Présidentielle 2022 : une forte mobilité électorale

Qui sont les « changeurs », ces électeurs qui changent d’avis sur leur vote au cours de la campagne présidentielle ? Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation, analyse l’ampleur et les formes de cette mobilité grâce aux résultats de la vague 3 du panel électoral 2021-2022 réalisé par Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et Le Monde.

La spécificité d’un panel électoral, par rapport à un sondage classique, est d’interroger le même échantillon du début à la fin d’une campagne. Ce faisant, c’est le seul dispositif qui permette de mesurer et de comprendre la mobilité électorale.

Premier enseignement : l’ampleur de cette mobilité est considérable. Entre la mi-octobre et le début décembre 2021 – c’est-à-dire entre la deuxième et la troisième vague de notre enquête – 30% des personnes interrogées ont changé d’avis et font partie de ce que l’on appelle les « changeurs ». La mobilité touche tous les électorats. Elle est exceptionnelle en cette pré-campagne. L’expérience montre qu’elle demeure vive pendant la campagne. La cristallisation n’existe désormais plus avant le jour du vote.

Deuxième enseignement : les formes de cette mobilité sont plus diverses que ce que l’intuition peut laisser penser. Il y a, d’une part, le changement d’intention de vote. 14% des personnes interrogées sont ainsi passées d’un candidat à un autre. Mais il y a aussi, d’autre part, le changement d’intention de voter. Cela représente 16% des personnes interrogées – 9% passant de l’abstention à la certitude d’aller voter, 7% faisant le chemin inverse.

Troisième enseignement : cette mobilité a un cadre. Il serait erroné de l’apparenter à une succession de mouvements browniens. Lorsque l’on analyse la mobilité actuelle et qu’on la complète par l’analyse des « seconds choix » des personnes interrogées, on comprend que, très majoritairement, les mouvements se font à l’intérieur d’espaces bien déterminés : entre les différents candidats de gauche ; entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse ; entre Marine Le Pen et Éric Zemmour. Il y a évidemment des exceptions et les frontières entre ces différentes espaces ne sont pas totalement poreuses – Emmanuel Macron faisant la jonction avec la gauche et Valérie Pécresse avec les extrêmes droites. Mais telle est quand même largement la norme.

En définitive, cette phase de pré-campagne s’achève par un paradoxe. Lorsque l’on analyse les pronostics des personnes interrogées, les jeux semblent faits : 86% des répondants considèrent qu’Emmanuel Macron sera qualifié pour le second tour et 55% qu’il sera réélu. Lorsque l’on analyse le comportement des personnes interrogées, et notamment ce chiffre spectaculaire de 30% de « changeurs », la partie semble bien plus indécise…

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