Alors que Haïti s’enfonce toujours plus dans une crise d’une intensité qui met désormais en jeu la perpétuation même de cet État caribéen, l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation revient en trois analyses sur les paradoxes haïtiens et leurs séquelles actuelles.
Haïti, petit pays caribéen, est une ancienne colonie française. La précision est d’importance. Beaucoup en France l’ignorent parce que personne, de l’école au gouvernement, en passant par les médias, le leur a dit.
Depuis son accession à la souveraineté le 1er janvier 1804, Haïti a vécu plus de deux cent vingt ans d’indépendance instable et une instabilité économique, politique et institutionnelle, sociale, à l’origine de grandes violences. Des violences exacerbées par les accidents naturels : tremblements de terre, comme celui de 2010, et cyclones. La crise d’aujourd’hui, en 2024, atteint un tel degré d’intensité que l’État et sa perpétuation sont en jeu. Des bandes armées ont imposé leur pouvoir dans la capitale. Le pays vit sans dirigeants élus et n’avait plus au mois de mars 2024 de pouvoir exécutif aux commandes, à défaut d’être légitime.
Ce drame humain a une dimension régionale. Des milliers de Haïtiens poussés par l’insécurité physique comme alimentaire cherchent à quitter leur pays. Cette situation migratoire préoccupe au plus haut point ses voisins du CARICOM (Communauté des Caraïbes), et plus particulièrement la République dominicaine. Et elle inquiète les États-Unis, à quelques mois d’une élection présidentielle très disputée et marquée par les polémiques migratoires.
Cette crise, venant après bien d’autres, jamais résolues, en dépit d’interventions militarisées de l’ONU, est sans doute la conséquence de la mise à l’index dès son indépendance d’un État qui a été considéré trop différent des autres. Haïti a été en effet la première république noire indépendante. Haïti a également été le seul territoire où des esclaves ont réussi à prendre le pouvoir et à vaincre la domination coloniale. Il a en outre été le premier, et avec ses seules forces, à avoir vaincu les soldats de Napoléon. Il l’a payé financièrement en indemnisant la France pour garantir son indépendance, puis en subissant quinze ans d’occupation militaire nord-américaine.
Pour mieux comprendre, l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation a recueilli des points de vue porteurs de réflexions sur les paradoxes haïtiens et leurs séquelles actuelles.
Paru :
– Haïti-France : une relation en mauvaise conscience historique, par Jean-Jacques Kourliandsky, directeur de l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation Jean-Jaurès, qui s’interroge sur le malaise historique de la France à l’égard d’Haïti (16 avril 2024).
À paraître :
– Haïti, la République en péril, par Jean-Marie Théodat, maître de conférence à l’université Panthéon Sorbonne, haïtien, qui analyse les trois faillites dont souffre son pays.
– Haïti : la conscience noire de la communauté internationale, par Pedro Duran, consultant de l’ONU auprès de la présidence haïtienne de 2010 à 2013, qui évoque la responsabilité de la communauté internationale dans les crises successives.