Depuis son entrée en fonction en juin 2010, le « ministre-président » de la Hongrie Viktor Orbán se présente comme porteur d’une alternative à la pensée unique européiste. L’analyse de sa politique économique tend à dévoiler les réalités de ses choix et de ses ambitions.
L’objectif central de Viktor Orbán est avant tout de se détacher des créanciers et du marché, en maîtrisant la dette et en diminuant les déficits publics du pays. Il adopte alors trois types de mesures. D’abord, il s’agit de faire payer les multinationales, par des prélèvements excessifs et des dispositifs fiscaux discriminatoires entre les entreprises hongroises et étrangères. Ensuite, ce sont les plus défavorisés qui sont touchés, par l’allègement des prélèvements sur les plus riches (flat tax) et l’augmentation de la pression fiscale sur les bas salaires ainsi que la TVA sur les produits de consommation (27 %, la plus élevée de l’Union européenne). A cela s’ajoutent la suppression d’aides sociales et la réduction de la durée d’indemnisation du chômage, ce qui, de fait, aggrave la pauvreté et renforce le travail au noir. Enfin, il s’agit de faire payer les futurs retraités, en confisquant les fonds de pension obligatoires, auquel chaque salarié avait cotisé durant les quinze dernières années. En outre, certaines innovations fiscales semblent avoir des conséquences économiques et sociales particulièrement négatives sur la population. On note l’apparition d’une taxe exceptionnelle sur le secteur pharmaceutique, une taxe sur les SMS, sur les appels téléphoniques, une taxe de 30 % sur l’assurance automobile obligatoire, une taxe sur les mouvements bancaires des entreprises et des particuliers.
Les premiers effets de cette politique, qui fragilisent la stabilité économique de la Hongrie, se sont révélés totalement désastreux et n’ont entraîné aucun bénéfice pour le gouvernement. Aucune baisse significative de la dette du pays n’est à observer, tandis qu’une dévaluation significative de la devise hongroise, le forint, n’a pu être empêchée. Entretemps, les Hongrois, eux, ont perdu leur épargne retraite.
Parallèlement, le gouvernement Orban a géré à contresens le drame des emprunts en devises, en faisant payer au secteur financier l’amélioration de la situation des seuls emprunteurs les plus riches alors que sa politique du forint faible a aggravé la situation des plus faibles d’entre eux.
Viktor Orbán tente depuis son arrivée au pouvoir de reprendre la main sur l’économie. Ainsi, le gouvernement a voulu dès le départ participer au capital des grandes entreprises privées hongroises afin d’en prendre le contrôle. Il a également tenté de tirer profit de la crise pour parvenir à des prises de contrôle sur différents groupes, sans réel succès. Cependant, le gouvernement de Viktor Orbán est parvenu à créer des champions nationaux de l’industrie, détenus par des proches du Fidesz. De cette manière, il se situe dans la lignée des régimes autoritaires, accapareurs de la rente économique du pays, et ce malgré un contexte de crise.
Par son attitude, Viktor Orbán parvient à donner un accent national et populaire à ces opérations, quand bien même la population a conscience qu’une oligarchie « orbanienne » s’empare des leviers économiques avec des objectifs d’enrichissement évidents.
Le plus surprenant est sans aucun doute l’inaction de l’Union européenne face à la politique économique hongroise. Malgré les accusations perpétuelles de Viktor Orbán à l’encontre de « l’impérialisme de Bruxelles », l’Union européenne est restée discrète, qu’il s’agisse de la Commission ou des Etats membres, à l’égard d’un Etat qui viole les droits de la personne en privatisant les pensions, en bafouant les règles du marché intérieur et de la concurrence, en menaçant la stabilité économique de ses voisins. Bien que cela semble bien loin des valeurs prônées par l’Union, aucune pression réelle n’est exercée sur la Hongrie, que ce soit d’un point de vue économique ou politique.
L’avenir de la Hongrie est dès lors incertain, et le restera durant tout le temps où Viktor Orbán conduira sa politique économique de la sorte. Avec une capacité de croissance fortement affectée (montée du chômage, pauvreté des ménages, etc.), le pays est devenu un repoussoir pour les investisseurs nationaux. De fait, la situation économique et financière du pays laisse présager le recours prochain à un accord de refinancement avec le FMI, qui sera forcément entaché de conflits.
Par ailleurs, bien qu’une perte de soutien de la population soit perceptible, le Fidesz s’est donné, avec la réforme de la Constitution et le bouleversement de la loi électorale, les moyens de durer au gouvernement. Parallèlement, la gauche est décrédibilisée, et le parti néo-fasciste Jobbick est loin de constituer une alternative.
En outre, par son inaction, l’Union européenne montre qu’elle n’a pas les moyens de faire respecter certaines valeurs fondamentales et renforce l’idée selon laquelle elle ne sert qu’à financer les nouveaux Etats membres.
Il faudra cependant agir, tant la situation hongroise est déjà urgente à tout point de vue.