Liberté des mœurs, égalité des droits

Autrefois pionnière dans l’avancée vers l’égalité des droits, la France est aujourd’hui distancée par ses voisins. Gilles Bon-Maury plaide pour un retour aux principes fondamentaux républicains, liberté et égalité : lesbiennes, gays, bis et trans doivent rejoindre le droit commun. 2012 doit être, pour tous, l’année de l’égalité des droits.

Autrefois pionnière dans l’avancée vers l’égalité des droits, la France se trouve aujourd’hui distancée par ses voisins. Des discriminations très lourdes continuent d’y peser sur les personnes lesbiennes, gays, bis ou trans (LGBT). Plus encore, les personnes LGBT peuvent sembler constituer une catégorie juridique à part, tant le traitement qui leur est réservé peut parfois s’écarter du droit commun. Dénonçant le caractère inacceptable d’une politique qui stigmatise et qui exclut, Gilles Bon-Maury, président de HES (Homosexualités et Socialisme), plaide pour un retour aux fondamentaux républicains, aux principes de liberté et d’égalité indispensables à la cohésion de notre pays. Il s’agit de lutter contre le double écueil de l’obscurantisme – qui voit dans l’homosexualité une perversion – et du communautarisme, qui marginalise. A l’opposé de toute démarche spécifique, les militants LGBT souhaitent que les mêmes règles s’appliquent à tous. Tel est le combat dans lequel la gauche s’est engagée depuis trente ans.
Dans la marche pour les droits des personnes LGBT, on peut distinguer trois étapes. D’abord, celle la protection des libertés individuelles, premier objectif du mouvement LGBT. La dépénalisation de l’homosexualité – considérée comme un délit jusqu’en 1982 – par François Mitterrand a été une première victoire. Ce combat doit cependant se poursuivre notamment hors des frontières françaises. Si l’homosexualité n’est pas un crime, elle n’est pas non plus une maladie : le combat se mène aussi sur le front de la « dépsychiatrisation », y compris en ce qui concerne l’identité de genre. La seconde avancée majeure fut la pénalisation de l’homophobie. Mais si la législation a progressé, il n’existe plus, depuis la fermeture de la Halde par Nicolas Sarkozy, d’instrument spécifiquement destiné à faire appliquer la loi en ce domaine. Or le harcèlement et les violences à l’encontre des personnes LGBT sont largement répandus dans toute l’Union européenne. Ce constat appelle une réponse politique : au lieu de cela, certains élus de droite se font le relais de « l’homophobie ordinaire ». Il faut renforcer l’efficacité judiciaire de la pénalisation des propos homophobes et lutter contre les agressions dont sont de plus en plus victimes les personnes LGBT. Le changement passe aussi par une action de sensibilisation, notamment auprès des jeunes et dans le monde sportif.
La seconde étape est celle de la protection des couples de même sexe. La reconnaissance de leurs droits ne s’arrête pas au Pacs – qui doit être encore amélioré. Les socialistes sont favorables à l’ouverture du mariage à tous les couples, sans discrimination. Etant entendu que la majorité des enfants naissent aujourd’hui hors mariage, l’argument qui consiste à en faire « l’institution qui permet d’avoir des enfants » n’a aucune valeur. Sur cette question, la France est à la traîne par rapport aux autres pays européens. Et si l’ouverture du mariage n’est pas le cheval de bataille du militantisme LGBT, qui y voit parfois le dernier vestige d’une société bourgeoise patriarcale, elle répond toutefois à un objectif d’égalité. Au delà de la dimension symbolique, par ailleurs incontournable pour faire évoluer l’opinion, c’est aussi le droit de la famille pour les personnes LGBT qui est en jeu à travers cette question du mariage.
Enfin, troisième étape, après la protection des individus et la protection des couples, vient la protection des familles LGBT avec la reconnaissance des liens de filiation qui unissent un enfant et ses parents de même sexe. Le droit français, qui promeut encore un modèle familial répondant à l’adage « un père, une mère, pas un de plus, pas un de moins », alors même que les cadres traditionnels de la famille se sont profondément transformés, doit évoluer. La famille est aujourd’hui davantage le résultat d’un projet, d’une volonté de faire famille, qu’une cellule biologique. Le débat pour ou contre l’homoparentalité est caduc : les familles homoparentales existent. La question posée à la société n’est pas celle de leur existence, mais celle de leur reconnaissance et de leur protection. Dans l’intérêt de l’enfant, le droit doit évoluer en ce sens : il s’agit d’abord de protéger les liens qui unissent l’enfant et les adultes qui l’élèvent, mais aussi d’ouvrir l’adoption conjointe à tous les couples et enfin d’ouvrir la procréation assistée et la gestation pour autrui, en encadrant ces procédures, à tout adulte, homme ou femme, seul ou en couple, homosexuel ou hétérosexuel, s’engageant à travers un projet familial.
Le fil rouge de cette marche pour l’égalité des droits demeure le principe républicain et la volonté que les personnes LGBT sortent de la catégorie juridique dans laquelle le code civil français les enferme et rejoignent le droit commun.

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