L’ovalie vote-t-elle à gauche ou à droite ? Radiographie des amateurs de rugby

Le rugby est-il de droite ou de gauche ? La question anime les débats sportifs et politiques, alors que la Coupe du monde de rugby bat son plein. S’appuyant sur une enquête1L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 3 012 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 21 septembre 2023. de l’Ifop et de la Fondation menée auprès de 3 000 Français sur leur rapport au rugby, Thomas Pierre, chargé d’étude au pôle politique / actualités de l’Ifop, montre que, si c’est un sport qui plaît à la France de droite, il est joué plutôt par la France de gauche.

Introduction

8 septembre 2023 : premier match de la Coupe du monde de rugby, qui se déroule en France pour la deuxième fois, avec un duel entre le XV de France et les All Blacks néo-zélandais. Avant cette affiche de rêve pour débuter la plus grande compétition rugbystique, la traditionnelle cérémonie d’ouverture ne laisse pas indifférent. Avec en meneur de revue l’acteur Jean Dujardin, cette fête qui voulait, selon les organisateurs, glorifier « l’art de vivre à la française » sera loin de faire l’unanimité. Qualifiée de « grandiose » par certains, d’« étrange », voire de « rance » par d’autres, cette mise en scène du patrimoine français apparaît comme une glorification d’une France et de ses stéréotypes, et est accusée de défendre une vision « passéiste ». Les regards sont pluriels et de nombreuses interprétations sont faites de cette cérémonie, à droite et à gauche de l’échiquier politique français. Les perceptions très variables de cet avant-match et du message qui y a été passé montrent bien les diversités de regards politiques qui peuvent se porter sur un événement de cet acabit, et sur le sport de façon plus générale, fréquemment lié à la politique. La présence du président de la République à un entraînement de l’équipe de France, l’entrée en politique de nombreux rugbymans par le passé (comme Bernard Laporte, Pierre Rabadan ou Jacques Chaban-Delmas) ou bien encore l’implication de Nelson Mandela lors de la Coupe du monde de 1995 en Afrique du Sud indiquent que les personnalités politiques ne restent pas insensibles au rugby, ce sport ayant été dès les années 1930 un « miroir des conflits sociaux et politiques »2Philip Dine, « Corps et genre : de la masculinité au rugby », Corps, vol. 2, n°1, 2007, pp. 37-41. en France.

Face à ces débats, nourris de peu d’éléments quantifiés et objectifs, l’Ifop a mené une étude afin de savoir si le rugby est un sport plutôt marqué à droite ou plutôt marqué à gauche. Pour ce faire, plus de 3 000 Français ont été interrogés sur leur rapport au rugby : aussi bien sur leur intérêt général, leur pratique et leur visionnage de compétitions que sur leur fréquentation des stades et leur identification à l’équipe nationale (notamment en comparant avec l’attachement à l’équipe de France de football). Ces éléments contribuent à mieux comprendre la structure politique et idéologique des amateurs de rugby, celles et ceux qui le pratiquent et celles et ceux qui le regardent.

Le XV de France, un symbole pour les Français ?

Le rugby est-il un symbole de la France ? La question se pose quand certains médias comme Valeurs actuelles définissent le rugby comme un sport « enraciné devenu modèle de société ». Pour comprendre qui sont les Françaises et les Français qui voient en l’équipe de France de rugby un symbole (ou non) du pays, nous leur avons demandé si elle leur paraissait représentative ou non de la France d’aujourd’hui et s’ils s’identifiaient ou non à l’équipe. Nous avons posé une question miroir sur le football afin de pouvoir comparer les résultats.

Commençons donc par le caractère « représentatif » de l’équipe de France de rugby, au regard de l’équipe de France de football. En regardant les variables politiques, nous découvrons que la position des Français diverge sensiblement. Si l’équipe de France de rugby semble être perçue comme une équipe « représentative de la France » de façon assez uniforme (pour 69% des Français se positionnant à gauche et pour 71% de ceux qui se positionnent à droite), l’équipe de France de football apparaît quant à elle bien plus « représentative de la France » pour les Français de gauche (59%) que pour les Français de droite (47%). C’est encore plus net quand on regarde la proximité partisane : l’équipe de France de rugby est perçue comme « représentative de la France » pour 73% des Français proches d’un parti de gauche et pour 84% des proches d’un parti de droite, tandis que l’équipe de France de football est perçue comme « représentative de la France » pour 64% des proches d’un parti de gauche contre 59% des proches d’un parti de droite.

Élément intéressant, que ce soit pour le rugby ou pour le football, les amateurs de rugby trouvent chacune des deux équipes bien plus représentatives de la France que la moyenne des Français (91% des amateurs de rugby trouvent que le XV de France est représentatif de la France, et 64% d’entre eux trouvent que l’équipe de France de football est représentative de la France). Nous pouvons donc faire l’hypothèse que l’intérêt pour le sport est un critère déterminant dans la perception de la représentativité d’une équipe nationale, quel que soit le sport.

Poursuivons avec l’identification des Françaises et des Français à l’équipe de France de rugby et à l’équipe de France de football. Dans les deux cas, moins de la moitié des Françaises et des Français s’identifient aux équipes de France : ils sont 49% à s’identifier à l’équipe de France de rugby et 32% à l’équipe de France de football.  

Concentrons-nous ici sur les variables politiques et identitaires. En prenant en compte le vote au premier tour de la dernière élection présidentielle, il ressort que les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et les électeurs de Marine le Pen s’identifient légèrement moins que la moyenne des Français (49%) à l’équipe de France de rugby (47% dans les deux cas). Les personnes qui s’identifient le plus à l’équipe de France de rugby sont les électeurs d’Emmanuel Macron (57%) et ceux de Valérie Pécresse (66%). S’agissant de l’équipe de France de football (32% des Français s’y identifient), les électeurs de Marine Le Pen et ceux d’Éric Zemmour s’identifient bien moins (respectivement 26% et 21%) que la moyenne des Français, alors que ceux d’Emmanuel Macron le font bien plus (40%), tout comme ceux de Jean-Luc Mélenchon (36%). Ces données montrent que les électeurs des deux candidats d’extrême droite s’identifient bien davantage à l’équipe de France de rugby qu’à l’équipe de France de football. En outre, ce sont les électeurs du président de la République qui s’identifient le plus aux deux équipes nationales, les percevant peut-être comme un symbole de la France au-delà des athlètes qui la composent.

Si nous nous penchons sur la religion des personnes interrogées, trois éléments méritent d’être relevés. Tout d’abord, les Français catholiques s’identifient plus que la moyenne des personnes interrogées dans chacune des deux équipes (54% pour l’équipe de France de rugby, 35% pour l’équipe de France de football). Ensuite, les Français musulmans se retrouvent moins dans l’équipe de France de rugby (33%) que dans l’équipe de France de football (47%). Enfin, les personnes indiquant ne pas avoir de religion s’identifient moins à chacune des deux équipes que la moyenne des Français (46% pour le ballon ovale, 27% pour le ballon rond).

Enfin, penchons-nous sur la sympathie des Françaises et des Français à l’égard de l’équipe de France de rugby. Dans l’ensemble, la cote de popularité du XV de France est très élevée : plus des trois quarts des Français (78%) affirment avoir de la sympathie pour cette équipe. En comparaison, 56% des Français affirmaient en mai 2021 (au moment du dernier Euro) avoir de la sympathie pour l’équipe de France de football. Si les deux équipes génèrent un sentiment de sympathie pour une majorité de Français, celle de rugby dépasse aisément celle de football.

Élément intéressant, la proximité partisane est une variable qui donne à voir quelques subtilités quant à la sympathie envers le XV de France (dont la moyenne est à 78% chez les Français). Pour ceux proches d’un parti de gauche, cette sympathie monte à 82%, pour les proches de la majorité présidentielle à 87% et pour les partisans de la droite à 91%, soit des chiffres nettement supérieurs à la moyenne. En revanche, les partisans des formations situées à l’extrême droite de l’échiquier politique s’établissent dans l’étiage de la moyenne (79%). En prenant en compte l’auto-positionnement politique, nous observons que ceux qui se déclarent très à gauche ont légèrement plus de sympathie pour le XV de France (76%) que ceux qui se déclarent très à droite (72%).

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Qui sont les amateurs de rugby ?

Regardons à présent qui sont les amateurs de rugby. En demandant aux Français s’ils s’intéressent au rugby, près de la moitié, 48%, affirment que c’est le cas. Dans le détail, 32% des Français déclarent que c’est au rugby en général, 44% à la Coupe du monde, et 45% aux matchs de l’équipe de France. Nous voyons d’ores et déjà – fort logiquement – que la compétition qui se déroule en France cette année attire plus les foules que le sport à lui seul, et qu’il en est de même pour l’équipe de France.

Concentrons-nous pour le moment sur celles et ceux qui disent s’intéresser au rugby en général, c’est-à-dire, rappelons-le, un Français sur trois (32%). À l’aide de données géographiques, nous constatons d’abord que le rugby n’est pas qu’un sport du Sud-Ouest, même si les amateurs y sont plus présents. En effet, les amateurs de rugby apparaissent nettement plus dans le Sud-Ouest (36%) que dans le Nord-Est (26%), mais ils sont aussi présents en Île-de-France (33%). Dans les départements « rugbystiques »3Afin de définir les départements rugbystiques, nous avons utilisé les données issues de l’INJEP de 2020. Nous avons défini comme départements rugbystiques les 20 départements où 1% de la population ou plus avait une licence à la Fédération française de rugby., la prévalence des amateurs de rugby est encore plus grande (41%, contre 31% ailleurs) sans pour autant être majoritaire, signe que le stéréotype du rugby apprécié par toutes et tous dans ces régions semble erroné. Nous reviendrons plus tard sur l’importance du rugby et de ses stades dans les départements rugbystiques. Toujours sous le prisme géographique, on observe également que les personnes vivant en villes-centre (35%) s’y intéressent plus que celles des banlieues (29%), notamment populaires (23%).

Analysons à présent ce que nous indiquent les variables politiques à notre disposition, le sujet principal de cette note. 36% des sympathisants de gauche s’intéressent au rugby, quand c’est le cas de 43% des sympathisants de droite. Les sympathisants du Parti communiste (PCF) en sont les plus friands (65%), tout comme dans une moindre mesure ceux du Parti socialiste (PS) (41%) et les proches des Républicains (LR) (41%). Selon un autre axe de lecture, les personnes se positionnant très à gauche s’y intéressent nettement plus que celles très à droite (46% contre 27%). Tous ces éléments sont à mettre ensemble afin de voir les nuances qui existent : il s’avère que définir un sport – en l’occurrence le rugby – comme de droite ou de gauche apparaît bien complexe qu’il n’y paraît. Illustration supplémentaire du besoin de nuance : quand on regarde les votes à la dernière élection présidentielle, 32% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon affirment s’intéresser à ce sport, contre 37% de ceux d’Emmanuel Macron, 43% de ceux de Valérie Pécresse et enfin 29% des électeurs d’Éric Zemmour. En comparant la structure globale sur le positionnement politique, on observe que les amateurs de rugby se répartissent comme l’ensemble des Français, à peu de choses près : 45% de la population se situe à gauche – 48% chez les amateurs de rugby –, 55% de la population se situent à droite – 52% chez les amateurs de rugby. Les données sur la proximité partisane ainsi que sur le vote à la dernière élection présidentielle vont ainsi dans le même sens, celui d’une relative universalité du rugby entre gauche et droite, avec un léger penchant à gauche.

Les variables religieuses sont également très pertinentes à étudier. Si, dans l’ensemble de la population, 32% des Français s’intéressent au rugby, ils sont 36% chez les catholiques, 39% chez les musulmans et seulement 29% chez les personnes sans religion. Le rugby n’apparaît pas donc pas très clivant selon les religions, même s’il semble particulièrement populaire chez les catholiques pratiquants (46%). C’est plutôt celles et ceux sans religion qui s’y intéressent moins que les personnes ayant une obédience.  L’interprétation identitaire portée par certains dans la sphère politique et médiatique ne semble donc pas pertinente. La religion, voire les origines que certains peuvent y accorder ne sont pas des éléments distinctifs dans l’appréciation du rugby chez les Français.

De quelles manières se distinguent les pratiquants de rugby ?

Penchons-nous à présent sur les pratiquants de rugby, c’est-à-dire celles et ceux qui pratiquent ou ont pratiqué le rugby en équipe officielle (6% des Français), mais aussi en dehors de toute compétition (18% des Français), soit 19% de la population française. Ils se répartissent d’une façon similaire aux amateurs de rugby au regard de ce que nous avons pu déjà relever, même si des subtilités se font jour.

On observe des pratiquants encore marqués par un tropisme idéologique de gauche : ils sont trois fois plus nombreux dans les rangs des personnes ayant pratiqué du rugby en équipe (12% se disent « très à gauche », contre 4% « très à droite »). Le poids des origines familiales dans ce marquage à la gauche de la gauche joue pour beaucoup : en effet, 30% des Français ayant une personne de leur famille membre d’une équipe de rugby sont très à gauche, soit deux fois plus que ceux très à droite (14%), ce qui peut en partie s’expliquer par l’ancrage traditionnel à gauche de bon nombre de départements rugbystiques (Ariège, Landes…). Si, de façon globale, 45% des Français se positionnent à gauche, ils sont 60% chez les pratiquants de rugby. 40% des pratiquants se positionnent donc à droite, contre 55% chez l’ensemble des Français. Cela nous montre que les pratiquants de rugby sont nettement plus à gauche dans leur auto-positionnement idéologique que l’ensemble des Français.

Cependant, les autres indicateurs politiques obligent à plus de nuance. 22% des personnes proches d’un parti de gauche comme de droite ont déjà pratiqué le rugby. Notons que les sympathisants du Parti communiste se trouvent particulièrement nombreux – 29% – à l’avoir déjà pratiqué. Le chiffre tombe à 18% pour les partis d’extrême droite et 17% pour celles et ceux sans sympathie partisane.

Un crochet par la religion nous montre que ce facteur ne ressort pas comme déterminant dans la pratique. 19% des catholiques ont déjà pratiqué le rugby (mais beaucoup plus les pratiquants, 30%), 23% des musulmans, 21% des personnes sans religion. Le facteur identitaire (d’un point de vue religieux) ne s’établit donc pas, à première vue, comme un élément structurant dans la pratique du rugby.

Comment les Français consomment-ils le rugby à la télévision et dans les stades ?

Intéressons-nous à présent aux « consommateurs » de rugby, c’est-à-dire à celles et ceux qui regardent du rugby à la télévision ou dans les stades.

Pour les compétitions visionnées, nous avons inclus la Coupe du monde, le tournoi des Six-Nations, la Champions Cup ainsi que le Top 14. Au global, 28% des Français affirment regarder souvent du rugby à la télévision4Notons que ce chiffre, pouvant apparaître élevé, est en partie dû à la Coupe du monde de rugby qui a lieu au moment où l’échantillon est interrogé. 24% affirment la regarder souvent. – et c’est sur eux que nous allons nous pencher dans les prochaines lignes. Pour ceux fréquentant les stades, nous avons fait deux distinguos : d’abord sur le point de savoir si les matchs étaient amateurs ou professionnels, et ensuite si leur dernière expérience remontait à plus ou moins de trois ans.

D’une façon générale, si nous regardons l’auto-positionnement politique, nous constatons que 43% des personnes très à gauche regardent souvent du rugby, et 26% de celles et ceux très à droite. En ce qui concerne les stades de rugby, 39% des personnes très à gauche en ont déjà fréquentés (22% il y a moins de trois ans), contre 26% des individus s’affirmant très à droite (9% il y a moins de trois ans). Si, dans l’ensemble de la population, 45% des Français se positionnent à gauche, ils sont 55% chez ceux ayant déjà fréquenté un stade il y a moins de trois ans. Le rugby est donc « consommé » bien plus nettement par les personnes de gauche que par celles de droite.

Sur la localisation également, l’enquête apporte des éléments notables. Les habitants des villes-centre fréquentent plus les stades (14% ces trois dernières années) que ceux des communes rurales (7%). L’accessibilité explique probablement pour beaucoup cette différence, alors que, à la télévision, même si une distinction existe, elle est bien plus mince. Du point de vue géographique, la différence la plus importante concerne les départements rugbystiques. Si les habitants de ces départements « consomment » un peu plus de rugby à la télévision que ceux n’y vivant pas (32% contre 27% pour ceux qui regardent souvent, 42% contre 30% pour les compétitions de club), l’écart est bien plus net en ce qui concerne la fréquentation des stades. En effet, dans les départements rugbystiques, 19% de la population ont fréquenté un stade il y a moins de trois ans, contre 10% dans les autres départements. La divergence est d’autant plus marquée quand on observe ceux qui ont, au cours de leur vie, déjà fréquenté un stade amateur : 38% dans les départements rugbystiques, 20% dans ceux qui ne le sont pas. Cela montre que si le rugby est certes plus apprécié, regardé dans les départements rugbystiques, la fréquentation des stades est, elle, beaucoup plus massive. Nous pouvons concevoir ainsi le stade de rugby comme un lieu de sociabilité dans ces territoires de France, mais aussi où peut se défendre une identité locale et se partager une identité commune5Jean-Pierre Augustin et Jean-Baptiste Maudet, « Cultures rugbystiques et cultures tauromachiques : deux mondialisations partielles », Journal des anthropologues, n°120-121, 2010.. Dans ces territoires – et notamment du Sud-Ouest –, le rugby, à l’instar de la féria, reste le moyen de préserver l’identité locale et un lieu de retrouvailles.

Conclusion

Le rugby, de gauche ou de droite ? Il est – en analysant le profil des amateurs, des « consommateurs » et des pratiquants – particulièrement pratiqué à gauche et apprécié à droite. Il apparaît toutefois bien politique, tant ceux ayant des proximités partisanes sont plus impliqués dans le ballon ovale. Notons toutefois que ceux qui se positionnent très à gauche semblent plus enclins à apprécier le rugby. Sport et politique étant étroitement liés depuis de nombreuses décennies6Alfred Wahl, « Sport et politique, toute une histoire ! », Outre-Terre, vol. 8, n°3, 2004, pp. 13-20., il en est de même pour le rugby.

La symbolique qui peut être attribuée à l’équipe nationale ne doit pas être minorée. Le XV de France est pour beaucoup une source d’identification et de représentation du pays : plus qu’une équipe sportive, il constitue un vrai symbole pour les Français. La cote de sympathie de l’équipe de France tend aussi à montrer à quel point les Français aiment cette équipe, véritable motif d’union nationale.

En outre, l’identité religieuse n’apparaît pas comme un élément particulièrement déterminant dans l’appréciation du rugby en France (même si les catholiques pratiquants apparaissent plus impliqués dans le rugby). Dans certains pays, le poids des identités locales spécifiques a été très important dans la construction de l’identité nationale à travers des équipes de rugby7John Nauright, « Rugby et identité nationale en Nouvelle-Zélande », Staps, vol. 78, n°4, 2007, pp. 101-114., ce qui n’a pas été le cas en France. La prise de position de ceux qui mobilisent l’équipe nationale, notamment, comme symbole de l’identité française et d’une France catholique apparaît ainsi sans fondement. Si la France du Sud-Ouest, avec ses accents8Jérôme Fourquet, Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux, Paris, Seuil, 2021., s’impose davantage dans le rugby, le ballon ovale a largement dépassé ses frontières linguistiques des pays d’Oc. Le rugby demeure toutefois un point d’ancrage dans une identité locale du Sud-Ouest (et dans certains départements de façon plus forte encore)9Rappelons par ailleurs que le rugby n’est pas arrivé en France dans ce secteur, mais en Normandie, au Havre exactement..

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    L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 3 012 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 14 au 21 septembre 2023.
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    Philip Dine, « Corps et genre : de la masculinité au rugby », Corps, vol. 2, n°1, 2007, pp. 37-41.
  • 3
    Afin de définir les départements rugbystiques, nous avons utilisé les données issues de l’INJEP de 2020. Nous avons défini comme départements rugbystiques les 20 départements où 1% de la population ou plus avait une licence à la Fédération française de rugby.
  • 4
    Notons que ce chiffre, pouvant apparaître élevé, est en partie dû à la Coupe du monde de rugby qui a lieu au moment où l’échantillon est interrogé. 24% affirment la regarder souvent.
  • 5
    Jean-Pierre Augustin et Jean-Baptiste Maudet, « Cultures rugbystiques et cultures tauromachiques : deux mondialisations partielles », Journal des anthropologues, n°120-121, 2010.
  • 6
    Alfred Wahl, « Sport et politique, toute une histoire ! », Outre-Terre, vol. 8, n°3, 2004, pp. 13-20.
  • 7
    John Nauright, « Rugby et identité nationale en Nouvelle-Zélande », Staps, vol. 78, n°4, 2007, pp. 101-114.
  • 8
    Jérôme Fourquet, Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux, Paris, Seuil, 2021.
  • 9
    Rappelons par ailleurs que le rugby n’est pas arrivé en France dans ce secteur, mais en Normandie, au Havre exactement.

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