Quelles annonces pour les villes moyennes lors du Congrès des maires ?

Quelles annonces – et quels effets – à destination des villes moyennes lors du Congrès des maires ? Analyse avec Achile Warnant, coordinateur pour la Fondation Jean-Jaurès d’un rapport sur les villes moyennes.

« L’été n’a pas été à la hauteur », a reconnu le président de la République, jeudi dernier, en clôture du 100e congrès des maires organisé par l’Association des maires de France (AMF). Dénonçant de « mauvaises habitudes » difficiles à faire évoluer, Emmanuel Macron a dit regretter que les mesures prises concernant les collectivités n’aient pas toutes faites l’objet d’une concertation.

C’est peu dire que certaines d’entre elles, à commencer par la baisse des contrats aidés, la suppression de crédits destinés notamment à la politique de la ville, la baisse des aides personnalisées au logement (APL) et l’objectif de 13 milliards d’euros d’économies, ont alimenté ces derniers mois la colère des élus locaux et de leurs représentants. « Nous oscillons entre lassitude, résignation et colère », explique ainsi André Laignel, l’indéboulonnable maire socialiste d’Issoudun et par ailleurs vice-président de l’AMF. « L’État veut tout contrôler mais il n’en a pas les moyens », abonde Philippe Laurent, maire LR de Sceaux, secrétaire général de l’association. « Emmanuel Macron est un homme qui écoute », tempère de son côté François Baroin, le président de l’AMF, pourtant rarement avare de critiques lorsqu’il est question de l’exécutif. « Sa présence est d’abord une marque de considération envers les maires, les communes et l’engagement quotidien des élus dans la vie de leurs territoires », voulait par ailleurs croire le maire de Troyes à quelques jours de l’événement. Aux allures de main tendue, ces compliments avaient en fait un but bien précis, celui d’infléchir la position du président de la République pour, comme l’indiquait le nom donné au congrès, faire « réussir la France avec ses communes ».

Des annonces mais peu de nouveauté

Jacques Mézard avait prévenu que « le gouvernement n’arrive jamais les mains vides ». Il précisait d’ailleurs que celui-ci avait l’intention de « faire un geste » en faveur des collectivités. Autant dire que le gouvernement était attendu au tournant, à un moment où les inégalités territoriales s’amplifient et où la situation des territoires les plus fragiles semble, chaque jour, un peu plus préoccupante.

C’est Édouard Philippe qui a ouvert le bal, au premier jour du congrès. Soucieux de préparer le terrain au président de la République, le Premier ministre s’est démené à la tribune pour assurer le service après vente des décisions prises depuis le début du quinquennat. « Je suis venu vous parler clairement », a-t-il affirmé sur un ton solennel. « Une nouvelle méthode, ça suscite forcément des inquiétudes (…) Si j’étais assis à votre place, peut-être que je ferais parti de ceux d’entre vous qui sont aujourd’hui inquiets », a-t-il admis avant de tisser un parallèle entre son précédent mandat, celui de maire du Havre, et son action à la tête du gouvernement. En agissant de manière « courageuse » et « pragmatique », n’agit-il pas comme un maire le devrait ?

Après avoir énuméré une liste de priorités « partagées » (la rénovation thermique, les mobilités et le numérique) sur lesquels le gouvernement compte s’engager pour les années qui viennent, Édouard Philippe est revenu sur l’intention du gouvernement de contractualiser sa relation avec les communes. En clair, a-t-il expliqué, les 319 plus grandes collectivités (ce chiffre pourrait être porté à 600) vont être amenées à signer un « contrat » avec l’État afin de limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an, hors inflation. Les autres communes se contenteront quant à elles de délibérer sur leurs objectifs lors du vote de leurs budgets. Se défendant de toute forme de recentralisation, le Premier ministre s’est attaché à défendre une méthode « novatrice » qui renvoie chacun à ses responsabilités, avant de procéder à une série d’annonces : une réforme de la fiscalité locale, la diminution des normes et l’introduction de davantage de « souplesse » dans la gestion des agences de l’eau. Pour le reste, le Premier ministre s’est montré prudent « [en laissant] le soin à Emmanuel Macron de faire les annonces ».

Un exercice auquel s’est livré le chef de l’État seulement deux jours plus tard, en revenant lui aussi sur l’objectif des 13 milliards d’euros d’économies et sur le principe de contractualisation, soulignant par ailleurs que 99% des communes n’étaient pas concernées et que, pour la première fois depuis sept ans, les dotations aux collectivités étaient en légère hausse. À la tribune, Emmanuel Macron en a profité pour annoncer la suppression complète de la taxe d’habitation à l’issue de la réforme de la fiscalité locale, aujourd’hui en phase de concertation. Il a aussi proposé de modifier l’article 72 de la Constitution pour donner des libertés nouvelles aux collectivités locales, notamment celle de pouvoir pérenniser des expérimentations sans qu’elles ne soient nécessairement généralisées. Enfin, le président de la République a proposé que soit organisée une conférence du consensus sur le logement et à annoncer un grand plan de revitalisation des villes moyennes sans toutefois donner davantage de précisions.

Quelles conséquences pour les villes moyennes ?  

À la fin de son discours, Emmanuel Macron a eu droit à de nombreux applaudissements, bien loin des sifflets pressentis. Pourtant, ce congrès n’a réservé aucune surprise, les annonces les plus importantes ayant déjà été formulées à d’autres occasions. Le chef de l’État et le Premier ministre se sont finalement contentés d’un exercice de « pédagogie », terme en vogue dans la Macronie, ajournant à plus tard les décisions structurantes, invoquant la nécessité de donner du temps aux concertations. En attendant le détail du plan pour les villes moyennes, prévu pour début 2018, ces annonces permettent néanmoins de procéder à un premier diagnostic de l’action gouvernementale en faveur de ces territoires. 

La priorité donnée à la mobilité, à la rénovation du bâti et au numérique devrait ainsi profiter tout particulièrement aux villes petites et moyennes et aux territoires ruraux dans lesquels les problématiques liées au logement, aux déplacements et à l’attractivité sont exacerbées. De même, la réforme de la fiscalité locale pourrait être une bonne occasion de réfléchir, à l’échelle de l’intercommunalité par exemple, aux moyens de lutter contre les concurrences locales qui minent le développement des villes petites et moyennes. Enfin, l’annonce de la création d’une Agence nationale pour la ruralité (ANR) sur le modèle de l’ANRU pourrait permettre d’accompagner de façon spécifique des territoires fragiles et peu peuplés, même si les villes moyennes ne seront probablement pas concernées.

En revanche, le gouvernement n’a pas été au rendez-vous sur la question des déserts médicaux. L’idée de contraindre l’installation des médecins a été écartée et les mesures « techniques, réglementaires et budgétaires pour améliorer la situation », promises par le gouvernement, se font attendre. Enfin, si l’idée  –  très présente dans le discours des membres du gouvernement – que tous les territoires disposent de potentiels à exploiter est intéressante, il ne faudrait pas considérer, sous ce prétexte, que tous les territoires ont les « mêmes » opportunités. À ce titre, les conséquences du désengagement de l’État, particulièrement dans les villes moyennes très dépendantes des pouvoirs publiques, restent à ce stade un angle mort de l’action gouvernementale.

Peut-être le gouvernement sera-t-il prêt à s’engager dans cette voie lors de la prochaine Conférence nationale des territoires, programmée au 14 décembre prochain.

 

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