Influencés par les codes esthétiques véhiculés par les réseaux sociaux, les jeunes d’aujourd’hui seraient beaucoup plus sensibles et surtout plus attentifs à leur apparence. À partir des résultats d’une enquête auprès des 18-25 ans, Adélaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA, et Christelle Craplet, directrice opinion, s’attachent à faire la part du mythe et de la réalité.
Enquête BVA pour la Fondation Jean-Jaurès, réalisée par Internet du 14 au 25 septembre 2023. 1005 jeunes de 18 à 25 ans ont répondu à l’enquête.
La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, profession de la personne de référence du ménage et de la personne interrogée, région et catégorie d’agglomération.
Si 57% des Français fréquentent quotidiennement les réseaux sociaux, ce chiffre monte à 83% chez les 15-24 ans1Source Médiamétrie, février 2023.. Dans le top trois de leurs réseaux préférés : Instagram, Snapchat et TikTok. Soit des réseaux qui font la part belle à l’image, via les photos et vidéos qui circulent dans les stories et autres canaux de discussion. Parents et enseignants constatent, souvent impuissants, – et parfois condamnent voire tentent d’inverser – cet état de fait. Ils déplorent bien souvent l’influence néfaste de ces nouveaux outils sur les jeunes, qu’il s’agisse de leurs centres d’intérêt, de leur culture générale (surtout lorsque l’on sait que les réseaux sociaux constituent le mode d’information privilégié par les plus jeunes) mais aussi de leur sommeil ou encore de leur santé mentale. Par les images qu’ils véhiculent en permanence, qui travestissent parfois la réalité à grand renfort de filtres et surtout de mise en scène de soi, les réseaux sociaux véhiculeraient de nouveaux codes esthétiques aux conséquences inévitables et potentiellement négatives pour ceux qui y sont exposés. Quoi qu’il en soit, les jeunes d’aujourd’hui seraient notamment beaucoup plus sensibles et surtout plus attentifs à leur apparence – pour ne pas dire obsédés par celle-ci. Alors, mythe ou réalité ?
Une société plus favorable à l’affirmation des différences et des codes de moins en moins genrés
Parmi les jeunes de 18 à 25 ans interrogés par BVA, 1 sur 2 (50%) estime qu’aujourd’hui, il est plus facile d’affirmer ses différences par rapport aux précédentes générations, quand 31% jugent au contraire que c’est plus difficile et 17% ne voient pas d’évolution majeure à souligner. Globalement, les jeunes semblent donc considérer que la société actuelle est plus inclusive et tient davantage compte des minorités, un sujet qui leur tient particulièrement à cœur comme le montrait une étude BVA réalisée en décembre 20212Étude BVA réalisée par internet du 2 au 13 décembre 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 1205 jeunes âgés de 15 à 30 ans. : la moitié des 15-30 ans déclaraient ainsi être particulièrement sensibles aux discriminations liées à l’apparence (grossophobie, style vestimentaire…), au handicap ou à l’origine, de façon bien plus marquée que la moyenne des Français.
Ce constat, même s’il n’est pas partagé unanimement par les jeunes, n’est guère différent selon le profil des interviewés : quels que soient la catégorie sociale, le genre ou le lieu de résidence, on retrouve à chaque fois une moitié de jeunes considérant que la société actuelle accueille plus favorablement les différences.
Cette prise en compte des particularités de chacun – ou son corollaire, la revendication d’un certain naturel que l’on ne cherche pas nécessairement à masquer – s’observe également dans les « rituels beauté » des jeunes, beaucoup moins systématiques qu’on ne pourrait l’imaginer. Si la moitié d’entre eux déclarent se parfumer tous les matins (50%), ils ne sont que 36% à indiquer porter des bijoux de façon systématique, 29% à assortir leur tenue de la tête au pied et 17% à se coiffer de manière élaborée tous les jours. D’autres pratiques que l’on pourrait penser plus répandues sont en fait relativement marginales, comme le maquillage : 1 jeune sur 2 (49%) déclare ainsi ne jamais se maquiller ! 33% le font de façon occasionnelle et seulement 18% de façon systématique. Même chose pour le vernis (54% n’en portent jamais, 8% seulement de façon systématique).
Ces résultats sont bien sûr à relier au genre du répondant, mais là aussi l’étude réserve quelques surprises. Si 13% seulement des jeunes femmes ne se maquillent jamais, elles ne sont que 32% à le faire de façon quotidienne, cette pratique étant avant tout occasionnelle pour elles. À l’inverse, on aurait tort de croire que les jeunes hommes ne se maquillent jamais : 1 sur 7 – ce n’est pas rien ! – le fait parfois (14%) dont même 4% qui le font de façon quotidienne. Même chose pour le vernis à ongles ou les faux ongles. La majorité des jeunes hommes déclarent également porter des bijoux, dont 14% tous les jours. 72% se coiffent de manière élaborée (dont 24% tous les jours) et 86% se parfument.
Même si des différences fortes existent sur le sujet, traduisant encore des fonctionnements assez genrés, on observe ainsi une sorte de porosité des pratiques entre jeunes femmes et jeunes hommes, probablement permise par cette ouverture perçue de la société à l’affirmation des différences.
« Différent oui, mais stylé ! »
Pour autant, on aurait tort de croire que les 18-25 ans sont aujourd’hui totalement affranchis de toute pression sociale. Cette dernière semble en revanche se concentrer autour d’un nouvel impératif peut-être plus complexe car plus difficile à définir de manière objective : le « style ». En d’autres termes, il serait aujourd’hui plus facile d’affirmer sa différence… mais à condition de soigner malgré tout son apparence en étant « stylé », en se distinguant ou en faisant mouche auprès de ses pairs. N’est-ce pas là une pression encore plus insidieuse ?
C’est ce que semblent nous dire les jeunes dans cette enquête : seuls 31% estiment qu’il est aujourd’hui plus facile pour les jeunes que pour les précédentes générations d’être accepté quelle que soit son apparence. 21% ne perçoivent pas de différence, mais presqu’un jeune sur deux (47%) estime que c’est plus difficile qu’avant.
Un constat partagé de façon relativement similaire par les jeunes hommes (44%) et les jeunes femmes (49%), ou encore par les actifs (48%) et les étudiants (44%). En revanche, une nette différence s’observe selon le lieu de résidence : les jeunes habitant en Île-de-France ne sont que 36% à considérer que c’est plus difficile – la même proportion estimant que c’est plus facile. À l’inverse, ceux qui vivent en province sont beaucoup plus nombreux à pointer des difficultés plus fortes aujourd’hui (50%), Paris et sa région semblant davantage accepter tous les physiques ou tous les styles.
Dès lors, quelle relation les jeunes entretiennent-ils avec leur apparence ? Sont-ils détachés ou y accordent-ils une forte attention ? À cette question, les jeunes répondent de façon quasi unanime qu’ils y attachent de l’importance (85%). Les jeunes femmes sont très nombreuses à répondre par l’affirmative (89%) mais les jeunes hommes sont loin d’être en reste (80%). Notons qu’en dépit d’une acceptation apparemment plus importante en Île-de-France, les jeunes prêtent autant d’attention à leur apparence qu’ils soient franciliens (84%) ou qu’ils résident en province (85%), l’attachement est le même.
Cette attention semble s’être accrue avec le temps. C’est du moins ce que nous disent 63% des répondants, pour qui les jeunes d’aujourd’hui accordent plus d’importance que leurs aînés à ce sujet. Pour le coup, les jeunes femmes se distinguent nettement des jeunes hommes dans ce constat : si les seconds sont une majorité à le percevoir (55%), ce sont 72% des premières qui le mettent en avant, comme si la pression s’était surtout concentrée sur les jeunes femmes au fil des ans.
Pour autant, dans les faits, jeunes femmes comme jeunes hommes sont tout aussi nombreux à prendre du temps le matin pour se préparer. Elles mettent 11 minutes en moyenne à choisir leur tenue, contre 9 minutes pour les jeunes hommes. Au total, ce sont même près de 4 jeunes sur 10 (39%) qui déclarent mettre plus de 10 minutes à choisir leur tenue (sans compter ensuite le temps passé à se préparer, se laver, etc.) !
Le « style » ou comment s’affranchir des marques… mais pas du diktat des tendances
Mais alors, avoir du style, qu’est-ce que cela signifie ? Assurément, cela ne se résume pas à porter des marques. Ainsi, les jeunes se montrent assez détachés à l’égard de ces dernières : seuls 40% déclarent que c’est important pour eux de porter des vêtements ou des chaussures de marques, dont seulement 9% « très important ». À l’inverse, 59% affichent leur détachement, dont 20% qui l’affirment avec véhémence en déclarant n’y accorder « pas du tout » d’importance.
Notons toutefois que tous les jeunes ne dédaignent pas d’une seule voix les marques, certains s’y montrant nettement plus attachés. C’est – clairement – le cas des jeunes hommes par rapport aux jeunes femmes, sans doute en raison du poids des marques de sport chez eux : 50% d’entre eux indiquent faire attention aux marques, contre seulement 30% des jeunes femmes. Dans un contexte de forte inflation, le rapport aux marques est également très lié au niveau social du répondant : ainsi, les jeunes cadres (59%) et ceux disposant des revenus plus confortables (49%) y accordent beaucoup plus d’importance qu’en moyenne. Pour certains, le détachement s’explique donc aussi par des questions financières.
Si les jeunes ne font pas des marques une condition sine qua non de leur recherche de style, le fait d’être en ligne avec les tendances du moment leur apparaît en revanche un pré-requis significatif : 54% indiquent suivre la mode en matière vestimentaire et ce aussi bien chez les jeunes femmes (55%) que chez les jeunes hommes (53%). On peut donc être à la mode sans marque, mais on ne saurait s’affranchir de manière trop forte des tendances du moment, qui dictent encore à beaucoup de jeunes la manière de se vêtir.
D’ailleurs, une proportion non négligeable d’entre eux font attention à avoir une tenue neuve de la tête aux pieds le jour de la rentrée (48%). Une préoccupation qui augmente avec l’âge et est plus présente quand on rentre dans le monde du travail, puisque 52% des actifs y accordent de l’importance contre 44% des étudiants.
Les jeunes sont donc particulièrement attentifs au style et aux tendances du moment, mais pas forcément aux marques. Dès lors, qui dicte les tendances ? À quel point les réseaux sociaux s’imposent-ils comme prescripteurs de ce qu’il faut porter ?
Les réseaux sociaux, une machine à complexes ?
Interrogés sur ce que leur inspire le plus souvent les réseaux sociaux, en particulier les photos qu’ils peuvent y voir, que ce soit sur les comptes de leur entourage ou de personnes connues, les jeunes apportent à première vue une réponse « rassurante ». Ils sont en effet plus de la moitié à évoquer des sentiments positifs (54%), quand 32% font état d’une certaine indifférence et 28% « seulement » de sentiments négatifs.
Mais arrêtons-nous un instant sur ces chiffres. Certes, les réseaux sociaux inspirent aux jeunes près de deux fois moins de sentiments négatifs que de sentiments positifs (28% vs 54%). Mais peut-on vraiment se satisfaire du fait que près d’un jeune sur trois convoque des éléments négatifs lorsqu’on lui demande ce que lui inspire ce qu’il voit sur les réseaux sociaux qu’il fréquente plusieurs heures chaque jour ? Surtout que les sentiments générés interpellent : quand on regarde les résultats dans le détail, 17% des jeunes déclarent que les photos vues sur les réseaux provoquent chez eux des complexes voire un sentiment d’infériorité tandis que près d’un jeune sur dix (9%) déclare ressentir de la jalousie. 6% répondent que cela leur inspire du mépris, sans que l’on sache si c’est finalement une mauvaise ou une bonne chose car le mépris peut témoigner d’une certaine mise à distance et donc d’une réaction plutôt saine.
A contrario, les sentiments plus positifs qu’inspirent aux jeunes les réseaux sociaux et les photos qu’ils y voient peuvent être questionnés. Près de quatre jeunes sur dix (36%) répondent que les réseaux sociaux sont une « source d’inspiration », qu’ils leur donnent « des idées ». 16% déclarent qu’ils sont source de « rêve » et 15% qu’ils suscitent chez eux de « l’admiration ». Ces sentiments sont-ils si positifs que cela ? L’admiration est-elle vraiment préférable au mépris ? S’agit-il de sentiments vertueux ? Il est compréhensible que les réseaux sociaux constituent une source d’inspiration constante et inépuisable pour les jeunes, et ce de façon très large et pas seulement en ce qui concerne des questions vestimentaires, d’outfit3Outfit, de l’anglais « tenue », terme utilisé par les moins de 25 ans pour désigner ce que leurs parents qualifieraient de « look » ou d’apparence.. On peut être inspiré par un jeune influenceur qui partage son dernier coup de cœur littéraire, par une foodista qui partage ses recettes ou adresses de resto préférées, par un militant qui partage une cause qui lui tient à cœur. Mais ce sont ces mêmes images qui suscitent chez près de deux jeunes sur dix de l’admiration… et de l’admiration à l’envie ou la jalousie, il n’y a qu’un pas. Et ce sont ces mêmes images « inspirantes » qui peuvent faire passer sa propre vie pour insipide, son propre physique pour terne voire disgracieux, et nourrir un sentiment d’infériorité et générer des complexes.
Élément frappant : les jeunes femmes apparaissent plus vulnérables et plus enclines à développer ces sentiments. Elles sont plus nombreuses que les jeunes hommes à déclarer ressentir des sentiments positifs (61% contre 47%) mais elles sont surtout plus nombreuses à ressentir des sentiments négatifs (38% contre 18% seulement pour les jeunes hommes, soit 20 points de plus). Et très concrètement, c’est plus d’un quart des jeunes femmes qui déclarent que les réseaux sociaux font naître chez elles des complexes, voire un sentiment d’infériorité (27% contre 8% « seulement » des jeunes hommes). L’envie et la jalousie sont aussi des sentiments plus présents chez les jeunes femmes (13% contre 5% des jeunes hommes seulement).
On observe assez peu d’écarts significatifs liés à l’âge des répondants. Seule différence notable : les réseaux sociaux génèrent davantage de complexes chez les jeunes de 22 à 25 ans que chez les 18-21 ans (21% contre 14%), battant en brèche l’idée selon laquelle en vieillissant, on prend plus de recul vis-à-vis de ce que l’on voit sur les réseaux sociaux.
En revanche, on note des différences d’ordre socio-professionnel. Les sentiments négatifs générés par les réseaux sociaux sont plus présents chez les jeunes CSP+ (40%) que chez les CSP- (30%, soit 10 points de moins), et notamment chez les jeunes cadres (47%). Les complexes et sentiments d’infériorité sont beaucoup plus présents chez eux (28% chez les jeunes cadres, soit 11 points de plus que la moyenne), alors qu’ils sont au contraire très en retrait chez les jeunes ouvriers (7% seulement). Mais il faut également souligner que les sentiments positifs générés par les réseaux sociaux sont également plus marqués chez les jeunes cadres (56% vs 45% chez les jeunes ouvriers). Difficile d’expliquer cette sensibilité plus grande aux réseaux sociaux si ce n’est par un différentiel de fréquentation : 14% des jeunes ouvriers déclarent ne jamais fréquenter les réseaux sociaux contre 3% seulement des jeunes cadres. On observe le même phénomène avec le niveau de diplôme : les sentiments générés par les réseaux sociaux, qu’ils soient positifs ou négatifs, semblent exacerbés par le niveau de diplôme (schématiquement, plus on est diplômé, plus l’on ressent de sentiments positifs ou négatifs), en lien avec une fréquentation plus importante. 5% seulement des jeunes ayant un niveau supérieur ou égal à bac+2 déclarent ne jamais fréquenter les réseaux sociaux, contre 17% de ceux ayant un niveau d’études inférieur au bac (et parmi eux 24% de ceux ayant un CAP ou un BEP).
Enfin, dernier élément notable dans l’analyse de ces résultats : les réseaux sociaux suscitent nettement plus de sentiments négatifs chez les jeunes qui se déclarent mal dans leur peau (52% vs 21% seulement chez les jeunes qui se déclarent globalement bien dans leur peau). Ils sont notamment quatre sur dix à déclarer que les images qu’ils voient sur les réseaux sociaux font naître chez eux des complexes, voire un sentiment d’infériorité (40% contre 11% seulement des jeunes qui se disent bien dans leur peau). Ils sont aussi 17% à ressentir de la jalousie face à ces images, soit 10 points de plus que les jeunes bien dans leur peau. Où est la poule et où est l’œuf ? On peut a minima émettre l’hypothèse d’un cercle vicieux, les réseaux sociaux n’aidant sans doute pas à se sentir mieux dans sa peau.
L’influence des réseaux sociaux sur les jeunes et leur perception de leur propre apparence est telle que près d’un jeune de 18 à 25 ans sur deux admet vouloir perdre du poids après avoir vu de jolies photos de personnes de son entourage ou de stars / d’influenceurs sur les réseaux sociaux. Ils sont en effet 47% à déclarer qu’il leur arrive de faire très attention à ce qu’ils mangent ou à faire beaucoup de sport dans l’optique de perdre du poids, après avoir été exposés à de telles images sur les réseaux sociaux. Si les jeunes femmes semblent un peu plus enclines que les jeunes hommes à vouloir maigrir, le différentiel est cette fois assez faible (49% contre 44% des jeunes hommes). En revanche, on retrouve cette plus grande sensibilité des jeunes cadres aux réseaux sociaux (qui se double peut-être d’une plus grande sensibilité à la minceur de manière générale) car ils sont 59% à répondre par l’affirmative à cette question.
Enfin, plus de deux jeunes sur 10 reconnaissent qu’ils pourraient même se tourner vers la chirurgie esthétique dans les années à venir (ou qu’ils s’y sont déjà tournés). Une part plus importante de jeunes femmes font cette confession (24% contre 18% tout de même des jeunes hommes). Tout comme une proportion nettement plus importante de jeunes cadres (40%).
Une demande de répit ?
Si la société semble plus ouverte à l’affirmation des différences, pour autant, les jeunes peinent à se sentir réellement bien dans leur peau. En apparence, tout semble aller bien puisque ce sont les trois quarts des jeunes interrogés (77%) qui répondent oui à la question « Globalement, diriez-vous que vous êtes bien dans votre peau ? ». Mais dans le détail, moins d’un quart d’entre eux affirment être « tout à fait » à l’aise dans leur peau (24%). Et 22% affirment même être mal dans leur peau. Les jeunes femmes sont presque deux fois plus nombreuses à exprimer ce mal-être que les jeunes hommes (29% contre 16%). On a vu précédemment qu’elles étaient globalement plus vulnérables et sensibles aux réseaux sociaux qui contribuent probablement à ce mal-être puisqu’ils suscitent complexes et sentiment d’infériorité.
Ce malaise et le manque de confiance en soi qui en découle constituent-t-ils la potentielle cause d’une séduction plus complexe ? En tout état de cause, on observe que malgré l’essor de nombreuses solutions, notamment digitales, les jeunes d’aujourd’hui sont une majorité relative à considérer que, par rapport aux précédentes générations, il est plus difficile pour les jeunes de séduire : ils sont en effet 37% à le penser contre 27% seulement qui pensent que c’est plus facile (35% estimant que ce n’est plus facile ni plus difficile). Ce constat apparaît d’autant plus marqué chez les jeunes hommes qui sont 42% à estimer qu’il est plus difficile de séduire aujourd’hui que pour leurs aînés, soit 10 points de plus que les jeunes femmes (32%). L’ère post-#MeToo n’est sans doute pas étrangère à ce sentiment et témoigne d’un malaise grandissant chez les jeunes hommes.
La période n’est donc pas simple. Elle recèle de nombreuses contradictions, entre d’un côté apparente liberté et supposée plus grande affirmation des différences et, de l’autre côté, poids des normes sociales véhiculées par les réseaux sociaux, qui donnent aux jeunes le sentiment qu’il est difficile d’être accepté quelle que soit son apparence et les oblige à y accorder plus d’importance. Ces mêmes réseaux sociaux placent par ailleurs chacun sous la surveillance de tous, en permanence. On comprend aisément qu’il ne soit pas évident pour les jeunes de naviguer et d’avancer sereinement sur cette ligne de crête.
Dans ce contexte, un dernier élément de cette enquête nous interpelle : près de deux tiers des jeunes se montrent favorables au port de l’uniforme dans le monde scolaire (64%), autant les jeunes femmes que les jeunes hommes. Et il est à noter que cette adhésion est majoritaire à gauche, comme à droite, même si les jeunes proches de la droite et de l’extrême droite sont plus nombreux à s’y montrer favorables. Ces résultats sont, étonnamment, dans la lignée de ce que l’on mesure pour l’ensemble des Français, y compris leurs aînés. Alors, réac’ les jeunes ? C’est surtout selon nous l’expression d’un signal d’alarme plus que d’une envie réelle. Dans cette société de l’image qui les met en permanence sous pression, l’uniforme est peut-être vu comme la possibilité de souffler un peu et d’obtenir un certain répit, à l’abri des regards et des jugements. Il ne doit pas être perçu à nos yeux comme LA réponse aux maux des jeunes mais servir de déclencheur. Avec ce que représente l’uniforme, symboliquement, ces résultats doivent résonner comme une alerte et nous exhorter à prendre le sujet au sérieux et à agir.
- 1Source Médiamétrie, février 2023.
- 2Étude BVA réalisée par internet du 2 au 13 décembre 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 1205 jeunes âgés de 15 à 30 ans.
- 3Outfit, de l’anglais « tenue », terme utilisé par les moins de 25 ans pour désigner ce que leurs parents qualifieraient de « look » ou d’apparence.