A l’occasion d’un débat sur les élections américaines le 28 juin 2016, organisé en partenariat avec la FEPS, Ken Gude, senior fellow au Center for American Progress, livre son analyse sur la campagne électorale présidentielle aux Etats-Unis et revient sur les travaux menés par le CAP, le plus influent des think tanks progressistes.
Quel est l’état du Parti démocrate à un mois de la Convention ? Sur le plus long terme, quels sont les défis auxquels font face les Démocrates selon vous ?
Avant toute chose, merci beaucoup, je suis très heureux d’être ici. Je suis Ken Gude du Center for American Progress basé à Washington D.C. Le Parti démocrate est dans une position solide dans ce cycle électoral, mais deux défis principaux persistent : l’un sur le court terme, l’autre sur le long terme. Dans l’immédiat, il va y avoir le gros test de la confrontation avec Donald Trump dans la campagne présidentielle. Il représente un type de candidat non conventionnel qui promet de perturber le système politique américain d’une manière complètement nouvelle. Le vrai challenge pour les Démocrates est de gagner absolument cette élection. Le risque d’une présidence Trump, au-delà de ces idées politiques conservatrices avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord, est que son tempérament ne convient pas à un commandant en chef de l’armée américaine. Ce n’est pas seulement le fait d’avoir la main posée sur le bouton nucléaire, mais de manière plus générale le fait d’exercer le commandement sur la plus grande et plus puissante force militaire que le monde n’ait jamais connu. Son tempérament ne nous amène pas à croire en sa capacité à gérer cette puissance dans une crise internationale. Il faut donc absolument que nous l’emportions. Heureusement, le Parti démocrate s’unifie maintenant derrière Hillary Clinton et nous sommes en position de force pour remporter cette élection en novembre. Mais le risque d’une victoire de Donald Trump reste très important et donc nous travaillons dur pour nous assurer que cela ne se produise pas.
Sur le plus long terme, le défi que Bernie Sanders a représenté pour Hillary Clinton pendant les primaires a été très positif : il a été capable d’énergiser une partie de la jeunesse en la rendant active politiquement pour des primaires, ce que l’on avait pas vu depuis longtemps. Cela ressemble un peu à ce que Barack Obama avait fait en 2008, mais c’était cette fois très orienté sur certains enjeux, sur les problèmes auxquels fait face la jeunesse américaine. Cependant, il y a aussi des challenges qui s’associent à ces éléments positifs. Si les solutions que proposaient Bernie Sanders étaient d’ampleur suffisante pour faire face aux problèmes auxquels elles tentaient de répondre à l’échelle du pays, elles restent irréalistes dans notre système politique et cela risque de nous aliéner justement cette jeunesse si Hillary Clinton est capable de remporter l’élection présidentielle et si les Démocrates ne sont pas capables de mettre en œuvre certaines des politiques désirées par les jeunes américains. Il ne fait pas actuellement partie du monde des possibles, même si les Démocrates prennent le contrôle du Sénat et de la Chambre des Représentants, de rendre ces idées réalisables du fait de notre contexte politique. C’est toujours bon d’être ambitieux et d’avoir des objectifs, mais nous ne voulons pas créer des attentes irréalistes. La manière avec laquelle nous allons gérer cette situation et conserver cette jeunesse avec autant d’énergie et de volonté pour régénérer ce pays avec des solutions progressistes sans pour autant pouvoir atteindre les sommets que Bernie Sanders promettait est le principal défi auquel devront faire face les Démocrates.
Quel est le mode de fonctionnement du Center for American Progress, le principal think tank généraliste des progressistes, dans le contexte politique américain ?
Le Center for American Progress est un think tank relativement jeune. Il a été fondé en 2003. Mais nous sommes la seule institution progressiste et généraliste aux Etats-Unis. Si nous sommes très clairement au centre-gauche du spectre politique, et si nos opinions s’alignent généralement avec celles des Démocrates, nous ne sommes pas associés formellement aux Démocrates. Il y a une séparation et une indépendance entre ce que le Center for American Progress pense et ce que les élus du Parti démocrate ou ses candidats peuvent avoir comme objectifs et opinions. Ce que nous faisons, c’est la production de la substance de l’agenda progressiste. Nous travaillons sur des sujets différents comme les questions de sécurité, qui sont ma spécialité, les questions liées à l’énergie, à l’environnement, l’économie, l’immigration, l’éducation, la sécurité sociale… Nous essayons vraiment d’être un « guichet unique » pour la formation de l’agenda politique des progressistes.
Nous pensons que dans l’environnement actuel, en tout cas à Washington, il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées, nous investissons donc massivement dans la communication pour pouvoir injecter directement nos idées dans les débats politiques quotidiens qui ont lieu à Washington, mais aussi dans le monde entier. Nous avons notre propre blog, qui s’appelle « think Progress », démarré en 2005, et qui maintenant compte 7 millions de visites par mois, ce qui est comparable à des sites comme Politico ou le Huffington Post que vous connaissez peut-être mieux. Nous avons adopté une nouvelle approche dans notre manière de transmettre nos idées au peuple américain, mais nous investissons également massivement dans notre communication plus « traditionnelle ». Nous avons notre propre studio de télévision, notre propre studio de radio, un groupe de communicants qui permet aux chercheurs du Center for American Progress ou d’autres chercheurs progressistes de passer à la télévision pour faire connaître et défendre nos idées. Ainsi, nous développons un nouvel agenda et tentons de le promouvoir dans le cycle politique à Washington.
Les élections américaines sont-elles jouées d’avance ? Le débat en vidéo
Le 28 juin 2016, à moins d’un mois des conventions démocrate et républicaine, Ken Gude, spécialiste de sécurité nationale du Center for American Progress, et chroniqueur régulier pour la FEPS, et Célia Belin, chercheur associé au Centre Thucydide, ont débattu à la Fondation Jean-Jaurès. Sur le plan intérieur, quelles sont les dynamiques internes aux deux camps ? Sur le plan international, quelles sont les implications de la victoire de Hillary Clinton ou de Donald Trump, notamment par rapport à l’héritage de la présidence Obama ? Pour mieux comprendre les élections américaines dont l’issue est loin d’être jouée d’avance.