À l’occasion de la Journée nationale des aidants le 6 octobre, Anne-Laure Gallay, directrice adjointe de BVA Opinion, fait un point sur les avancées des dernières années et plus spécifiquement sur l’inclusion des aidants dans la société, s’appuyant sur les résultats de la rétrospective 2015-2022 menée par BVA et la Fondation April.
Des Français de plus en plus sensibilisés à la question des aidants
Œuvrer à la cause des aidants dans notre société, c’est d’abord en parler et faire que ce thème devienne familier des Français. Si en 2015, à la création du baromètre, le sujet des aidants était encore relativement confidentiel auprès du grand public, la notoriété de cette thématique a progressé régulièrement d’année en année jusqu’à aujourd’hui. C’est désormais près d’un Français sur deux (47%) qui a déjà entendu parler du thème des aidants, soit dix-neuf points de plus qu’en 2015. Compte tenu du rôle que jouent les aidants dans notre société, cette dynamique peut sembler insuffisante ; elle montre néanmoins comment ce sujet a, petit à petit, imprégné les sphères de la société, à la faveur d’une communication régulière des pouvoirs publics et du tissu associatif.
Interrogés sur la part d’aidants en France, les Français estiment d’ailleurs plutôt bien l’ampleur du phénomène. Ils évaluent en moyenne à 22% le poids des aidants en France quand notre baromètre le mesure cette année à 19%, soit environ dix millions de personnes parmi les 15 ans et plus.
Plus encore, la sensibilisation des Français dépasse maintenant la simple connaissance du sujet et franchit un palier supplémentaire. La perspective de devenir un jour soi-même aidant devient une probabilité envisagée par la majorité de nos concitoyens : 57% pensent qu’ils seront en position d’aidants auprès de l’un de leurs proches dans le futur. L’intégration personnelle de cette possibilité est même plus ancrée chez la jeune génération : 71% des moins de 35 ans s’imaginent aidants à l’avenir.
Ce sujet sociétal entre donc de plus en plus en résonance avec tout un chacun en 2022. Mais qu’en est-il des premiers concernés ?
Des aidants qui n’intègrent pas toujours pleinement leur statut
Du côté des aidants, la notoriété du sujet progresse également, plus fortement qu’au sein du grand public (+30 points en sept ans). Mais alors que l’on pourrait s’attendre à ce que les premiers intéressés soient parfaitement familiers de cette thématique, un tiers des aidants déclarent ne jamais avoir entendu parler de ce terme.
Ce résultat fait écho à un autre qui montre toute la difficulté des aidants à intégrer pleinement leur statut : en 2022, près de la moitié des aidants français ne se considèrent pas comme tels, c’est-à-dire qu’ils ne lient pas ce terme à leur situation personnelle, alors même que, dans les faits, ils apportent bien régulièrement et bénévolement une aide à un proche malade, en situation de handicap ou dépendant. Décalage surprenant ? Pas tant que cela quand on sait qu’ils voient souvent leur rôle comme quelque chose d’évident, de naturel, réalisé au titre de la solidarité familiale sur lequel ils ne posent pas de terminologie ou de statut spécifique.
Cette difficile intériorisation du statut d’aidant pose pour autant une difficulté majeure en termes de politiques publiques : à ne pas s’identifier comme aidants, ces personnes risquent de passer à côté des dispositifs et aides qui leur sont pourtant dédiés. Pour lutter contre le non-recours aux services existants et soutenir au mieux les aidants, l’information et la sensibilisation doivent se poursuivre.
Un rôle jugé insuffisamment valorisé dans la société
Mieux informés sur l’aidance qu’auparavant, les Français sont aussi plus critiques vis-à-vis des politiques déployées en leur direction. Près de neuf Français sur dix pensent que les pouvoirs publics ne valorisent pas assez le rôle d’aidant, soit onze points de plus qu’en 2015. Pourtant, depuis la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement jusqu’à la stratégie nationale « Agir pour les aidants 2020-2022 », le législateur a fait progressivement avancer la cause des aidants : droit au répit, don de RTT, soutien financier aux formations aidants, indemnisation du congé proche aidant…
Les attentes demeurent fortes néanmoins. La reconnaissance sociale officielle du statut d’aidant génère toujours beaucoup d’espoir ; elle serait jugée « très utile » par les aidants (50%), mais également par les non-aidants. Cette question du statut va de pair avec plusieurs attentes très concrètes attendues par les aidants : améliorer la coordination entre tous les professionnels et faciliter les démarches administratives, permettre le maintien à domicile de l’aidé et mettre à disposition des aides financières ou matérielles.
Une inclusion attendue des aidants dans toutes les sphères de la société
Intégrer la condition des aidants dans la société passe aussi par une sensibilisation des professionnels à l’identification de cette population et de ses spécificités, pour pouvoir ensuite les prendre en compte. Si des initiatives ont déjà été engagées dans certaines entreprises en direction du corps managérial pour former à la détection des aidants, aidants comme non-aidants s’accordent majoritairement à dire que les professionnels du monde médical, de l’éducation et du travail sont trop peu formés pour repérer les aidants (32%). Or, il s’agit d’un préalable nécessaire pour ensuite pouvoir comprendre les besoins et difficultés des aidants et leur proposer des solutions et aménagements, dimensions sur lesquelles la formation des professionnels est aujourd’hui également jugée insuffisante par la population, aidante ou non.
C’est au sein du monde médical que les aidants jugent que leur situation est la mieux prise en compte, mais encore à un niveau bas (39%). Interrogés spécifiquement sur ce sujet dans notre baromètre 2018, 72% des aidants déploraient ainsi que l’équipe médicale ne les interroge jamais sur leur propre santé lorsqu’ils accompagnaient leur proche aidé à l’hôpital. Pourtant, le rôle d’aidant peut impacter la santé des aidants : environ trois aidants sur dix reconnaissent que leur situation a des effets négatifs sur leur moral, leur forme physique et la qualité de leur sommeil. Et ils sont tout autant (31% en 2018) à reconnaître qu’ils délaissent leur santé du fait de leur rôle d’aidant. La sensibilisation et la vigilance du corps médical sont donc importantes.
Les marges de manœuvre sont encore plus nettes dans l’entreprise puisque seuls 21% des aidants jugent que la situation de cette population est suffisamment prise en compte par les employeurs ; une faiblesse d’autant plus dommageable que le poids des aidants salariés ne cesse d’augmenter. Notre baromètre permet de suivre cette évolution : 60% des aidants concilient leur rôle avec une activité salariée, contre 42% en 2015. Néanmoins, par pudeur, par séparation de leur vie professionnelle et personnelle ou par crainte pour leur carrière, ils n’informent pas toujours leur employeur de leur situation, rendant parfois difficile l’apport de solutions en leur direction.
Enfin, la prise en compte des aidants dans la sphère éducative se pose aussi puisqu’il ne faut pas oublier que les aidants sont parfois très jeunes (7% des aidants ont moins de 24 ans), soulevant ici des difficultés dans la conciliation du rôle avec le suivi de la scolarité. 18% seulement des aidants jugent que la situation des aidants est suffisamment prise en compte par le personnel éducatif.
Information, pédagogie, formation sont donc de mise pour continuer à faciliter la vie des aidants dans toutes les sphères de la société où ils se trouvent. Si des actions précises en direction des professionnels sont bien entendu souhaitables et attendues, les Français reconnaissent parfaitement qu’ils ont aussi un rôle à jouer. La priorité est en effet pour eux que « chacun d’entre nous » soit sensibilisé sur ce sujet, bien avant les représentants des différents corps. Fondamentale, la sensibilisation citoyenne doit donc se poursuivre pour répondre à l’enjeu de la pleine inclusion des aidants dans la société, si cruciale pour l’avenir.
Méthodologie : les résultats sont issus du Baromètre des aidants mené par BVA pour la Fondation April1Créée en 2008, la Fondation April s’intéresse à trois enjeux sociétaux majeurs : le rapport des Français au système de santé, la santé individuelle et les comportements nouveaux en matière de prévention santé ainsi que les proches-aidants. chaque année depuis 2015 auprès de Français aidants et non aidants. La vague 2022 a été réalisée les 16 et 23 juin 2022 par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 2000 Français dont sont issus les résultats de 378 aidants.
- 1Créée en 2008, la Fondation April s’intéresse à trois enjeux sociétaux majeurs : le rapport des Français au système de santé, la santé individuelle et les comportements nouveaux en matière de prévention santé ainsi que les proches-aidants.