1992-2011, de Maastricht à la crise de l’euro : permanences et mutations des clivages sur l’Europe

L’aggravation de la crise de l’euro et de la dette souveraine a fait ré-émerger le débat sur la poursuite de l’intégration européenne. Par rapport à 1992 et 2005, quelles sont aujourd’hui les lignes de clivage entre pro-européens et eurosceptiques ?

Alors que se succèdent les sommets de la dernière chance, le devenir de l’Europe ne cesse de faire l’actualité. Entre projets de renforcement de l’intégration européenne et présages d’une Europe divisée, voire de l’implosion de l’euro, comment se situent les Français face aux enjeux de la question européenne, et quelles évolutions manifestent-ils dans l’expression de leur opinion et de leurs souhaits à l’égard du projet européen ?
La comparaison de résultats d’enquêtes sur les intentions de vote menées lors des référendums de 1992 et 2005 en France avec ceux de sondages actuellement réalisés par l’IFOP permet de dégager les grands clivages qui traversent la population française sur ces questions et de faire ressortir évolutions et permanences parmi les groupes identifiés. On avance en effet l’idée selon laquelle c’est autour de l’idée d’acceptation ou de refus d’une intégration européenne renforcée que s’est cristallisée l’opinion publique à ces trois moments clés.
De septembre 1992 avec la victoire du « oui » à Maastricht à l’hiver 2011 avec 53 % d’opposants en moyenne à une intégration renforcée, en passant par le « non » vainqueur du référendum de 2005, le mouvement général du rapport de force va vers une opposition croissante à la poursuite du projet européen telle que proposée aujourd’hui.
Au sein de cette tendance, plusieurs groupes sont à distinguer et témoignent d’évolutions parfois divergentes.
Les femmes ont par exemple opéré un revirement certain dans leur adhésion à une Europe renforcée depuis 2005, ce décrochage sensible pouvant en partie être attribué à la baisse du pouvoir d’achat imputé au passage à l’euro, ou encore au degré de protection insuffisant qu’elles estiment recevoir des institutions européennes.
Les classes d’âge montrent également des inflexions dans leur rapport à la poursuite de la construction européenne. L’adhésion, qui reste forte pour les plus de 65 ans et se maintient pour la classe d’âge 50/64 ans, est toujours minoritaire chez les plus jeunes actifs, malgré une légère remontée depuis 2005. Ce manque de soutien représente un handicap réel pour les tenants de l’intégration européenne, dès lors que ces actifs seront précisément ceux destinés à supporter les efforts collectifs supplémentaires requis. Il n’est pas pour autant uniforme selon les catégories socioprofessionnelles : l’opposition entre la « France d’en haut » et la « France d’en bas » semble ainsi se creuser.
Le clivage socioprofessionnel s’ajoute à une forte polarisation des attitudes vis-à-vis de l’Europe selon la sympathie partisane : l’adhésion à une intégration européenne plus poussée est majoritaire dans les électorats plus centraux, tandis qu’elle apparaît comme un véritable repoussoir pour les soutiens des extrêmes. Au sein des « partis de gouvernement », on peut noter des évolutions parfois importantes, comme le ralliement des principaux responsables actuels de l’UMP à une intégration européenne qu’ils n’ont pas toujours défendue, que ce soit par conviction politique ou par considération politicienne. L’évolution depuis Maastricht semble être inverse pour le Parti socialiste, qui reflète également en cela les évolutions précédemment constatées dans les classes moyennes. Si le rapport s’y est depuis 2005 rééquilibré en faveur du soutien au projet européen, l’électorat socialiste reste divisé. Enfin, les électorats du Parti communiste et du Front national apparaissent comme les plus fidèles et constants soutiens du « non ».

Du même auteur

Sur le même thème