Valérie Pécresse, pas tout à fait le fillonisme

Qui sont les potentiels électeurs de Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l’élection présidentielle ? Quels sont les points communs de son potentiel électoral avec celui de François Fillon, défait en 2017 ? Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation, analyse les conséquences de la victoire de Valérie Pécresse aux primaires de son parti et son potentiel électoral grâce aux résultats de la vague 3 du panel électoral 2021-2022 réalisé par Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et Le Monde.

Avec 17% d’intentions de vote, la progression de Valérie Pécresse – +7 points par rapport à la vague du mois d’octobre dernier – est spectaculaire. 56% des Français pensent désormais qu’elle se qualifiera pour le second tour – ils n’étaient que 23% en octobre. Mieux, 60% des électeurs du centre jusqu’à l’extrême droite se déclarent satisfaits de sa désignation – le score montant à 82% chez les sympathisants LR et même à 71% chez les sympathisants LREM. Mieux encore, 28% seulement de l’ensemble des Français considèrent qu’elle ferait « moins bien » que le président de la République, une majorité estimant qu’elle ne ferait « ni mieux, ni moins bien » et 21% qu’elle ferait « mieux ». En d’autres termes, Valérie Pécresse termine l’année en s’installant au cœur de la campagne présidentielle 2022.

Le panel électoral permet cependant d’aller beaucoup plus loin et de déterminer avec précision les transferts qui expliquent cette progression : la mobilisation d’électeurs jusqu’à présent abstentionnistes (+2 points) ; le changement d’intention de vote d’électeurs d’Emmanuel Macron (+1,5 point), d’Éric Zemmour (+1,5 point) et de Marine Le Pen (+1 point).

Le panel permet surtout de caractériser l’électorat de Valérie Pécresse et la première analyse des résultats peut être résumée simplement : nous avons affaire à une reconstitution du fillonisme. La sociologie des soutiens de Valérie Pécresse est presque caricaturale : 9% chez les 18-24 ans contre 30% chez les plus de 70 ans ; 7% chez les ouvriers et 12% dans l’ensemble des actifs contre 26% chez les retraités ; 9% chez les revenus inférieurs à 1250 euros contre 23% chez les revenus supérieurs à 5000 euros ; 11% chez les locataires contre 24% chez les propriétaires ; 9% chez les athées contre 27% chez les catholiques pratiquants. Ce portrait-robot, avec ses forces et faiblesses, ressemble beaucoup à celui des électeurs de François Fillon en 2017. Il en est de même lorsque l’on examine la hiérarchie des préoccupations des électeurs de Valérie Pécresse. Certaines préoccupations sont plus intenses que pour la moyenne des Français : +8 points pour l’immigration, à 39%, +10 points pour la délinquance, à 35%, +13 points pour les déficits publics et la dette, à 25%. D’autres préoccupations, à l’inverse, sont estompées : -10 points pour l’environnement, à 16%, -9 points pour les inégalités, à 11%. Cette hiérarchie de préoccupations présente là encore une forte similitude avec celle des électeurs de François Fillon d’hier.

Cette première analyse – la reconstitution du « fillonisme » – est cependant trop réductrice. Le panel nous permet de comparer les deux catégories d’électeurs de Valérie Pécresse – les anciens, ceux qui étaient déjà ses électeurs en octobre – et les nouveaux, ceux qui votent pour la première fois pour elle en décembre. La conclusion est simple : nous assistons aussi à la constitution du « pécressisme ».Si les nouveaux électeurs partagent l’essentiel du profil des anciens, il existe en effet trois séries de différences. La première est d’ordre sociologique : les nouveaux électeurs sont relativement plus jeunes, moins diplômés, moins aisés ; ils sont, surtout, bien plus féminisés (47% des anciens étaient des femmes, contre 55% des nouveaux). La deuxième différence est d’ordre politique : sur une échelle gauche-droite de 0 à 10, 94% des anciens se positionnaient entre 6 et 10 contre 80% des nouveaux ; surtout, 82% des anciens avaient voté pour François Fillon en 2017 contre 55% des nouveaux. La troisième différence est d’ordre idéologique. Les anciens et les nouveaux partagent les mêmes convictions sur l’immigration ou sur l’islam. Mais les nouveaux sont un peu moins libéraux : 6 points moins favorables à la réduction du nombre de fonctionnaires (62%), 9 points plus convaincus de la nécessité de la redistribution pour établir davantage de justice sociale (32%).

Que peut-on conclure, à ce stade de la campagne, de la percée de Valérie Pécresse ? L’histoire électorale nous incite à la prudence : François Hollande en 2011, François Fillon en 2016 et Benoît Hamon en 2017 avaient chacun vu leur score d’intentions de vote faire un bond du même ordre après leurs victoires aux primaires – avant de refluer. Les données actuelles soulignent également le défi de fidélisation que doit maintenant relever la candidate LR. Ses électeurs ne sont que 51% à se déclarer « sûrs de leur choix » contre 65% pour Emmanuel Macron et 68% pour Marine Le Pen. Et, lorsqu’ils doivent formuler un second choix de vote, ses électeurs sont 44% à se reporter sur Emmanuel Macron et 28% sur l’un de deux candidats d’extrême droite. Pour confirmer sa progression, Valérie Pécresse va devoir résister aux forces centrifuges qui peuvent l’aspirer sur sa gauche et sur sa droite.

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