un corpus réglementaire diversifié, ses manifestations relèvent encore d’un certain empirisme à géométrie variable. Cependant, lorsque celles-ci sont associées à la culture, la participation en apparaît favorablement impactée. À Brest, par exemple, Le Fourneau, centre national des arts de la rue et de l’espace public, et Passerelle, centre d’art contemporain d’intérêt national, ont accompagné Brest métropole dans la définition participative et l’appropriation citoyenne du nouveau quartier des Capucins.
Proposition n°10 : Formaliser un cadre d’emploi dans la filière animation de développeur de démocratie participative
La démocratie participative doit se structurer dans la fonction publique. Un cadre d’emploi est devenu nécessaire dans ce domaine. Dans le corpus de compétences de ces futurs professionnels de l’action publique locale, le développement culturel apparaît comme une compétence socle qu’il appartiendra de développer.
L’engagement bénévole, une ressource mal mobilisée
Le renouveau de l’engagement bénévole peut être considéré comme l’aboutissement du plein exercice de la citoyenneté. En matière culturelle, celui-ci doit être mieux identifié, accompagné, reconnu et développé. Trop souvent déprécié dans une opposition stérile entre amateurs et professionnels, cet engagement est de nature à porter l’effort du dynamisme d’une politique culturelle dont l’ambition est de contribuer à la transformation sociale et sociétale. De nombreux domaines peuvent être envisagés : lecture publique, archives, diffusion culturelle, archéologie, histoire et mémoire, nous choisirons ici d’aborder les pratiques artistiques et le patrimoine à titre d’exemple.
Proposition n°11 : Soutenir les pratiques amateurs et contribuer à leur renouveau dans les territoires
Chorales, harmonies, compagnies de théâtre, jeunes ballets, ensembles de musique actuelle, la grande diversité de ces dispositifs sur les territoires ne bénéficie pas d’une stratégie et de moyens à la hauteur de leur structuration du territoire. Développer un guichet unique des pratiques amateurs, consolider leur place dans les territoires en lien avec la territorialisation des EPLE, professionnaliser les encadrants, actualiser la politique nationale d’enseignement artistique en équilibrant à parts égales la mission de formation avec celle de ressource en matière de développement des pratiques, telles pourraient être les mesures d’un plan Orphéon 2027.
Proposition n°12 : Conforter la place des bénévoles dans la préservation et la valorisation du patrimoine
Il s’agit également de prendre en considération le patrimoine, bâti et naturel, matériel et immatériel, comme un capital non délocalisable pour lequel l’engagement bénévole est une ressource formidable encore insuffisamment mobilisée. Plusieurs actions permettant de formaliser le rôle du bénévolat pourraient être envisagées en la matière : la reconnaissance réglementaire d’un cadre d’intervention, le développement de leviers fiscaux incitatifs pour les particuliers pour développer le mécénat privé et pour les collectivités pour promouvoir des dispositifs de protection (ZPPAUP/AVAP).
L’accompagnement de chaque citoyen dans le plein exercice de ses droits culturels est la première étape d’un processus de transformation sociale et sociétale par la culture. La transformation passe par une proximité de l’action, gage d’efficacité et soucieuse du développement de la démocratie participative. Cette proximité de l’action publique met en lumière le rôle central des élus locaux dans ce projet transformation. Le prochain épisode de ce feuilleton leur sera consacré et définira leurs responsabilités dans la conception et l’animation des territoires culturels comme autant de nouveaux espaces démocratiques à investir.
- 1Philippe Lombardo, Cinquante ans de pratiques culturelles en France, Loup Wolff, juillet 2020.