Réglementation des stages : ne pas confondre post cursus et hors cursus

Face aux impasses de politiques bien souvent déconnectées des réalités concrètes des étudiants sur la question des stages, Philippe Quéré propose une méthode susceptible de garantir à la fois l’expression de la liberté des étudiants à réaliser des stages facultatifs et la protection de leur droit à une rémunération décente.

La multiplication des stages pratiqués par les étudiants de toute filière a conduit à interroger le bien-fondé et les conséquences de cette pratique : est-elle réellement de nature à favoriser l’acquisition d’une expérience professionnelle nécessaire à l’entrée dans la vie active, ou ne fait-elle au contraire que rendre celle-ci bien plus problématique, en contribuant à la précarisation des jeunes diplômés ?
Au-delà d’une condamnation monolithique de cet usage qui s’est généralisé ces dernières années, Philippe Quéré présente ici les grands enjeux qui lui sont afférents en introduisant des distinctions utiles à la clarification du débat, et propose des éléments de réflexion méthodologique de façon à mieux encadrer les stages réalisés par les étudiants, tout en préservant les droits de ceux-ci.
Philippe Quéré commence par clarifier les différentes modalités de stage offertes à la pratique des étudiants pour mieux réintroduire une distinction effacée par les débats récents, et qui explique en partie la confusion du débat et les difficultés à lutter contre les stages « abusifs ». En regroupant tous les stages facultatifs sous le vocable de stages « hors cursus », on a en effet assimilé deux pratiques demandant un encadrement différent : celle des stages facultatifs et volontaires, que les étudiants sont libres de réaliser au cours de leur scolarité et qui leur permettent d’expérimenter divers secteurs professionnels sans être soumis à une évaluation académique possiblement pénalisante ; celle des stages « post cursus », rendus possibles par l’inscription dans une formation quelconque après l’obtention du dernier diplôme, et qui mènent trop souvent à l’installation dans des formes de précarité. Ces stages « post cursus », qui interviennent à l’issue d’un parcours d’études achevé mais artificiellement prolongé afin de bénéficier d’une convention de stage, sont souvent longs et peu rémunérés, et en viennent peu à peu à devenir une nouvelle forme d’emploi « au rabais » des jeunes diplômés. Ils retardent l’entrée véritable dans la vie active et permettent souvent aux employeurs de profiter d’une main d’œuvre bien formée et peu rémunérée au regard de ses qualifications.
Philippe Quéré montre ainsi que, s’il faut effectivement lutter contre cette forme d’abus de la pratique des stages « post cursus » grâce à des outils législatifs adaptés, il serait pour autant fâcheux de condamner toute forme de stage ne s’inscrivant pas de façon obligatoire dans le cursus pédagogique de l’étudiant. Car les stages « hors cursus » réalisés par les étudiants au fil de leur formation sont également pour eux une plage de liberté et d’expérimentation et peuvent constituer des intermèdes heureux dans des parcours scolaires aujourd’hui extrêmement balisés. Renvoyer tout stage à une évaluation systématique et à une parfaite cohérence avec les études suivies viendrait restreindre la liberté de choix des étudiants dans la construction de leur projet professionnel, sans nécessairement empêcher leur installation dans des périodes longues de stage « post cursus » et dans la précarité qui en est trop souvent synonyme.
Face aux impasses de politiques bien souvent déconnectées des réalités concrètes de ces pratiques et du vécu des étudiants, et dont témoignent les confusions véhiculées par les discours des hommes et femmes politiques, Philippe Quéré propose une méthode susceptible de garantir à la fois l’expression de la liberté des étudiants à réaliser des stages facultatifs et la protection de leur droit à une rémunération décente. En s’appuyant sur plusieurs éléments cardinaux dans l’évaluation de la pratique des stages (durée, proportion des stagiaires dans les effectifs de l’entreprise, rémunération minimale…) Philippe Quéré offre ainsi des clés de lecture pertinentes et opérationnelles pour la conception d’une législation future efficace et juste.

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