Alors que certains analystes s’inquiètent d’un possible enlisement de l’armée française dans différents terrains extérieurs, les voix les mieux informées manquent dans le débat : celles des militaires. Pourquoi ce silence ?
> Le général Desportes, ancien directeur de l’Ecole de guerre, lui-même confronté dans sa carrière à des rétorsions à la suite de paroles jugées trop libres, livre dans une note les principaux points de son intervention lors du colloque : . La stratégie étant un « processus d’innovation permanente », il est convaincu de la nécessité de libérer la pensée des militaires. La vérité sur la guerre et la stratégie sont des choses toujours trop complexes, où la part de l’humain est trop importante pour que l’on puisse prétendre qu’il n’y ait jamais lieu à débat. Or, « les organes qui ne servent plus s’atrophient », prévient-il, et « celui qui ne pense plus est condamné à la défaite ».
> Emile Mayer, officier supérieur, prolonge le débat par une analyse tranchante : Des poursuites administratives et policières menées contre le groupe « Surcouf », auteur d’une tribune critique, à la procédure disciplinaire intentée contre le général Desportes, en passant par la radiation des cadres du chef d’escadron Jean-Hugues Matelly, l’auteur décèle des dérives importantes dans la notion même de devoir de réserve. D’une « d’exigence de neutralité, au sens d’absence d’allégeance à tel ou tel camp politique », il est devenu « une soumission obligée à la ligne du parti au pouvoir », d’autant plus que le chef des armées s’érige en chef d’un camp politique. « Le devoir de réserve perd ainsi sa raison d’être, et les prises de parole sont sanctionnées positivement ou négativement en fonction de leur degré de connivence aux objectifs politiques du moment ». Or, « en stérilisant tout espoir de débat public, les restrictions à la liberté d’expression des militaires sont les meilleures ennemies de l’armée de la République ».