Peut-on repenser notre démocratie sans réforme fiscale ?

Il est urgent de poser les jalons d’un débat éclairé et accessible à tous sur la fiscalité pour redonner aux citoyens l’envie de participer au débat public. Au-delà, se pose la question centrale du bien-fondé de l’impôt et donc de la légitimité du consentement à l’impôt. C’est l’objet de cette note rédigée par deux membres du think tank Point d’aencrage.

« Le génie de la liberté réprouve tout ce qu’il y a d’arbitraire ou de discrétionnaire dans l’impôt », écrivait en 1782 Alexander Hamilton, l’un des pères fondateurs des États-Unis et le premier Secrétaire au Trésor. Le prélèvement de l’impôt figure, aux côtés de la police et de la justice, parmi les piliers de la construction d’un État moderne. Une démocratie qui veut aller vers plus de justice entre les citoyens repose sur les services publics créés grâce aux recettes de l’impôt. Par conséquent, son bon fonctionnement, et même sa survie, dépendent du consentement à celui-ci. L’impôt est toutefois souvent cité comme une obligation, un devoir ou une charge. Dans ce contexte, comment concilier fiscalité, justice, liberté et égalité ? Comment rendre le consentement à l’impôt plus résilient ?

En France, le consentement à l’impôt a été un enjeu important pour les révolutionnaires qui devaient répondre à la mauvaise image de la fiscalité héritée de son caractère autoritaire et inéquitable sous la monarchie. Ce n’est pas un hasard si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen y consacre son article 13 en précisant que la « contribution commune est indispensable » mais qu’elle « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Toutefois, malgré l’instauration d’un nouveau système fiscal, les révoltes anti-taxes, notamment paysannes, continuent après 1789 et il faudra attendre la fin du XIXe siècle, voire le début du XXe, pour voir naître la progressivité de la taxation et accepter l’idée que « l’impôt doit augmenter avec l’aisance des individus ».

La fiscalité progressive a sans doute renforcé le consentement à l’impôt en le rendant plus juste. Mais cette réforme majeure implique des débats sur le rôle de l’État et une réflexion sur les critères de justice fiscale. De fait, la fiscalité est quasi-constamment modifiée sans pour autant être réformée en profondeur. La question du poids, de la répartition et du prélèvement de l’impôt ont d’ailleurs agité le quinquennat de François Hollande. La taxation des heures supplémentaires, le CICE, la réforme du quotient familial, la « super taxe » à 75% et, aujourd’hui, l’instauration du prélèvement à la source des impôts sur le revenu font partie des débats clés depuis 2012. Ce n’est donc pas un hasard si la question fiscale a aussi été au cœur de la primaire de la droite et du centre, ce qui a donné lieu à une bataille de chiffres, souvent contradictoires, entre baisses d’impôts, suppressions de taxes et niveau des dépenses publiques proposés par différents candidats. Il s’agit aussi d’une question centrale pour la gauche et l’ensemble des progressistes car, au-delà de ces batailles de chiffres, se pose la question centrale du bien-fondé de l’impôt et donc de la légitimité du consentement à l’impôt.

Les nouvelles batailles de l’impôt

Les élections de 2017 peuvent-elles donner lieu à une remise en cause plus profonde de la fiscalité ? On le voit aux États-Unis : les idées du Tea Party, mouvement issu du Boston Tea Party qui s’est construit sur le refus de payer les taxes au gouvernement britannique, progressent et sont notamment incarnées par Donald Trump qui vante sa capacité à éviter de payer les taxes fédérales. En France, la droite et le Front national ont renforcé leur critique envers le système fiscal. Une critique qui a même un certain écho à gauche et dans l’opinion publique car 83 % des Français sondés trouvent le système fiscal actuel injuste. Un sentiment qui progresse particulièrement au sein des classes moyennes et qui, même s’il ne correspond pas forcément à la réalité des chiffres, trouve une forte résonance notamment en milieu urbain où le coût de la vie est plus élevé.

Heureusement, le civisme sauve encore quelque peu la donne. Une majorité des contribuables estime toujours que les impôts sont justifiés au regard des services publics (hôpitaux, école, police…) dont elle bénéficie et considère que payer l’impôt est un « acte citoyen », même si ce sentiment a malheureusement tendance à s’effriter. Ainsi, les différentes enquêtes d’opinion et le retour de la contestation des nouvelles taxes dans la rue, comme, par exemple, le mouvement des « Bonnets rouges », montrent que la diminution du consentement à l’impôt reste un enjeu politique majeur. Également, en période de crise de confiance et alors que se multiplient les scandales Panama Papers, LuxLeaks, SwissLeaks, une partie des contribuables exprime une demande légitime pour plus de transparence et un fort sentiment d’injustice entre ceux qui respectent la loi et ceux qui, de manière illégale ou à la limite de la légalité, la contournent pour réduire leur contribution fiscale.

Quelle réponse politique face à cela ? Les enquêtes d’opinion montrent que le sentiment « d’injustice » de l’impôt est, dans une écrasante majorité des cas, lié à son image peu efficace et peu compréhensible. Il est intéressant de noter que les attentes des citoyens à l’égard d’une réforme fiscale montrent une cohérence. Ainsi, en 2013, les souhaits étaient : plus de justice sociale (48 %), une simplification de la fiscalité (45 %), plus de compétitivité (44 %) et enfin une baisse des impôts (41 %). Il est important de souligner que ce dernier chiffre est relativement bas. La baisse du niveau des impôts n’est donc pas la priorité de la réforme souhaitée par une majorité des Français, contrairement aux objectifs de justice fiscale et de lisibilité. C’est dans cette logique qu’en novembre 2013, dans la première moitié du quinquennat de François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre de l’époque, avait annoncé le lancement d’une grande réforme fiscale. Jean-Marc Ayrault partait du constat suivant : « Le système fiscal français est devenu très complexe, quasiment illisible, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu’ils paient est juste, que le système est efficace ». Aujourd’hui, trois ans après cette annonce, force est de constater que la réforme fiscale n’a pas abouti. Un seul volet devrait être mis en place à partir de 2018 : le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Cette importante mesure, plébiscitée par deux tiers des Français, est pourtant très violemment attaquée par la droite qui a déjà promis sa remise en cause en cas de sa victoire en 2017. Ce retour en arrière marquerait aussi un nouveau retard de la France dans la modernisation de son système fiscal par rapport aux autres pays européens dont la quasi-totalité applique déjà le prélèvement à la source.

Lors des débats entre les candidats à la primaire de la droite et du centre, plusieurs propositions structurantes ont émergé. La différence entre les candidats se situait surtout au niveau des montants et du calendrier, mais tous promettaient des baisses quasi-systématiques soit de l’impôt sur le revenu, soit des cotisations sociales. Deux idées centrales du projet de la droite accompagnent celle d’une baisse généralisée des impôts et cotisations : la suppression de l’ISF, un impôt pourtant entré dans les mœurs et dont 72 % des Français refusent la suppression et le fait de relever le plafond du quotient familial qui a été plafonné depuis 2012. Cette niche fiscale, que la droite souhaite renforcer, est pourtant l’une des plus inégalitaires. Selon l’économiste Thomas Piketty, le quotient familial « bénéficie de manière disproportionnée aux 10 % des revenus les plus élevés » et d’après la chercheuse Christiane Marty, en 2009, « les 10 % de ménages avec les plus hauts revenus se partageaient 46 % du total de la réduction d’impôt liée au quotient familial ». François Fillon porte également l’idée, pas si moderne que ça (Milton Friedman en parlait déjà en 1962) d’introduire dans la fiscalité française le principe d’une « flat tax », pour l’instant uniquement sur l’ensemble des revenus du capital. Il s’agirait de remplacer une fiscalité progressive par une imposition proportionnelle avec un taux unique. D’après lui, cette réforme simplifierait l’impôt en le rendant plus lisible. En réalité, la flat tax vise surtout à en finir avec la progressivité de l’impôt et, au nom d’une prétendue égalité, à protéger les plus hauts revenus. Comme le remarquent plusieurs économistes, notamment américains, une flat tax ne ferait qu’accroître les inégalités de salaires déjà existantes en réduisant la part de l’imposition pour les plus aisés. Il en résulterait un système moins équitable et plus injuste, c’est d’ailleurs le cas avec la plupart des propositions fiscales portées lors la primaire de la droite et du centre.

Les propositions fiscales portées par la droite semblent anachroniques par rapport aux termes du débat sur la fiscalité qui existe actuellement au niveau international. Loin des aspirations du Boston Tea Party de 1773, qui semblent guider le programme économique de François Fillon, les économistes de tous bords, allant de Joseph Stiglitz et Thomas Piketty à Jean Tirole, proposent une grande réforme tournée avant tout vers le « bien commun » et l’équité. Il faut sortir de ce danger d’enfermer le débat autour de la réforme fiscale dans la seule question des baisses d’impôts. Comme le dit Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, « le sens profond des politiques de baisse d’impôts est là. On ne fait pas le choix d’un débat de société pour avoir davantage de normes de justice acceptées, parce que ce processus de discussion de normes de justice est jugé trop compliqué, trop coûteux et trop complexe. On assiste donc à une réduction, en quelque sorte, des ambitions de citoyenneté. Plus on est favorable à une baisse de la fiscalité et moins on est exigeant sur les critères de citoyenneté et sur la définition de la démocratie ».

Pour un impôt plus simple, plus lisible et plus juste

La complexité et le manque de transparence du système fiscal français sont le fait de différents éléments.

Il y a d’abord la problématique des niches fiscales qui divisent les Français en deux catégories : la « France des niches » (certains secteurs professionnels, très riches, certains départements et régions, etc.) et les autres, qui n’en bénéficient jamais. Le projet de loi de finances pour 2017 en prévoit 451 pour un montant de près de 90 milliards. La lutte contre les gaspillages et l’évasion fiscale, qui coûterait chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros minimum à l’État, est aussi un enjeu important qui doit être au centre de la politique fiscale.

Puis, il y a la question de la lisibilité. D’après le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (2013), il existe actuellement plus de 200 impôts et taxes différents. Cela rend incontestablement notre système fiscal moins compréhensible pour la majorité des contribuables. Ajoutons à cela que le système fiscal français reste assez injuste. La part issue d’une fiscalité progressive dans les recettes de l’État est loin d’être majoritaire. La TVA, la CSG et de très nombreuses taxes sont proportionnelles et pèsent donc davantage sur les petits (ménages peu aisés, PME, etc.) que sur les grands (familles aisées, multinationales, etc).

La complexité et l’illisibilité de notre système fiscal, qui accroissent la perception de manque de transparence, rendent sensible, voire suspecte, toute réforme fiscale même marginale. Dans ce contexte, toute tentative de modification du système fiscal, même celle qui irait vers plus de justice, conduit à un sentiment de « ras-le-bol fiscal » partagé par de très nombreux contribuables et alimenté, qui plus est, par l’accroissement des inégalités. Le législateur se trouve en quelque sorte piégé, surtout dès lors qu’il manque d’ambition, car, aussi bien inspirée soit-elle, sa réforme a de fortes chances de se heurter à une incompréhension publique si elle ne règle pas d’abord la question de la complexité. Il faut ainsi souligner, qu’en plus d’être inefficiente sur le plan comptable et économique, la complexité de notre système est dangereuse sur le plan démocratique et politique car elle paralyse l’action publique. Face à ce constat, il semble indispensable d’opérer une réforme fiscale en profondeur afin de restaurer la confiance et l’adhésion des citoyens à l’impôt.

Trois principes pour renforcer le lien entre fiscalité et démocratie

Simplification

Le chantier de la simplification est indispensable, avec une réflexion qui doit tourner autour non seulement d’une meilleure formation et information du citoyen à l’impôt mais aussi être centrée sur l’amélioration du système de prélèvement. Les contribuables voient parfois l’administration fiscale comme une machine bureaucratique froide et hostile. Il est donc nécessaire de la rendre plus accessible, plus humaine, et, même, plus “sympathique” avec, tout d’abord, un accès simplifié, personnifié et personnalisé. Une communication positive rappelant les principales dépenses de l’État et une meilleure lisibilité du processus budgétaire pourraient aider les citoyens à mieux comprendre et donc mieux accepter l’impôt. La pédagogie, la communication et le renforcement du dialogue avec l’usager sont des outils essentiels pour parvenir à ces objectifs. Il est également possible d’imaginer la mise en place d’un système « bienveillance et accompagnement » du contribuable : l’administration aura pour nouvelle obligation de repérer a priori les erreurs dans la déclaration fiscale et aider le contribuable à payer l’impôt juste.

Co-élaboration

Dans ce contexte, la participation des citoyens est essentielle. Les initiatives en matière de co-élaboration budgétaire se multiplient et le succès d’initiatives telles que le budget participatif de la ville de Paris illustre bien cette demande des citoyens de pouvoir être acteurs de décisions qui les impactent et ne pas simplement « subir » la fiscalité. Multiplier ce type d’initiatives, à l’échelle des régions voire à l’échelle nationale, pourrait contribuer à donner envie aux citoyens de s’intéresser aux questions budgétaires. On pourrait, par exemple, imaginer confier 1 % du budget de l’État aux citoyens qui participeraient à son élaboration grâce aux outils de Civic Tech. Un pilotage intelligent de la fiscalité permettrait également aux citoyens d’y voir plus clair dans l’utilisation de l’impôt, en définissant des finalités et objectifs clairs pour chaque mesure fiscale et en évaluant l’efficacité de ces mesures fiscales.

Lutte contre la fraude

Enfin et surtout, la lutte contre la fraude fiscale est un combat important et toujours aussi urgent à mener. Depuis 2013, des avancées majeures ont été obtenues dans ce domaine par l’adoption d’un arsenal législatif français avec la loi « anti-fraude » de 2013, le renforcement des sanctions à l’encontre des fraudeurs et l’amélioration de la transparence des activités bancaires et économiques. Au niveau européen, la mise en place de l’échange automatique des données fiscales, à partir de 2017, vise à traquer la fraude et à dissuader les pratiques illégales. Mais il faut aller plus loin. Malgré l’adoption de plusieurs mesures, le montant de la fraude à la TVA reste très élevé (estimé à 17 milliards d’euros en 2015) et nécessite une réponse plus globale. Par ailleurs, se pose également la question de « l’optimisation fiscale agressive » qui, à la limite de la légalité, permet à certains citoyens et entreprises, qui ont les moyens de payer les services d’un conseiller fiscaliste, d’éluder à l’impôt, ce qui renforce le sentiment d’inégalité devant l’impôt parmi les contribuables.

Quatre pistes de réformes concrètes pour une fiscalité qui protège la démocratie

Prélèvement à la source

Le prélèvement à la source est une réforme importante du quinquennat qu’il faut espérer voir mise en œuvre comme prévu début 2018. Tout d’abord, il permet une prise en compte des revenus en temps réel et supprime cette aberration qui oblige à payer les impôts qui correspondent aux revenus de l’année précédente. À l’heure de l’instabilité salariale et d’alternance de plusieurs périodes d’activité, le système actuel n’est clairement plus adapté et place une partie des contribuables dans l’incertitude et la complexité. Le prélèvement à la source rend donc l’impôt plus simple et plus lisible. Cette réforme peut également ouvrir la voie à une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, prônée notamment par Thomas Piketty et plusieurs économistes.

Rationalisation des niches fiscales

Pour gagner la confiance et l’adhésion des citoyens, le système fiscal français a également besoin d’être réformé en profondeur, pour être plus juste. Tout d’abord, il est urgent de rationaliser les niches fiscales en les évaluant et en ne conservant que celles qui répondent efficacement à un objectif précis et défini. La Cour des comptes a, à plusieurs reprises, critiqué l’inefficacité et le manque d’évaluation et de contrôle de nombreuses niches fiscales. Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2015, la Cour a notamment critiqué des « dispositifs de maîtrise » des dépenses fiscales « sans impact réel » ainsi que « des évaluations toujours insuffisantes ». Également, comme le souligne le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires rien qu’en ce qui concerne la TVA, la suppression des dépenses fiscales peu ou pas efficaces augmenterait les recettes de 11 milliards d’euros. Ce rapport critique en particulier l’inefficacité de la TVA réduite dans la restauration dont le coût (175 000 euros à 262 000 euros par emploi) a largement dépassé celui estimé pour les dispositifs de soutien direct à l’emploi auxquels il s’est substitué. De même, il faut considérer de nouveau le quotient familial et le quotient familial comme des dépenses fiscales et réfléchir à leur remplacement par un système plus juste d’aide aux familles. En effet, cette mesure bénéficie aux ménages les plus aisés et pourrait être compensée par l’instauration d’une allocation en fonction du revenu améliorée.

Un impôt plus progressif

Le sujet de la progressivité de l’impôt est central. La complexité de notre système fiscal et la multiplicité des niches fiscales ont réduit la progressivité de l’impôt au profit des plus aisés. La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG permettrait de créer un nouvel impôt sur le revenu qui serait davantage progressif. Par ailleurs, le taux d’imposition réel sur les sociétés est en moyenne plus élevé pour les PME que pour les entreprises du CAC40. Une progressivité de l’impôt sur les sociétés prenant en compte la taille de l’entreprise pondérée par le bénéfice, le chiffre d’affaires et l’investissement pourrait permettre de rééquilibrer la charge fiscale entre les entreprises.

Une fiscalité plus environnementale

Enfin, la conversion écologique de l’économie, grand défi de ces prochaines années, pourrait être une formidable occasion pour transférer le poids fiscal de l’humain vers les activités polluantes, faisant par cela de la fiscalité un levier puissant pour mener à bien cette transformation. Cela passerait par la suppression des niches fiscales profitant aux activités polluantes et en encourageant les pratiques vertueuses pour l’environnement, par exemple en baissant la TVA pour les secteurs ciblés participant à la transition écologique.

La réforme fiscale demande du courage politique

Réformer notre système fiscal est un sujet complexe, sensible, et potentiellement explosif. Mais chercher à tout prix à baisser les impôts, créer des niches fiscales à tout-va, pour de l’autre côté augmenter la TVA ou réduire le montant des prestations sociales est révélateur d’un manque de courage politique. Le fonctionnement de la démocratie, la solidarité, essence de notre société a un coût et ce coût n’est acceptable pour ceux qui payent que s’il est lisible, compris et justifié.

Le sentiment des citoyens de payer trop d’impôts est aussi le fait d’une incompréhension, d’un manque de transparence et illustre d’une certaine façon la sensation d’être dépossédé de toute décision. Ce sentiment va de pair avec la crise de la représentation politique et met à mal le bon fonctionnement de notre démocratie. Les baisses d’impôts proposées par la droite ne peuvent pas être une réponse au problème du consentement à l’impôt. La suppression de l’ISF, du prélèvement à la source, ou encore le relèvement du plafond du quotient familial et l’augmentation du taux de TVA, proposés par François Fillon, ne peuvent qu’accroître cette incompréhension d’une grande partie des Français.

Le quinquennat qui s’achève aura permis de lancer des chantiers importants, avec le prélèvement à la source ou encore la lutte contre la fraude fiscale et des mesures fiscales prises par la majorité l’année dernière qui ont eu pour effet de réduire les inégalités fiscales.

Des réformes ambitieuses et courageuses pourraient permettre non seulement de restaurer la confiance des citoyens envers l’impôt mais, pourquoi pas, de « faire aimer l’impôt ». Malene Rydahl rapporte, dans Heureux comme un Danois (J’ai lu, 2015), que 78 % de ses concitoyens estiment payer des impôts justes, voire pas assez. Pourtant, le Danemark est le pays dans lequel les impôts sont parmi les plus élevés du monde. Éduquer à l’impôt dès le plus jeune âge et tourner l’impôt vers le citoyen font aussi partie des réponses indispensables pour garder cette si importante cohésion.

Il est nécessaire de ne pas abandonner les nouvelles « batailles de l’impôt » à ceux qui enferment le débat dans la question du niveau de la fiscalité. Il s’agit là non seulement d’un enjeu économique, bien évidemment non négligeable, mais également d’un enjeu démocratique car l’absence d’un débat de société sur le rôle de l’impôt rendra encore plus difficile toute tentative de réforme fiscale future. Enfin, abandonner ce combat, c’est laisser le champ libre à l’extrême droite, qui, dans ses élans populistes, a bien cerné ce désir des contribuables, pour se l’approprier.

Il est urgent de poser les jalons d’un débat éclairé et accessible à tous sur la fiscalité, pour redonner aux citoyens l’envie de participer au débat public et de se sentir concernés et impliqués dans ce débat.

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