Alors que la politique étrangère de Nicolas Sarkozy était voulue jusqu’ici en « rupture » avec les orientations traditionnelles de la diplomatie française, le récent remaniement est une rupture avec cette rupture. Se posent la question du bilan diplomatique du président et celle de l’alternance que pourrait proposer la gauche pour 2012.
Dénonçant les incohérences et l’absence de vision de la politique étrangère menée par le chef de l’Etat, sans minimiser le pragmatisme imposé par les rapports de force internationaux et intérieurs, Louis Maximin, diplomate, donne des pistes à la gauche pour une réforme lucide et ambitieuse.
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NOTE
1er mars 2011
par Louis Maximin, diplomate
Le remaniement du 27 février 2011, confiant le Quai d’Orsay à un gaulliste historique, est un nouveau coup de barre dans la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. Alors que le président de la République avait voulu des « ruptures » avec les orientations traditionnelles de la diplomatie française, ce remaniement marque une rupture avec ces ruptures. Il n’efface pas pour autant les quatre dernières années écoulées et pose la question du bilan diplomatique avec lequel Nicolas Sarkozy va se représenter devant les Français en 2012.
Depuis cinquante ans, la politique étrangère de la Vème République avait en effet suivi un axe « gaullo-mitterrandien » fondé sur quelques principes fondamentaux : un souci d’indépendance de la France (notamment par rapport au puissant allié américain) appuyé sur une dissuasion nucléaire autonome ; la défense d’une organisation multipolaire du monde ; une volonté de rayonnement mondial passant par la francophonie, particulièrement en Afrique, et une diplomatie culturelle active ; enfin un investissement fort dans la construction européenne et la consolidation de la relation franco-allemande, point sur lequel François Mitterrand s’était distingué en allant beaucoup plus loin que ses prédécesseurs de droite.
En 2012, la gauche pourrait reprendre le contrôle entier de notre diplomatie pour la première fois depuis 1993. Cette alternance doit-elle être une « restauration » ou au contraire une nouvelle forme de progression dialectique ?
LES « RUPTURES » DE NICOLAS SARKOZY
Des ruptures d’inspiration néoconservatrice et sécuritaire
Pour comprendre ces évolutions, il est nécessaire de revenir sur les « ruptures » voulues et assumées par Nicolas Sarkozy. Dès le début de son quinquennat, la France a dévié de l’axe « gaullo-mitterrandien » sur plusieurs points. Ce fut d’abord la visite du président de la République à la résidence de George W. Bush (pendant symbolique de son séjour sur le yacht de Vincent Bolloré), inaugurant le rapprochement avec les Etats-Unis. Puis ce fut le soutien de la France à l’indépendance du Kosovo, voulue par Washington, suivi de la réintégration de la France dans le commandement militaire de l’OTAN en avril 2009. Ce furent ensuite les revendications publiques et appuyées sur l’appartenance à la « famille occidentale », qui sont allées de pair avec un appui ostensible à Israël et une position en pointe dans le dossier iranien dès l’été 2007, où Nicolas Sarkozy énonça l’« alternative catastrophique » entre « la bombe iranienne et le bombardement de l’Iran » et menaça les dirigeants iraniens, pendant que Bernard Kouchner allait jusqu’à évoquer le possible scénario d’une « guerre ».
En août 2008, dans son discours à la Conférence des Ambassadeurs, le président est allé le plus loin dans la conceptualisation de ces nouvelles orientations en mentionnant cinq « ruptures » : le rapprochement avec les Etats-Unis et l’OTAN au sein de la « famille occidentale » ; une nouvelle politique au Proche-Orient, reposant sur l’amitié avec Israël et le rapprochement avec la Syrie ; le retour de la France en Europe, s’appuyant sur une relativisation du couple franco-allemand au profit du Royaume-Uni et de la « nouvelle Europe » centrale et orientale ; la réduction de la présence militaire en Afrique ; enfin les droits de l’homme comme principe fondateur de la politique étrangère, exemples plutôt opportunistes à l’appui : intervention au Tchad, engagement en Afghanistan, paix en Géorgie, libération des infirmières bulgares…
Mais tout en prônant un tel discours de rupture, l’administration Sarkozy a choisi comme fer de lance un ministre des Affaires étrangères venu de la gauche et a remis son appareil diplomatique au sein d’un petit groupe de fonctionnaires qui y a intégré, aux places éminentes, de nombreux diplomates issus de cabinets de gauche. Si cette connivence entre un président de droite pro-américain et une frange de la gauche peut sembler paradoxale, elle n’est néanmoins pas sans rappeler le mouvement « néoconservateur » aux Etats-Unis, qui a vu des idéologues venus du camp démocrate se convertir à la politique républicaine de démocratisation par la force, de soutien inconditionnel aux positions israéliennes et de « guerre au terrorisme ».
Il n’en reste pas moins que la politique étrangère de Nicolas Sarkozy s’est inscrite dans un continuum de « rage sécuritaire » englobant la politique intérieure aussi bien que la sécurité internationale. Lutte contre le terrorisme, contre l’immigration illégale, contre les délinquants récidivistes, contre les Roms, apologie de l’identité nationale et de la religion chrétienne, stigmatisation de l’Iran, du terrorisme islamiste, de la « barbarie » des Talibans, ouverture d’une base militaire à Abou Dhabi : toutes ces mesures, de politique intérieure et de politique étrangère confondues, trouvent sans doute leur origine comme leur cohérence dans le rapport de méfiance vis-à-vis du monde (arabo-)musulman, dénié dans les discours mais dominant dans les perceptions.
Un défaut d’Europe
On peut ajouter à ces inspirations l’orientation modérément pro-européenne du président français. Certes, Nicolas Sarkozy a sorti l’Europe de l’impasse en défendant le « traité simplifié » en 2007. Mais, comme le montrent son altercation avec le ministre allemand des Finances en juillet 2007 à propos de la gestion de l’euro et le long affrontement franco-allemand sur l’Union pour la Méditerranée (UPM), il a, dans le même temps, laissé se détériorer gravement la relation franco-allemande, tout en se rapprochant des Britanniques, jusqu’à instituer en 2010 une coopération privilégiée en matière de défense, hors cadre européen. De façon significative, le président français et son administration n’ont eu aucun état d’âme à laisser les Britanniques mettre la main, dès 2009, sur le nouveau service diplomatique européen, à la tête duquel a été nommée l’anglaise Catherine Ashton et dont de nombreux responsables sont de nationalité britannique ou nordique. Calcul sur l’implication de Londres comme préalable à l’unité européenne sur le terrain de la politique étrangère ? Ou véritable mépris pour ce que peut faire l’Europe, illustré par la manière dont Nicolas Sarkozy a remis à sa place Catherine Ashton lors du Conseil européen du 4 février dernier ?1La présidence française de l’Union européenne, en 2008, a été incontestablement une réussite dans la gestion des tensions. La crise provoquée par le « non » irlandais au traité de Lisbonne a trouvé une issue, les combats entre la Russie et la Géorgie ont cessé, la réaction à la crise économique mondiale a été énergique et collective. Mais ce succès a un prix : tandis que les institutions européennes ont été bousculées (notamment le Président de la Commission José Manuel Barroso et le Haut Représentant Javier Solana), rien ne s’est construit pour le long terme, malgré certaines avancées ponctuelles comme le paquet « énergie-climat », le pacte sur l’asile et l’immigration ou le lancement de deux opérations militaires européennes au Tchad et en Somalie (il n’y en a pas eu de nouvelles depuis).
Sur la Turquie, et plus généralement sur le dossier de l’élargissement, les réticences françaises n’ont pu s’imposer à Bruxelles. Le débat sur les « frontières de l’Europe » a ainsi été un échec et ce n’est qu’avec l’appui de l’Allemagne, à partir de 2009 et de la victoire électorale de la CDU/CSU, que les positions françaises ont pu s’affirmer et prendre le contrepied, sur ce point, des positions américaines, celle de George W. Bush comme celle de Barack Obama.
Finalement, ce n’est qu’à partir du règlement du conflit sur l’UPM, en mars 2008, et de la réaction coordonnée à la crise économique mondiale puis à la crise de l’euro, que Nicolas Sarkozy a été contraint de se livrer à un véritable rapprochement franco-allemand, redonnant un cap stratégique à sa politique européenne.
Entre pragmatisme et absence de vision
Les « ruptures » imposées par le chef de l’Etat ne sont pas allées sans incohérences.
Ainsi, le discours en faveur des droits de l’homme n’a-t-il été suivi d’aucun effet, en particulier vis-à-vis d’une Russie que le président français a d’emblée voulu traiter comme un partenaire majeur et incontournable. La rencontre avec Vladimir Poutine au sommet du G8 à Heiligendamm, en juin 2007, la médiation favorable aux intérêts russes dans le conflit géorgien puis la vente de bâtiments de guerre Mistral en témoignent. L’annulation du sommet Union européenne-Chine durant la présidence française, suite à la rencontre du président avec le Dalaï Lama, puis la reprise progressive des relations en escamotant la question du Tibet, montrent pour leur part que la relation avec la Chine a été gérée avec maladresse davantage qu’avec un parti pris idéologique. Quant aux relations avec les pays arabes, elles ont été dictées par la priorité immédiate du projet UPM et par le souci à long terme de la stabilité, les régimes autoritaires apparaissant – du propre aveu du président – comme le meilleur rempart contre les islamistes. Un soutien ostensible, sinon ostentatoire, a ainsi pu être manifesté à Hosni Moubarak, Zine Ben Ali, Bachar El Assad, et même Mouammar Kadhafi, qui a pourtant refusé de rallier l’UPM.
De même, le biais pro-américain n’a pas empêché Nicolas Sarkozy de s’attaquer au monopole du dollar, de vouloir réglementer et moraliser le capitalisme mondial, de demander le respect des normes sociales de l’Organisation internationale du travail, de se proclamer héraut des négociations climatiques, ou de se heurter au président américain – ainsi qu’au gouvernement allemand – sur la question du désarmement nucléaire, gardant sur ce point ses convictions néoconservatrices alors même que l’administration américaine les avait abandonnées.
Ce nouveau cours imprimé à la politique étrangère s’est accompagné d’une négligence coupable à l’égard de l’appareil diplomatique français, méprisé dans les propos privés, abandonné pendant plus de trois ans à un ministre des Affaires étrangères préoccupé avant tout de communication médiatique, et dont les moyens (réseau culturel, nombre d’emplois, bâtiments) ont fondu comme neige au soleil.
Au total, ce qui frappe le plus dans cette politique étrangère, malgré l’effort doctrinal réalisé avec le Livre blanc sur la sécurité et la défense en 2008, est son vide intellectuel et stratégique. La relation instaurée avec Barack Obama n’a été marquée par aucun résultat significatif ; celle avec Angela Merkel n’a pas débouché sur la formulation d’une véritable vision franco-allemande pour l’avenir de l’Europe ; les rapports avec les institutions européennes sont dégradée ; et les relations avec Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine sont faussement confiantes, comme l’ont révélé les rapports Wikileaks.
Il faut reconnaître que le président français n’a pas été servi par le désintérêt du président Obama pour l’Europe, ni par la défense étroite des intérêts allemands par Angela Merkel, ni par l’euroscepticisme persistant des Britanniques, ni par le nationalisme des dirigeants russes. Il faut également admettre que les liaisons dangereuses avec certains dictateurs arabes n’ont pas commencé avec le président Sarkozy et ne sont pas le monopole de la France. Mais, au lieu de s’atteler à construire des relations de confiance et de partenariat avec ses homologues, le président français a conduit la politique étrangère par intuitions, par volontarisme égocentrique, par à-coups, voire par foucades et postures. Et cette tendance, qui s’est avérée une qualité dans la gestion des crises et des situations d’urgence, devient un défaut quand il s’agit de bâtir des solutions de long terme à tête reposée. Le retour d’Alain Juppé aux affaires étrangères, marquant la probable réapparition des orientations « gaullo-mitterrandiennes » traditionnelles, est bien une « rupture » avec ces « ruptures » de 2007, et donc, dans un certain sens, un aveu d’échec.
BARACK OBAMA : UNE INSPIRATION POUR LA GAUCHE ?
Par une étrange ruse de l’histoire, l’arrivée de Barack Obama au pouvoir a pris au dépourvu les orientations pro-américaines du président français. Homme de la rupture dans la politique étrangère américaine, Barack Obama se distingue en effet de Nicolas Sarkozy aussi bien sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, Barack Obama a bâti ses positions sur des principes de moralité et de justice. Il a ainsi soutenu l’abolition des armes nucléaires, tendu la main aux adversaires de l’Amérique dans le monde musulman, en Amérique latine, en Russie et en Chine, mis l’accent sur le smart power (c’est-à-dire l’usage intelligent de la puissance par le désengagement militaire et l’utilisation accrue de l’aide et de la diplomatie). Le paradoxe a été que les présidents français et américain se sont livrés à un véritable chassé-croisé : pendant que l’un banalisait l’appartenance de la France au « camp occidental », l’autre rompait avec le « suprématisme occidental » de son pays.
Sur la forme, la nouvelle politique américaine a été égrenée de grands discours du président durant toute l’année 2009, à Prague, au Caire, à Accra, à Moscou, esquissant une vision ambitieuse et généreuse des relations internationales. Ce souci d’énonciation et de vision intellectuelle diffère fortement de l’activisme tous azimuts et par à-coups du président français.
Il n’empêche que Barack Obama s’est montré aussi pragmatique que Nicolas Sarkozy sur les grands choix de politique étrangère. Ainsi, tout en poursuivant le retrait d’Irak, déjà décidé par George W. Bush, le président des Etats-Unis a accepté de renforcer temporairement le contingent américain en Afghanistan. Il a également dû trahir sa promesse de fermer la prison de Guantanamo dans l’année suivant son élection. Après avoir exigé vainement le gel de la colonisation israélienne dans les territoires occupés palestiniens, il a finalement renoncé à tordre le bras au gouvernement de Tel Aviv. Malgré un discours ferme sur la faillite du capitalisme financier, il a été obligé de se rapprocher de Wall Street et des milieux économiques. Incapable de changer en profondeur les positions américaines sur certains grands traités multilatéraux, tels le protocole de Kyoto ou les traités de désarmement, Barack Obama n’a pas non plus remis sur le métier la réforme du multilatéralisme mondial. Face à la Chine, il a durci ses positions alors même qu’il avait tendu la main et évoqué l’avènement d’un « G2 ». Enfin, sa politique arabe, notamment en Egypte, se trouve écartelée entre le soutien aux principes de la démocratisation et des droits de l’homme et l’exigence de stabilité régionale.
Finalement, le principal succès de la politique de Barack Obama concerne la Russie, alors même qu’il tend à négliger l’importance de l’Europe. Il rejoint là une constante de la politique du président français. Le dégel avec la Russie a en effet permis de signer, et même de faire ratifier par le Sénat, un nouvel accord de désarmement nucléaire entre les anciens « Grands » et, ce faisant, d’avancer dans la voie prônée de l’abolition ultime de l’arme nucléaire. Cette politique, qui a permis de réduire les irritants avec Moscou (crise des boucliers anti-missiles, élargissement de l’OTAN, différends commerciaux), n’a cependant pas complètement consolidé la stabilité à l’Est de l’Europe : les « conflits gelés » de Moldavie et de Géorgie perdurent et le traité sur le désarmement conventionnel en Europe demeure bloqué. Quant à l’OTAN, elle se maintient à son étiage actuel, sur fond de frilosité des Européens pour envoyer de nouveaux renforts en Afghanistan – y compris de la part de la France, aujourd’hui moins enthousiaste qu’au début du mandat Sarkozy.
Malgré l’ampleur de sa vision, son intelligence et sa popularité internationale, le président Obama paraît aujourd’hui empêtré dans les dossiers internationaux, bloqué au milieu du gué, comptant d’abord sur un rebond économique interne pour se faire réélire en 2012. Comme Nicolas Sarkozy, il s’est heurté aux pesanteurs des rapports de force internationaux, comme aux rapports de force intérieurs (le poids du business dans la politique américaine, puis une majorité républicaine à la Chambre des représentants).
C’est aussi une leçon pour la gauche : on peut donner de nouvelles impulsions à une politique étrangère, comme l’avait fait François Mitterrand en 1981 sur les rapports « Nord-Sud » par exemple ; mais les contraintes de la mondialisation et de la géopolitique empêchent de refonder entièrement la politique étrangère, même quand on est président des Etats-Unis.
QUELLE ALTERNATIVE EN 2012 ?
La gauche française peut porter en 2012 une réforme de la politique étrangère qui ne soit ni une « rupture » sans lendemain, ni un retour à la case départ gaullo-mitterrandienne.
Le style en sera imprimé par le candidat, ou la candidate, à l’élection présidentielle, avec sa personnalité, ses intuitions, ses tropismes. La gauche ne pourra tourner le dos à la présidentialisation de la diplomatie, inscrite dans les institutions, mais il lui appartient de se distinguer par la mobilisation de l’intelligence collective, par la revalorisation du rôle de l’Etat, et en particulier du Quai d’Orsay, par le respect des droits du Parlement et par la construction de relations de travail solides et de confiance avec tous nos partenaires, à commencer par nos partenaires européens. La France doit faire entendre sa différence dans le monde, mais elle doit aussi agir efficacement avec ses partenaires et ses alliés.
Un travail fondamental a été conduit à l’occasion de la Convention internationale du Parti socialiste, qui a débouché sur un programme élaboré. Retenons pour l’essentiel trois orientations qui n’ont pas toujours pu être poussées assez loin dans le passé.
D’abord, la question sociale et écologique. Elle a été mise à mal par la mondialisation libérale et par les fondamentaux de l’économie dominante américaine, mais aussi par la volonté des puissances émergentes de se faire leur place au soleil et par les affrontements géopolitiques ou géoculturels. Il est nécessaire de développer des réponses articulant, d’un côté, l’interdépendance mondiale et les défis globaux, et, de l’autre, le besoin de protéger les intérêts des travailleurs européens. Les forces progressistes en Europe doivent porter au cœur du débat la question du « juste échange » et la lutte contre le dumping social et fiscal. Elles doivent se battre pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières et de taxes correctrices pénalisant les importations des pays qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales. Cela doit se combiner avec un renforcement de l’aide mondiale au développement et à la préservation de l’environnement.
Ensuite, le multilatéralisme et l’action collective. L’action de la France pèsera d’autant plus qu’elle s’inscrira dans le cadre européen et les forums multilatéraux (G8/G20, ONU). Pour cela, il faut agir en concertation étroite avec nos partenaires, d’abord au sein des enceintes européennes, puis avec les puissances que sont les Etats-Unis, la Chine et la Russie, sans lesquelles aucun progrès du multilatéralisme ne pourra être réalisé. Elargir le Conseil de sécurité de l’ONU, réformer le FMI et les relations monétaires internationales, créer une organisation internationale de l’environnement, prendre en compte des normes sociales et environnementales à OMC, sont des réformes nécessaires. Sans forcément revenir sur la décision de réintégrer les structures militaires intégrées de l’Alliance atlantique, la France devrait aussi privilégier les instances bénéficiant d’un maximum de légitimité internationale (ONU, Union européenne) et s’investir, avec ses principaux partenaires, dans l’affirmation de la diplomatie européenne et de l’Europe de la défense.
Enfin, la démocratie et les droits de l’homme. Porter des valeurs ne suffit pas à mener une politique étrangère, surtout quand on est un pays – la cinquième puissance mondiale – qui pèse et doit défendre des intérêts. Mais il faut savoir conjuguer les deux. François Mitterrand avait commencé à le faire quand, en 1990, il avait invité les chefs d’Etats africains réunis à La Baule à développer la démocratie dans leurs pays. La promotion de ces valeurs que sont la participation des citoyens et le combat pour le respect des droits humains est dans notre intérêt fondamental. Elles conditionnent la création d’un monde plus interdépendant, plus juste, plus coopératif. Parce que nous n’éviterons pas les situations nous plaçant devant des choix cornéliens, il est d’autant plus important de revendiquer nos principes. Les droits de l’homme doivent avoir leur juste place dans l’agenda international : pas systématiquement la première, mais jamais sous le tapis.
Sans mésestimer les résistances et les forces contraires, la gauche ne doit pas renoncer à l’ambition. Pour paraphraser le mot de Pierre de Coubertin à propos des Jeux olympiques et plus récemment celui de l’écrivain Paul Auster à propos de l’élection de Barack Obama, l’important en politique n’est pas de se distinguer de ses prédécesseurs, mais de pousser dans la bonne direction.
———————————————————————1 « La conception que j’ai de l’Europe, ce n’est pas que vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement doivent se taire, parce que nous avons la chance d’avoir Mme Ashton. C’est que Mme Ashton s’exprime en notre nom collectif et que nous puissions, chacun d’entre nous, apporter notre modeste plus-value quand il y a besoin. »