Alors que l’élection de Donald Trump marque une nouvelle étape dans la guerre commerciale et technologique entre la Chine et les États-Unis, l’Europe est confrontée au risque de l’effacement. Pour préserver son rôle de puissance entre ces deux blocs, elle doit donc entamer un tournant décisif en renforçant ses efforts en matière de reconstruction des filières stratégiques. Après un état des lieux sans concessions de la situation de l’industrie européenne, Louis-Samuel Pilcer, Anaïs Voy-Gillis et Dimitri Zurstrassen formulent des propositions concrètes pour que le continent retrouve sa souveraineté en la matière.
Les 11 propositions
Proposition 1
Clarifier le rôle de l’Union européenne en matière de politique industrielle et développer une stratégie européenne coordonnée en matière de politique industrielle au service de l’autonomie stratégique et de la transition écologique.
Proposition 2
Définir une feuille de route européenne précise de réduction de nos dépendances sur une liste de filières prioritaires pour notre souveraineté industrielle passant par un soutien public et des mesures de réciprocité commerciale.
Proposition 3
Se doter d’autres objectifs que celui d’une production correspondant à 40% des besoins de l’Union sur les technologies du Net-Zero Industry Act en intégrant des objectifs intermédiaires, tels que la mobilisation d’investissements privés en faveur de la transition écologique.
Proposition 4
Remplacer le TCTF par un instrument pérenne permettant aux États membres de soutenir les investissements industriels sur une liste restreinte de filières stratégiques.
Proposition 5
Renforcer les financements accordés par la Commission européenne dans le cadre des PIIEC.
Proposition 6
Exclure les investissements publics de soutien à la reconstruction de filières critiques du calcul du déficit public considéré pour l’application des règles budgétaires européennes.
Proposition 7
Poursuivre la simplification du cadre des PIIEC afin de permettre leur approbation par la Commission sous trois à six mois, contre onze à quatorze mois aujourd’hui.
Proposition 8
Permettre le soutien à des investissements industriels non innovants dans le cadre des PIIEC, pour les projets s’inscrivant sur des filières identifiées comme critiques.
Proposition 9
Étendre le MACF afin de limiter l’impact de celui-ci en aval des chaînes de valeur stratégiques, tout en réalisant cette extension dans un calendrier permettant la reconstruction de filières européennes.
Proposition 10
Déployer de façon ciblée des mesures de défense commerciale sur les secteurs stratégiques impactés par les pratiques de concurrence déloyale (chimie, médicaments, industries de la transition écologique…), à l’image de ce qui a été fait pour l’industrie automobile, et coordonner ces mesures de défense commerciale avec des mesures de politique industrielle ambitieuses pour reconstruire des filières européennes.
Proposition 11
Faire de la commande publique européenne un véritable levier via la mise en place d’un Buy European and Sustainable Act pour favoriser l’émergence de filières bas carbone avec une déclinaison des objectifs européens à l’échelle nationale. Subventionner en partie à l’aide de fonds européens la différence de coûts entre une offre largement mieux-disante sur le plan environnemental et l’offre la moins chère d’un marché public.
Table des matières
Introduction
Le renouveau de la politique industrielle européenne
Les politiques industrielles, longtemps un angle mort de la construction européenne
Un changement de paradigme sous la pression de l’urgence écologique et du renforcement des tensions géopolitiques
Un nécessaire renforcement du rôle de l’Union européenne en matière de politiques industrielles
Vers une réforme de la réglementation des aides d’État et un renforcement des vecteurs de financement européens
Un volet industriel du Pacte vert pour maîtriser les technologies de la transition écologique
Un instrument de financement à élaborer pour permettre la maîtrise européenne des industries essentielles pour la transition écologique et notre souveraineté
Des efforts de réindustrialisation à coordonner par le biais de grands projets industriels d’envergure européenne
Le nécessaire alignement entre les ambitions industrielles de l’Union européenne et ses politiques commerciales
Le MACF ou une taxe carbone en demi-teinte
L’émergence de mesures anti-dumping et antisubventions et de la volonté de faire de la réciprocité une nouvelle norme des échanges internationaux
Conclusion
Les auteurs :
Louis-Samuel Pilcer est haut fonctionnaire et enseignant en économie à Sciences Po et à l’École polytechnique. Il est membre de l’Observatoire de l’économie de la FondationJean-Jaurès.
Anaïs Voy-Gillis est docteure en géographie de l’Institut français de géopolitique et chercheuse associée à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Poitiers.
Dimitri Zurstrassen est docteur en histoire de Sorbonne Université et l’Université catholique de Louvain. Il est actuellement analyste politique et chercheur au Luiss Hub for New Industrial Policy and Economic Governance (LUHNIP) à Rome.