Si aujourd’hui, plus de 50 % des hommes habitent dans des villes, il reste toujours difficile de dégager une expérience universelle de l’urbanisation, qui affecte très différemment les régions du globe, bénéficiant à certaines, en marginalisant d’autres. Eric Maulin revient sur ce phénomène qui semble échapper en grande partie au contrôle des Etats.
Synthèse
En 1950, il y avait 83 villes de plus d’un million d’habitants. En 2011, 500 villes comptent plus d’un million d’habitants et 23 d’entre elles en comptent plus de dix millions. Ces chiffres sont cependant loin de rendre compte du phénomène très hétérogène de l’urbanisation. Celle-ci favorise l’interconnexion de métropoles, mais elle produit aussi des effets délétères dans les pays pauvres, comme d’immenses bidonvilles.
Ce phénomène de « mégapolisation » doit être bien distingué de celui de « métropolisation ». La mégapole est une ville qui s’impose en raison de son poids démographique, tandis que la métropole est une ville qui s’affirme en raison de son dynamisme économique et de sa capacité à s’insérer dans de multiples réseaux.
La mondialisation altère la souveraineté des Etats en favorisant une compétition directe entre les grandes villes. Il en ressort une nouvelle géographie de la richesse et de la pauvreté, qui se déploie selon un axe de la centralité et de la marginalité.
L’émergence de « villes-monde » est au cœur de la construction de cette nouvelle « géographie de la richesse ». Selon Fernand Braudel, la mondialisation confère à la « ville-monde » une puissance planétaire.
Depuis les années 1980, la globalisation de l’activité économique a produit un nouveau type de structures organisationnelles. Certaines villes, bien implantées au centre de multiples réseaux, parviennent à attirer à elles les centres de commandement politique, économique, financier, culturel, universitaire. En outre, la « ville-monde » participe à la déterritorialisation des flux qui, selon Gilles Deleuze, est l’une des marques de l’hypermodernité.
Ces villes exercent un véritable magnétisme et rayonnent par-dessus les Etats. Mais la mondialisation exclut une grande partie de la population mondiale de l’accès aux réseaux et aux lieux qui comptent dans l’organisation du monde.
La sociologue Saskia Sassen, dans son ouvrage The Global City: New York, London, Tokyo, met en évidence un paradoxe : le développement des nouvelles technologies de la communication n’a pas produit une déconcentration des activités et un exode urbain en direction des campagnes réinvesties. Pour quelle raison ? Pour y répondre, le géographe français Olivier Dollfus a inventé le concept d’« archipel mégalopolitain mondial » (AMM). C’est dans les villes de l’AMM que se concentre l’essentiel de l’innovation et de la culture. De plus les villes de l’AMM forment une dynamique par laquelle les centres de production et de consommation des services avancés sont reliés au sein d’un réseau global, tandis que leurs relations avec l’arrière-pays se réduisent simultanément.
Le réseau a une connotation élitiste et plusieurs auteurs ont montré la montée en puissance d’une superclasse mondiale, qui détient l’essentiel de la richesse et du pouvoir. Aujourd’hui, 10 % de la population détient 85 % de la richesse mondiale.