Quelle Académie du futur ?

A partir de la proposition de Pierre Rosanvallon, les auteurs imaginent l’Académie du futur. Composée d’experts et de représentants de la société civile, indépendante, insérée dans le processus législatif et ouverte au débat public, échappant à la dictature de l’urgence, cette instance semble aujourd’hui nécessaire à la démocratie.

La politique française est aujourd’hui victime d’un vice inhérent à la nature même du régime démocratique, vice très justement nommé par Gilles Finchelstein « la dictature de l’urgence ». L’action politique, constamment soumise à la nécessité d’obéir à des stratégies de communication, semble enfermée dans des perspectives à court terme, dans la précipitation, au détriment du travail de la pensée qui ne peut véritablement s’épanouir que dans le temps long. En décembre 2009, Pierre Rosanvallon imaginait la création d’une institution spécifiquement destinée à contrecarrer cette logique et à redonner toute sa place à la réflexion : « l’Académie du futur ». Inspirés par cette proposition et dans la perspective des élections présidentielles de 2012, Gaëlle Champon et Vito Marinese approfondissent cette idée, en présentent les vertus et imaginent sa réalisation concrète.

Cette Académie du futur aurait vocation à éclairer les gouvernants sur la réalité qu’ils entendent modifier et les conséquences des choix opérés sur le long terme. La fonction générale de cette instance serait d’associer les savants (chercheurs et universitaires de toutes les disciplines) au processus législatif et d’institutionnaliser leur participation à la décision publique. Bien sûr, il ne s’agit aucunement de rejoindre l’idée platonicienne foncièrement anti-démocratique du « philosophe-Roi » : au contraire, l’Académie jouerait un rôle de consultation et de délibération, qui ne saurait ni se substituer à l’action du politique, ni exclure les citoyens de sa réflexion. Elle viserait plutôt à redonner tout son sens à la démocratie entendue comme régime d’un peuple éclairé. Deux mots pourraient résumer sa mission : la vigilance d’une part – elle serait chargée de rédiger les études d’impact accompagnant les projets du gouvernement –, l’anticipation d’autre part – elle travaillerait à l’évaluation des politiques publiques.

Quant à sa composition, l’Académie comporterait des scientifiques d’horizons très divers et utiliserait cette pluridisciplinarité comme une richesse pour permettre une approche transversale des enjeux. Le choix ces représentants devra répondre au double impératif d’assurer une légitimité à l’Académie et de garantir sa neutralité politique. Outre les experts, il serait opportun d’y intégrer d’autres représentants de la société civile (ONG, confédérations syndicales, etc.). Mais, plus cruciale encore que la neutralité des membres, c’est l’indépendance institutionnelle de l’Académie qui est essentielle. Il manque à la France une telle structure d’expertise politique qui ne dépende pas de l’exécutif. Les missions confiées à l’Académie pourraient s’exercer en deux temps : une phase de préparation et une phase de débats publics, conciliant ainsi rigueur intellectuelle et ouverture à la société et au monde associatif. Quant à la nature juridique de l’Académie du futur, un statut législatif permettrait de lui conférer le statut d’autorité indépendante.
Indépendante, insérée dans le processus législatif et ouverte au débat public, l’Académie du futur telle qu’imaginée et décrite ici s’avère aujourd’hui indispensable à la démocratie française.

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