Présidentielle : rapports de force à un mois du premier tour

Quel impact le débat du 20 mars a-t-il eu sur l’opinion ? Peut-on prévoir des évolutions à venir concernant les rapports de forces ? Dernier état des lieux par l’Observatoire de l’opinion.

En termes d’intentions de vote, c’est le croisement des courbes entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon – que l’on savait de l’ordre du possible grâce aux données sur les seconds choix des électeurs hésitants déjà recueillies par BVA – qui a marqué cette semaine. Deux indicateurs – les seconds choix des électeurs exprimant une intention de vote mais se déclarant hésitants, et les critères selon lesquels les électeurs disent choisir leur candidat, que nous avions analysés la semaine dernière – enregistrent encore cette semaine des évolutions intéressantes qui peuvent préfigurer les variations des intentions de vote.

Lentement mais sûrement, Emmanuel Macron est en train de passer d’un choix essentiellement « par défaut » à un choix d’adhésion à ses propositions. Même si la part de ses électeurs déclarant le choisir pour ses propositions reste minoritaire et inférieure à ce qu’enregistrent ses concurrents, on note depuis la présentation de son projet, et plus encore depuis le débat, qu’elle est en constante augmentation (42%, + 8 points en une semaine). Notons tout de même qu’Emmanuel Macron reste le meilleur réceptacle des voix des électeurs qui, faute de trouver un candidat qui leur plaise vraiment, choisissent « le moins pire ». 29% de ses électeurs déclarent ainsi l’avoir choisi avant tout parce qu’il était à leurs yeux le moins pire de tous.

En écho à une campagne menée sur une ligne claire, appuyée sur une proposition – le revenu universel – qu’il a su imposer comme marqueur, Benoît Hamon est le candidat que les électeurs déclarent le plus le choisir « pour ses propositions » (75%, contre 63% pour les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ou encore 58% pour les électeurs de Marine Le Pen). Ce taux a bondi cette semaine, alors que sa base électorale se rétrécissait, signe qu’il est en train de revenir à un électorat « identitaire », de plus en plus proche sociologiquement et idéologiquement de celui qui l’a porté à la victoire lors de la primaire. 

Bien peu le choisissent pour sa capacité à gagner, sa personnalité ou encore sa capacité à faire barrage à un autre candidat – qualités qui lui seraient pourtant bien utiles pour convaincre un électorat plus large. Or, le fait de faire reposer sa campagne exclusivement sur des idées – et notamment le revenu universel – et une incarnation idéologique est sans doute en train de se retourner contre lui. En effet, le formidable propulseur que fut le revenu universel est désormais un frein, contribuant à empêcher le candidat socialiste de conquérir de nouveaux électeurs tant chez les sympathisants socialistes (49% pensent que c’est une mauvaise proposition) que chez les électeurs de Hollande en 2012 (56% jugent la proposition mauvaise).

Notons, enfin, que contrairement à ce qu’aiment à répéter le candidat des Républicains et ses portes-paroles, ce ne sont pas les propositions de François Fillon qui font tenir son socle électoral. En effet, le candidat qui a pourtant, depuis le début de la primaire, le plus misé sur une campagne « identitaire », bâtie sur des marqueurs idéologiques forts, n’est choisi « pour ses propositions politiques » que par 53% de ses électeurs. L’idée que « priver l’élection de François Fillon, ce serait priver la droite du projet auquel elle tient absolument », apparaît donc fausse – toutes les droites ne se reconnaissant manifestement pas dans son programme, même si elles votent encore (en partie) pour le candidat LR. 

Enfin, l’examen des seconds choix des électeurs déclarant voter pour tel ou tel candidat, mais hésiter avec un autre, nous permet d’identifier les transferts possibles entre candidats dans les jours qui viennent :

  • Notons d’abord qu’à quelques points près, et à l’exception de Benoît Hamon, la proportion d’électeurs hésitants de chaque candidat n’a pas bougé depuis une semaine. Le débat n’a donc pas levé les doutes de la plupart des indécis.
  • En revanche, le débat a été un point de bascule pour une partie des électeurs de Benoît Hamon qui hésitaient avec un autre candidat. La part d’électeurs hésitants de Benoît Hamon a en effet diminué significativement depuis une semaine – ce qui est logique, compte tenu de sa baisse dans les sondages – mais reste élevée (48%, – 8 points). 
  • Les deux candidats dont les électeurs sont les plus indécis restent, à ce stade, Benoît Hamon et Emmanuel Macron (respectivement 48% et 45% de leurs électeurs sont indécis). 
  • Emmanuel Macron reste le candidat vers lequel le plus grand nombre d’indécis pourraient converger. En effet, l’essentiel des électeurs indécis de Marine Le Pen et de François Fillon hésitent avec un vote pour Emmanuel Macron (un peu plus de 40% dans chaque cas). Mais du côté de la gauche, 25% des hésitants de Jean-Luc Mélenchon et près de 50% des hésitants de Benoît Hamon déclarent aussi pouvoir changer leur vote en sa faveur.
  • En théorie, Benoît Hamon conserve des marges de progression sur sa droite (27% des hésitants d’Emmanuel Macron), et sur sa gauche (37% des hésitants de Jean-Luc Mélenchon). Mais il peut aussi, au contraire, encore chuter : sur les 48% d’électeurs qui sont indécis, 37% pourraient encore basculer sur Jean-Luc Mélenchon, et près de 50% sur Emmanuel Macron.
  • Si une part significative des électeurs indécis de François Fillon hésite à voter Marine Le Pen (près du quart), l’inverse n’est pas vrai : la part d’électeurs hésitants de Marine Le Pen déclarant hésiter avec le candidat de la droite est assez minime (9 %). 

 

Des mêmes auteurs

Sur le même thème