L’engagement citoyen est en pleine transformation au sein des nouvelles générations et les nouvelles participations de la jeunesse à la vie de la cité sont plus individuelles. Elles n’en doivent pas moins être accompagnées et valorisées, ce que fait l’Institut de l’engagement depuis 2012. Antoine Bristielle, le directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation qui a participé au campus initié par l’Institut, revient sur le bilan des dispositifs mis en place dans ce cadre.
Bien souvent, représentants politiques comme journalistes dressent le même constat : la jeunesse française serait de plus en plus individualiste, recroquevillée sur elle-même et ne serait plus intéressée par la participation à la vie de la cité. Pour s’en convaincre, il suffirait de constater la baisse de la participation électorale des jeunes générations, en particulier lors des élections intermédiaires.
Pour autant, cette prophétie ne résiste pas à un examen plus attentif des faits empiriques. L’engagement citoyen est en pleine transformation au sein des nouvelles générations, chez ces « citoyens qui viennent », selon l’expression du politiste Vincent Tiberj1Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017.. Elles valorisent en effet un engagement plus individuel, pensant que c’est davantage par leur action personnelle et concrète que la société pourra être transformée de manière positive et durable.
Encourager l’engagement de la jeunesse
Pour autant, dire que l’engagement prend des formes plus individuelles ne signifie pas que la participation de la jeunesse à la vie de la cité ne doit pas être accompagnée et même récompensée.
En 2010 naissait ainsi un nouveau dispositif, le service civique, développé par Martin Hirsch, alors Haut Commissaire à la jeunesse, donnant aux jeunes de 16 à 25 ans la possibilité de s’engager pour une durée de six à douze mois, dans une mission d’intérêt général. Ce dispositif recueille par ailleurs près de 90% de satisfaction chez les participants2Agence du service civique, Rapport d’activité 2022..
Néanmoins, ce dispositif ne permettait pas de suivre le parcours des volontaires, ni de les accompagner vers le monde professionnel en aval de leur période de service civique. C’est dans cette perspective que l’Institut de l’engagement a été créé en 2012.
Le rôle de l’Institut de l’engagement
L’Institut de l’engagement permet à des jeunes qui ont montré leur talent et acquis des compétences dans une période d’engagement, que ce soit dans le cadre d’une mission de bénévolat ou de volontariat, d’être accompagnés, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, et quel que soit leur bagage scolaire ou culturel.
Chaque année, 700 lauréats sont ainsi repérés par l’Institut pour leur potentiel et la qualité de leur projet, et bénéficient d’un accompagnement pour reprendre ou poursuivre leurs études, pour trouver un emploi ou pour créer une activité. En plus d’un accompagnement individuel, sur la durée, l’Institut offre un soutien financier à certains lauréats sous condition de ressources.
L’Institut de l’engagement présente un bilan assez exceptionnel : après leur accompagnement, 90% des lauréats ont concrétisé leur projet, qu’il soit académique, professionnel ou entrepreneurial.
Depuis 2022, l’Institut accompagne également plus d’un millier de jeunes engagés supplémentaires sous la forme du mentorat.
Autre marqueur fort, l’Institut offre des temps d’échange collectifs, sous le signe du décloisonnement des univers, au moment de ses Universités-campus de l’engagement, dont la dernière édition a eu lieu à Autrans, dans le Vercors, du 25 au 30 juin derniers.
Une immersion dans le Campus de l’engagement
La Fondation Jean-Jaurès a mesuré l’originalité et la force du concept de « Campus de l’engagement » en participant à l’édition 2023 de l’événement, pendant lequel elle a proposé une conférence sur la participation politique des jeunes.
Ce Campus, lancé en 2019, réunit lauréats de l’Institut de l’engagement et professionnels d’entreprises autour d’un programme de conférences et d’ateliers. L’idée est de réunir ces publics, qui ne se croisent que rarement, pour qu’ils partagent leurs idées et construisent ensemble des solutions sur les grands enjeux sociétaux et environnementaux de notre époque.
Le Campus de l’engagement permet ainsi aux entreprises d’explorer les aspirations et les idées d’une nouvelle génération, sur des sujets tels que leur marque employeur, leur politique RSE ou de nouveaux produits ou services. Avec les lauréats de l’Institut, elles peuvent renforcer et donner corps à leur politique d’engagement, et c’est la motivation première qui transparaît des échanges que la Fondation a pu avoir avec les participants rencontrés à Autrans.
Les lauréats de l’Institut sont en effet une force de proposition pour les entreprises. Une immersion de quelques heures permet d’en faire l’expérience : ces jeunes-là appréhendent ces grands sujets avec un regard pertinent, original, qu’ils puisent dans leurs expériences d’engagement.
Ce constat a été particulièrement marquant, cette année, lors des échanges qui ont suivi les conférences de l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau sur le génocide rwandais, ou encore de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur la dynamique inflationniste. Les questions et remarques des lauréats montraient la réalité de leur engagement dans la vie de la cité.
En complément, des ateliers étaient programmés sur des enjeux tels que la diversité générationnelle en entreprise, le rôle d’une fondation d’entreprise, l’apport de la technologie dans la sauvegarde du patrimoine, la transition écologique.
Ces ateliers étaient animés par des collaborateurs d’entreprises partenaires et ont donné lieu à des échanges riches avec les jeunes.
Le Campus de l’engagement peut ainsi être, pour les entreprises partenaires, l’occasion de transmettre leurs valeurs, de les confronter à celles des jeunes et de rencontrer la diversité des engagements. De surcroît, les lauréats de l’Institut de l’engagement sont de futurs clients, collaborateurs, influenceurs ou leaders d’opinion. Ils ont de 16 à 30 ans, sont issus de toute origine sociale et académique, ils ont tout type de parcours et portent des projets de toute nature. Leur envie d’agir est manifeste.
Ces temps d’échanges, indispensables, permettent aussi aux lauréats de développer leurs perspectives professionnelles et de faire fructifier leur engagement dans les projets qui leur tiennent à cœur.
À l’heure actuelle, moins d’un jeune de 18 à 30 ans sur deux pense qu’il vivra, dans une dizaine d’années, mieux qu’aujourd’hui3Ifop pour Le Journal du Dimanche, Baromètre jeunesse 2022 : regard sur la génération des 18-30 ans, décembre 2021.. Le pessimisme d’une partie de la jeunesse française est bel et bien une réalité qui nécessite d’être largement prise en compte. Si les inquiétudes concernent indéniablement les enjeux politiques et sociaux et, en premier lieu, la crise climatique que nous traversons, il n’en demeure pas moins que pour beaucoup, les perspectives d’avenir semblent également bouchées.
Permettre à la jeunesse de s’engager, de trouver sa voie et, plus encore, d’être accompagnée dans ce processus est un impératif. C’est à quoi contribue largement l’Institut de l’engagement et c’est ce pourquoi des moyens supplémentaires doivent être alloués à ce type d’organisations.
- 1Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017.
- 2Agence du service civique, Rapport d’activité 2022.
- 3Ifop pour Le Journal du Dimanche, Baromètre jeunesse 2022 : regard sur la génération des 18-30 ans, décembre 2021.