L’inégalité politique en démocratie

Incompétence, impuissance, immoralité, autant de qualificatifs utilisés pour révéler le décalage existant entre les représentants et les représentés. Cet Essai de Béligh et Hamdi Nabli donne des pistes pour comprendre cette défiance et y répondre.

Une figure de l’élite politique : le représentant national
La philosophie de la démocratie représentative et la théorie de l’élitisme politique postulent la sélectivité, pas seulement électorale, de la fonction de « représentant-gouvernant ». Avec le glissement de la « représentation-mandat » à la « représentation nationale », la bourgeoisie (revendicatrice) s’est accaparée le concept de représentation pour l’articuler avec le mythe de la Nation et l’inscrire dans un discours de légitimation du pouvoir par une élite élue. Un tel discours se fonde notamment sur les théories contractualistes des XVIIe et XVIIIe siècles.
Pourtant, l’exercice du pouvoir ne peut être assumé de manière spécialisée et efficace que par une ou plusieurs élites. Selon les néo-machiavéliens italiens – Pareto, Michels et Mosca –, la démocratie tend naturellement à l’oligarchie. D’ailleurs, les prévisions pessimistes, ou du moins cycliques, de la théorie élitiste italienne se voient comme confirmées : les progrès formels de l’égalité politique contrastent avec la crise de représentativité réelle de la représentation nationale.

Représentants de la Nation et représentation de la société
Le déficit de représentativité politique et sociologique des élus nationaux nourrit la montée en puissance de l’exigence de « ressemblance » entre représentants et représentés. Avec près de quarante nouveaux députés élus, les résultats des élections législatives de juin 2012 semblaient amorcer un renouvellement générationnel avec un progrès de la parité et l’entrée « en force » de la diversité. En réalité, la morphologie du corps législatif demeure décalée par rapport à la société (prééminence de l’homme blanc, sous-représentation des jeunes, des femmes, de la diversité visible et de nombreuses catégories professionnelles). Une forme de distribution sociale inégalitaire des mandats politiques continue de s’opérer en fonction des origines sociales, de l’âge, du sexe, etc. Une élite sociale exerce une véritable emprise sur les mandats électifs. En réaction, une politiké de la ressemblance tend à se substituer à la politiké de la représentation. Un équilibre entre les deux logiques est nécessaire en vue de démocratiser la démocratie.

Pour une démocratisation de la démocratie
La « démocratisation de la démocratie » suppose le renforcement de la représentativité (politique et sociologique) de la représentation nationale, d’une part ; l’amélioration des modalités de la participation politique au-delà du jeu électoral, d’autre part.
Le premier axe suppose notamment : de modifier le mode de scrutin aux élections législatives en vue d’instiller une dose de proportionnelle pour les élections législatives, avec l’institution d’une réserve de 20 % des sièges ; de combiner une interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat d’exécutif local dès (les élections municipales de) 2014 avec une interdiction du cumul des mandats dans le temps (deux mandats parlementaires successifs au maximum) ; d’instituer un âge maximal pour se présenter à un mandat parlementaire sur la base de l’âge limite du départ à la retraite (70 ans).
Le second axe de la démocratisation s’inscrit au-delà de la sphère électorale représentative. La crise de la « représentation politique » entendue comme une crise des institutions représentatives classiques donne lieu à des expériences nouvelles à travers des modes de participation non-électorale (modèle participatif et délibératif, procédure de question prioritaire de constitutionnalité, droit de pétition, tirage au sort, jurys citoyens, etc.) qu’il convient de perfectionner dans la perspective d’une « République des citoyens ».

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