L’Iran dans la campagne présidentielle américaine : quelles sont les positions des candidats ? Delphine O, de Lettres Persanes, livre son analyse.
Si l’Iran est loin d’être au centre de la campagne présidentielle américaine et si ce dossier échauffe moins les esprits que lors du vote de l’accord nucléaire au Congrès américain en septembre dernier, la question iranienne ne continue pas moins de susciter des réactions ou des déclarations de la part des candidats à la Maison Blanche. Un petit tour d’horizon s’impose : que pensent – et disent – les présidentiables américains sur l’Iran ?
La semaine dernière, le (probable) candidat du Parti républicain Donald Trump s’offusquait du traitement préférentiel accordé par Barack Obama à l’Iran aux dépens d’Israël. Pour Trump, « la tendresse et l’affection » d’Obama pour l’Iran n’ont d’égal que ses rebuffades à l’encontre de l’allié israélien, une attitude doublement coupable de trahison. S’il est difficile de présager de ce que sera véritablement la politique étrangère d’un président Trump (au vu de ses innombrables déclarations contradictoires), le milliardaire n’en a pas moins qualifié cet accord de « désastreux » et n’a cessé de manifester son hostilité à toute politique d’ouverture envers l’Iran.
La favorite démocrate, Hillary Clinton, a déclaré à plusieurs reprises être favorable à l’accord nucléaire, dont elle ne semble pas vouloir contester la lettre ni bloquer la mise en œuvre. Toutefois, la candidate est connue pour ses positions réalistes et interventionnistes en matière de politique étrangère, qui lui ont valu une réputation de « faucon ». Sans qu’elle ne remette en cause les acquis de l’ouverture historique initiée par Obama, il est peu probable que l’ancienne Secrétaire d’État poursuive l’œuvre diplomatique du président en engageant des efforts supplémentaires en direction de l’Iran. Son appétit pour ce pays, dont elle a annoncé en plein débat télévisé « être fière d’être l’ennemi », et pour une remise en cause du rapport de forces régional, est indubitablement faible.
À l’inverse, le challenger démocrate Bernie Sanders est le seul candidat à s’être prononcé non seulement en soutien à l’accord, mais également à une normalisation des relations diplomatiques avec l’Iran, sur le modèle de la stratégie diplomatique de Kissinger avec la Chine dans les années 1970. Dans l’état actuel du débat public et politique américain sur l’Iran, il s’agit d’une déclaration encore plus iconoclaste qu’Obama affirmant que les États-Unis devraient « parler à leurs ennemis » lors de la campagne présidentielle de 2008. C’est – entre autres – cette position progressiste sur l’Iran qui vaut à Sanders le soutien incontesté de la communauté iranienne aux États-Unis (d’après un récent sondage, 62% des Iraniens-Américains voteraient pour Sanders dans une primaire démocrate, contre seulement 19% pour Clinton).
Alors que l’Iran conserve une place marginale dans le débat (et les intentions de vote) politique aux États-Unis, quelle est la place de la campagne présidentielle… dans le débat public iranien ? Comme dans de très nombreux pays, en Europe ou au Moyen-Orient, la course à la présidence est suivie de très près. Mais encore plus qu’ailleurs, les Iraniens se soucient de l’identité de l’occupant de la Maison Blanche car l’avenir de l’accord nucléaire dépendra de l’orientation politique de la prochaine administration. Les médias et les soutiens des réformateurs, à l’image de la diaspora iranienne en France, sont majoritairement en faveur de Bernie Sanders. À l’inverse, Hossein Shariatmadari, le rédacteur en chef du principal journal ultraconservateur Keyhan, s’est pris à louer le candidat Trump pour son projet de « mettre en pièces » l’accord nucléaire. Le magazine réformiste Seda n’a pas hésité pour sa part à réunir les deux politiciens populistes, Mahmoud Ahmadinejad et Donald Trump, pour une couverture en forme de postiche – la comparaison étant évidemment tout sauf flatteuse pour Trump. Plus étonnant enfin, cette déclaration de Nasser Hadian, un universitaire iranien proche de Zarif et ancien chercheur à Harvard, qui estime que Trump serait le meilleur candidat pour l’Iran… « car il serait incapable de reformer un front occidental anti-Iran avec les Européens, tant ceux-ci le détestent », tout en reconnaissant que « le risque de guerre n’est pas à négliger » avec Trump.
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