La République, l’Eglise et l’Islam. Une révolution française

Pour « Demain les banlieues », le député du Val-d’Oise Philippe Doucet évoque avec l’islamologue, politologue et enseignant franco-marocain Rachid Benzine son livre La République, l’Église et l’Islam. Une révolution française (Bayard, 2016).

Pour Demain les banlieues, son groupe de travail au sein de la Fondation Jean-Jaurès, Philippe Doucet reçoit l’islamologue et politologue Rachid Benzine, co-auteur avec Christian Delorme de La République, l’Eglise et l’Islam. Une révolution française (Bayard, 2016), paru le 9 mars dernier. Rachid Benzine et Christian Delorme, initiateur de la Marche pour l’égalité en 1983, avaient écrit ensemble Chrétiens et musulmans. Nous avons tant de choses à nous dire (Albin Michel), publié en 1998.
 
 
 

La réaction de Philippe Doucet

La République, l’Eglise et l’Islam. Une révolution française analyse la place de l’islam dans la société française en dépassant les lieux communs qui entourent la question de la fracture identitaire.

Vingt ans après son premier ouvrage, Rachid Benzine se dit pessimiste. Il présente ces dernières années comme ayant été à la fois marquées par le déni obstiné de la société française concernant la guerre d’Algérie, et par une évolution rapide des revendications identitaires concentrées sur l’Islam. A ces deux tendances s’ajoute le succès de Daech, qui parvient à donner de l’espérance à certains jeunes quand la politique n’y arrive plus.

Pour sortir de cette logique, Benzine propose plusieurs pistes.

Il insiste tout d’abord sur la nécessité d’ouvrir un dialogue libéré des tabous au sujet de l’ancien empire colonial français, et plus particulièrement du conflit franco-algérien. La parole est aujourd’hui déséquilibrée, et un silence pesant demeure sur les relations entre la France et ses anciennes colonies, alors que l’obsession de la société française pour l’Islam s’exprime largement dans les médias et sur les réseaux sociaux avant même d’être reflétée par les sites internet musulmans. A la fracture – d’abord générationnelle – que provoque cette absence de dialogue et de reconnaissance s’ajoute un sentiment d’insécurité culturelle souvent prégnant chez les non-musulmans. Rachid Benzine analyse ce dernier élément non pas comme une incompatibilité de l’Islam avec la société française, mais comme un échec de la société française à l’intégrer en son sein.

De leur côté, les musulmans ont-ils un travail à faire sur eux-mêmes ? Si oui, c’est sur le texte religieux lui-même que la réflexion doit se concentrer afin de proposer une critique interne pertinente de la religion musulmane. Selon l’auteur, au moins 80% des Français musulmans ne se retrouvent pas dans l’interprétation identitaire de l’Islam, alors même qu’elle est aujourd’hui l’interprétation la plus visible. Pour pallier ce problème, il s’agit de parvenir à canaliser le savoir religieux islamique, à centraliser ce dernier pour l’approfondir             et le valoriser. Or, la valorisation de la religion musulmane dans la société française passe par la mise en place d’outils institutionnels solides : en créant des chaires spécialisées en théologie coranique par exemple, mais aussi en favorisant l’apprentissage de la langue arabe – qui se perd – pour permettre aux chercheurs de travailler dans le texte, et non par le truchement de traductions qui constituent déjà des interprétations.

Pour lutter contre les risques d’aliénation que présente toute religion, Rachid Benzine rappelle que la laïcité ne constitue une solution que si elle est associée à une prise en compte de l’objet religieux en tant que tel, et à une critique de celui-ci qui sache s’enrichir de l’histoire et de l’anthropologie, tout en se distanciant des lieux communs contemporains.

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