Les attitudes des Français à l’égard de la corruption 

Est-ce que la corruption est un sujet de préoccupation pour nos concitoyens ? Ont-ils déjà été confrontés eux-mêmes à des cas de corruption ? La corruption est-elle un phénomène grave ou au contraire acceptable au sein d’une démocratie ? Pour comprendre comment la thématique de la corruption résonne au sein de la société française, Daniel Boy et Antoine Bristielle analysent les enseignements d’une vaste enquête de la Fondation Jean-Jaurès et de Transparency International France, réalisée avec l’institut Harris Interactive.

Introduction

Affaire Woerth-Bettencourt, affaire Fillon, affaire Cahuzac, affaire Alexis Kohler, affaire Carlos Ghosn… L’histoire récente de la vie politique et économique française regorge de cas de corruption avérés ou soupçonnés. En parallèle de ce phénomène, une riposte s’est engagée tant au plan institutionnel, avec par exemple la création en 2013 de la Haute Autorité de transparence de la vie publique (HATPV), ou que via l’action de citoyens engagés, les fameux « lanceurs d’alerte ».

Nous ne cherchons pas dans cette note à étudier l’état de la corruption en France, à juger si objectivement les cas de corruption sont en augmentation ou en diminution. Nous souhaitons plutôt étudier comment cette thématique résonne au sein de la société française. Est-ce que la corruption est un sujet de préoccupation pour nos concitoyens ? Quels sont, selon eux, les acteurs les plus à même d’être corrompus ? Ont-ils déjà été confrontés eux-mêmes à des cas de corruption ? La corruption est-elle un phénomène grave ou au contraire acceptable au sein d’une société démocratique ? Enfin, quels sont les acteurs les plus à même de lutter contre ce phénomène ? C’est à l’ensemble de ces questions que nous cherchons à répondre dans cette note. 

Pour ce faire, la Fondation Jean-Jaurès et Transparency International France ont mené avec l’institut Harris Interactive une étude quantitative en octobre 2023 sur un échantillon de 1 500 personnes représentatives de la population française. Ce sont les résultats de cette enquête que nous décryptons dans cette note. 

Dans une première partie, nous nous focalisons sur les dimensions de la corruption et montrons ainsi qu’il existe une impression de corruption latente et assez importante au sein de la société française, qui peut par ailleurs se manifester de manière concrète dans la vie de tous les jours. Dans une deuxième partie, nous étudions la perception des Français concernant la gravité des faits de corruption ou d’incivilités. Les résultats montrent ainsi un regard très strict et réprobateur des Français concernant la plupart de ces situations. Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous cherchons à déterminer le regard des français sur les mesures et sur les acteurs censés lutter contre les faits de corruption. Ces résultats plaident pour une prise en charge plus importante et plus efficace de ce sujet par les pouvoirs publics.

Les dimensions de la corruption

Les perceptions de la corruption en France

Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux thèmes jugés prioritaires par les Français (tableau 1). Si cette question est souvent posée dans les enquêtes d’opinion, rares sont celles qui font apparaître l’item « corruption » dans les modalités de réponse.

Tableau 1. Dans cette liste, quelle est la question qui vous paraît la plus importante aujourd’hui pour la France ?
En premier ?
Le pouvoir d’achat29
Le réchauffement climatique13
L’immigration13
La sécurité des biens et des personnes9
La santé publique8
L’emploi5
Les inégalités5
Les impôts et taxes5
La dette de l’Etat4
L’éducation et la recherche4
Le logement3
La corruption2
Total100

Cette évaluation relative de l’enjeu « corruption » indique clairement que, comparée à d’autres enjeux nationaux, la question de la corruption se situe loin des préoccupations premières des Français, c’est-à-dire « le pouvoir d’achat », « le réchauffement climatique » et « l’immigration » qui occupent les trois premières places. Le très faible score enregistré dans le cas de la corruption (2%) implique que les variations de ce choix sont très limitées dans notre échantillon. On note cependant un pourcentage de choix un peu plus élevé parmi ceux qui déclarent « ne pas avoir la maîtrise de leur vie »1Soit la réponse à la question « De manière générale avez-vous le sentiment d’avoir ou non la maîtrise de votre vie ? » Vous avez tout à fait la maîtrise de votre vie ; vous avez plutôt la maîtrise de votre vie ; vous n’avez plutôt pas la maîtrise de votre vie ; vous n’avez pas du tout la maîtrise de votre vie. (7%), ainsi que parmi ceux qui se déclarent proche de La France insoumise (5%).      

Si la corruption n’est donc pas un enjeu qui préoccupe de prime abord les Français, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe aucun problème sur ce sujet.

Tableau 2 : D’une manière générale, avez-vous le sentiment que les personnes exerçant des responsabilités importantes/ayant du pouvoir sont …
2016201720192023 
Corrompues pour une grande partie d’entre elles54574643
Corrompues pour une petite partie d’entre elles40384544
Pas corrompues64712
Sans réponse0121
Total100100100100

Lorsque l’on demande aux répondants si les personnes qui exercent des responsabilités sont ou ne sont pas corrompues, 87% déclarent qu’elles sont corrompues : 43% pour une grande partie d’entre elles et 44% seulement pour une petite partie d’entre elles. Même si l’impression de corruption au sein des sphères de pouvoir est particulièrement importante, notons une légère amélioration depuis 2017, moment où 57% des Français considéraient que les personnes exerçant des responsabilités étaient corrompues pour une grande partie d’entre elles. Même si nos données ne permettent pas de remonter avant 2016, l’année 2017 semble être, dans l’histoire récente, un point haut dans la perception de la corruption. L’affaire Fillon, qui avait émaillé la campagne présidentielle, n’est peut-être pas étrangère à cela.

Rentrons un petit peu plus dans le détail. L’opinion selon laquelle les personnes « exerçant des responsabilités importantes/ayant du pouvoir » seraient « corrompues pour une grande partie d’entre elles » dépend étroitement de la situation sociale des personnes interrogées. On approuve d’autant plus cette proposition que le revenu du foyer est faible ou, de façon plus concrète, que l’on peine à s’en sortir avec les revenus du ménage2Réponses à la question « Comment vous en sortez-vous avec les revenus de votre ménage ? » : très difficilement, difficilement, facilement, très facilement. : 65% de ceux qui déclarent s’en sortir « très difficilement » partagent cette opinion contre 19% dans les foyers où on s’en sort « très facilement ». Les réponses sont aussi très dépendantes des engagements idéologiques3Mesurées par la question : Vous-même, diriez-vous que vous vous situez… ? Très à gauche, à gauche, au centre, à droite, très à droite, ni à gauche ni à droite. : 65 % des répondants se situant « très à gauche » et 63% de ceux qui se placent « très à droite » partagent cette même opinion contre 34% « au centre ». 

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Qui est corrompu ?

Il existe donc une perception importante de corruption en France, mais quelles sont les catégories jugées les plus négativement (tableau 3) ?

Tableau 3 : Pour chacune des catégories suivantes, indiquez si, selon vous, elle est
très, plutôt, plutôt pas, ou pas du tout corrompue …
Très corrompuePlutôt
corrompue
Plutôt pas corrompuePas du tout corrompueSans réponseTotal
corrompue
Évolution 2019
Les députés
et les sénateurs français
2543256168-6
Les députés européens 2542257167-6
Le pouvoir exécutif national
(président de la République,
Première ministre, ministres
et secrétaires d’Etat)
30342510164-5
Les dirigeants de grandes
entreprises (publiques comme privées)  
1843317161-6
Les présidents de conseils régionaux
ou départementaux
1542339157-8
Les experts (prenant la parole sur
différents sujets dans les médias
et au sein de certaines institutions
publiques : santé, environnement,
finances, etc.)
1541349156-5
Les journalistes1937358156+2
Les établissements bancaires
et financiers
17373510154-9
Les syndicalistes16363611153-7
Les fonctionnaires d’État
(les personnels des services
des ministères, préfectures,
rectorats, directions
départementales, etc.)
15353711250-1
Les fonctionnaires territoriaux
(les personnels des collectivités
territoriales, des structures
intercommunales, des établissements
publics, des offices publics
d’HLM, etc.)
10364112146=
Les professionnels du droit
(avocats, notaires, huissiers,
etc. hors juges)
11354211146+4
Les juges14314113145+4
Les maires10314612141-2
Les militants associatifs12264318138+8
Les climatologues 9234324132
Les dirigeants de PME
(petites et moyennes entreprises)
7235316130+5
Les professionnels de santé
(hôpitaux, cliniques, médecins,
infirmiers, kinésithérapeutes,
opticiens, ambulanciers, etc.)
7164630123+7

 On le voit bien dans le tableau précédent, les répondants perçoivent avant toutes choses une corruption politique. Le haut du classement des catégories jugées corrompues est ainsi occupé par les députés et les sénateurs français (68%), les députés européens (67%) et le pouvoir exécutif (64%). Ces acteurs politiques sont ainsi jugés davantage corrompus que les acteurs économiques (61% pour les dirigeants de grandes entreprises, 30% pour les dirigeants de PME) ou que les journalistes (56%). Notons également que dans cette perception d’une corruption politique plus importante que la moyenne, il existe un gradient selon la proximité : les acteurs politiques de proximité tels que les maires sont jugés moins corrompus (41%) que les acteurs politiques nationaux ou européens.

Pour saisir de façon synthétique les déterminants socio-démographiques des réponses à cette question multiple, un indicateur a été construit : Il comptabilise le nombre de fois où les personnes interrogées donnent une réponse « très ou plutôt corrompues » sur les dix-huit cas proposés. Sa répartition d’ensemble est la suivante. 

Tableau 4 : Réponses « très ou plutôt corrompues »
Nombre de réponsesFréquencePourcentage
0 à 435824 %
5 à 943829 %
10 à 1444229 %
15 à 1826217 %
Au moins 10   70446 % 
Total1500100

Au total dans notre échantillon, 46% des répondants donnent au moins dix réponses positives (très ou plutôt corrompues) à cette question. Les réponses synthétisées par cet indicateur sont clairement déterminées par les deux types de variables socio-démographiques mentionnées plus haut : logiques sociales et positionnement politique. Ainsi 66% de ceux qui s’en sortent « très difficilement avec les revenus du ménage » donnent au moins dix réponses de ce type, contre 39% dans les ménages où on s’en sort « très facilement ». On note aussi 58% parmi les ouvriers contre 39% parmi les cadres et professions intellectuelles ». Enfin cet indicateur culmine à 68% parmi ceux qui se situent « très à droite » contre 35% « à gauche ».  

Pour mieux saisir les logiques socio-culturelles qui rendent compte des attitudes à l’égard de la corruption, un indicateur reflétant un « degré d’exclusion » a été construit à partir des réponses aux trois questions suivantes : 

  • Comment vous en sortez-vous avec les revenus de votre ménage ? Sélection des réponses : « très difficilement » ou « difficilement » ;
  • De manière générale, avez-vous le sentiment d’avoir ou non la maîtrise de votre vie ? Sélection des réponses : « vous n’avez plutôt ou pas du tout pas la maîtrise de votre vie » ;
  • D’une manière générale, diriez-vous que… ? Sélection de la réponse : « on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres ».

Le tableau suivant (tableau 5) comptabilise le nombre de réponses à cet ensemble de trois questions. 

Tableau 5  : Indicateur d’exclusion sociale
Nombre de réponses « exclusion » Fréquence%
Aucune  17011%
153236%
256037%
323816%
Total1500100%

Au total dans notre échantillon, 37% des répondants cumulent deux signes d’exclusion sociale au sens de notre indicateur et 16% en totalisent 3. Le tableau suivant (tableau 6) montre la forte corrélation entre degré d’exclusion sociale et perception de l’étendue de la corruption.

Tableau 6 : Perception de l’étendue de la corruption selon le degré d’exclusion
D’une manière générale, avez-vous le sentiment que les personnes exerçant des responsabilités importantes/ayant du pouvoir sont … ?Nombre réponses « Exclusion » 
Aucune123
Corrompues pour une grande partie d’entre elles26%38%45%61%
Corrompues pour une petite partie d’entre elles54%47%44%34%
Pas corrompues18%14%11%5%
Ne se prononce pas 1%1%1%1%
100%100%100%100%

Parmi les personnes qui n’indiquent aucun signe d’exclusion au sens de notre indicateur, 26% estiment que « les personnes exerçant des responsabilités sont corrompues pour une grande partie d’entre elles » contre 61% pour celles qui cumulent trois réponses d’exclusion.  

Tableau 7 : Et plus généralement, dans quel secteur, selon vous,
y a-t-il le plus de corruption parmi les choix suivants ? En premier ?
Dans le monde politique50
Dans les milieux financiers13
Dans les milieux sportifs10
Dans les médias8
Dans les syndicats6
Dans les administrations publiques5
Dans les entreprises5
Aucun2
Total100

Pour la majorité des personnes interrogées, le secteur le plus vulnérable « en premier » à la corruption est, de loin avec 50%, « le monde politique » deux autres secteurs venant loin derrière avec 13% pour « les milieux financiers » et 10% pour « les milieux sportifs ». Cette responsabilité des milieux politiques est plus accusée « très à droite » avec 70% et parmi ceux qui ne s’intéressent « pas du tout » à la politique4Selon la question :  Est-ce que vous vous intéressez à la politique … ? Beaucoup, assez, peu, pas du tout. : 62%, contre 40% parmi ceux qui s’y intéressent « beaucoup ». 

Ces perceptions sont aussi pour partie liées à la profession de la personne interrogée comme l’indique le tableau 8. 

Tableau 8 : « Dans quel secteur selon vous y a-t-il le plus de corruption »
selon la profession de la personne interrogée
 Artisans, commerçants, chefs d’entrepriseCadres, prof. Intellectuelles. SupérieuresProfessions intermédiairesEmployésOuvriersAutres, inactifsEnsemble
Dans le monde politique48%45%52%54%53%43%50%
Dans les milieux financiers11%14%17%13%11%11%13%
Dans les médias11%7%5%9%10%12%8%
Dans les milieux sportifs8%13%10%9%9%11%10%
Dans les entreprises11%7%2%3%5%4%5%
Dans les syndicats4%8%6%7%5%7%6%
Dans les administrations publiques8%5%6%4%4%5%5%
Aucun 1%2%2%3%6%2%
Total100%100%100%100%100%100%100%

Les écarts constatés démontrent que la responsabilité du monde politique est plus ressentie dans les milieux populaires (employés, ouvriers) tandis que les cadres et professions intellectuelles citent plus souvent « les milieux financiers » et « les milieux sportifs » et que les « entreprises » sont plus fréquemment ciblées par les artisans commerçants et chefs d’entreprise.  

L’évolution de la corruption en France

Concentrons-nous maintenant sur la perception de l’évolution de la corruption en France (tableau 9).

Tableau 9 : Pensez-vous qu’en France … ?
Il y a plus de corruption qu’avant46
Il y a autant de corruption qu’avant46
Il y a moins de corruption qu’avant7
Sans réponse1
Total100

38% des répondants jugent ainsi qu’en France il y a plus de corruption qu’avant, 36% jugent que le niveau de corruption est similaire au passé mais qu’on en parle davantage et 17% que le niveau est également similaire mais qu’on en parle moins. C’est donc finalement trois quarts des Français qui perçoivent une réalité où la corruption occupe davantage de place qu’auparavant, que cette place soit objectivement due à une augmentation des cas de corruption ou qu’elle soit seulement due à un traitement plus important du sujet.

Le sentiment qu’« il y a plus de corruption qu’avant » est principalement déterminé par les orientations politiques : 68% de ceux qui se situent « très à droite » et 62% de ceux qui se situent « très à gauche » partagent cette opinion contre 30% seulement « au centre ». Cette opinion diverge aussi selon le statut socio-professionnel : elle est partagée par 55% des ouvriers contre 38% des cadres supérieurs et professions intellectuelles. Cette perception est aussi fortement déterminée par notre indicateur d’exclusion sociale : 57% de ceux manifestent trois traits d’exclusion sociale estiment qu’il y a « plus de corruption qu’avant » contre 27% qui n’ont aucun de ces traits.     

La France, plus ou moins corrompue que les autres pays du monde ?

Nous nous intéressons dans cette sous-partie à la perception de la corruption en France, comparée avec d’autres pays du monde.

Tableau 10 : Pensez-vous que dans les pays suivants il y a plus de corruption qu’en France, moins de corruption qu’en France ou autant de corruption qu’en France ?
Plus de corruption qu’en FranceMoins de corruption qu’en FranceAutant de corruption qu’en FranceSans réponseIPC 2023
En Russie691217228
Au Brésil 611523138
En Chine581922145
Au Qatar561924158
Aux États-Unis     511335169
En Italie 431739156
En Pologne 342737255
En Espagne192752260
En Grande-Bretagne143153273
En Allemagne113948279
En Suisse115731282
En Suède76031283

Situer le degré de corruption de douze pays en comparaison avec la France ne paraissait pas a priori une tâche très facile tant l’opacité des affaires de corruption est, par définition, la règle. Or les réponses du public proposent une intéressante gradation des pays, de la Russie où 69% des répondants supposent « plus de corruption qu’en France » à la Suède où seulement 7% des répondants estiment qu’il y a « plus de corruption qu’en France» et 60% « moins de corruption qu’en France». On note aussi que certain pays voisins de la France (Espagne, Grande-Bretagne, Allemagne) sont caractérisés par le public comme affectés par « autant de corruption qu’en France ». Ce positionnement, finalement « moyen », de la France corrige quelque peu les jugements majoritairement pessimistes du public sur l’état de la corruption dans notre pays.

Les perceptions du public sont donc dotées d’un certain réalisme. On peut s’en convaincre en confrontant l’ordre de classement des pays issus des perceptions du public aux scores attribués par les panels d’experts sollicités par Transparency International, c’est-à-dire au résultat de l’Indice de perception de la corruption (IPC), publié chaque année5L’Indice de perception de la corruption reflète les jugements de panels d’experts sur les degrés de corruption dans 180 pays. Il s’étend de la valeur 100 pour un pays défini comme « Very Clean » à 0 pour un pays « Highly Corrupt ».. Les résultats indiqués dans le tableau 9 confirment l’homologie globale des perceptions du public avec les jugements des experts : les pays considérés comme « plus corrompus » (en haut du tableau 8) ont un score IPC faible (signe d’un haut degré de corruption), c’est par exemple le cas de la Russie et, à l’inverse, pour le bas du tableau avec l’exemple de la Suède que 7% du public seulement juge plus corrompue, conformément au score IPC le plus élevé : 83.

Pour une meilleure appréciation de ce résultat, les valeurs de deux colonnes du tableau 8 « plus de corruption qu’en France » et « IPC 2023 » ont été représentées sur le graphique suivant.

Graphique 1: Perception de la corruption dans l’enquête et valeur de l’Indice de Perception de la Corruption 

Le graphique permet de constater la très forte cohérence entre les perceptions du public et les jugements des experts avec, dans le haut du plan, les pays considérés comme les moins corrompus et dans le bas ceux où le degré de corruption est jugé le plus élevé. 

Les réponses à cette série de questions varient principalement selon deux logiques, sociale et culturelle. Il apparaît en premier lieu que les attitudes les plus pessimistes quant au degré de corruption de la France, plus fréquentes dans les milieux sociaux défavorisés, inclinent à juger plus fréquemment que dans la plupart des pays cités il y a « moins de corruption qu’en France ». Par exemple dans le cas de la Chine, ceux qui s’en sortent « très difficilement avec les revenus du ménage » estiment pour 32% qu’il y a « moins de corruption qu’en France » contre 15% pour ceux qui s’en sortent « très facilement ». On note par ailleurs des écarts réguliers dans les jugements selon le niveau d’études. Ainsi ceux qui ont atteint un niveau d’études supérieur au baccalauréat ont des jugements plus nettement polarisés que ceux qui n’ont pas dépassé le niveau secondaire. Plus précisément, leurs réponses sont plus fréquemment « plus de corruption » ou « moins de corruption » tandis que les répondants n’ayant pas dépassé le niveau du baccalauréat choisissent davantage la réponse moyenne « autant de corruption » voire, pour une petite proportion, ne donnent pas de réponse.  

La corruption en situation

Dans la partie précédente, nous avons étudié la façon dont les Français considèrent la corruption en France. Nous allons désormais nous focaliser sur ce que nous avons appelé la corruption « en situation », c’est-à-dire l’expérience individuelle de la corruption.

Tableau 11 : Vous a-t-on déjà personnellement demandé une somme d’argent ou un cadeau de valeur dans une administration publique pour obtenir un service auquel vous aviez droit comme une place en crèche, un logement, un permis de construire, un papier d’identité ?
Souvent6
Parfois11
Rarement (ne serait-ce qu’une fois)9
Jamais73
Sans réponse0
Total100
Tableau 12 : Avez-vous entendu dire par une de vos connaissances qu’on lui avait demandé une somme d’argent ou un cadeau de valeur dans une administration publique pour obtenir un service auquel elle avait droit comme une place en crèche, un logement, un permis de construire, un papier d’identité ?        
Souvent7
Parfois17
Rarement (ne serait-ce qu’une fois)15
Jamais60
Sans réponse1
Total100

Les résultats de ces deux questions témoignent de façon plutôt surprenante, voire inquiétante, de situations de confrontation directe avec des pratiques de corruption. La surprise provient bien sûr ici de la fréquence rapportée de ces cas : en sommant les trois premières réponses, on compte au total 26% de répondants déclarant avoir eu l’expérience personnelle de tels cas « au moins une fois » et 39% indirectement, c’est-à-dire par ouï-dire. Ce chiffre est sans commune mesure avec les résultats obtenus dans certaines enquêtes internationales, notamment les Eurobaromètres consacrées à ce thème dont le plus récent évaluait pour la France le pourcentage de personnes répondant positivement à la question « In the last 12 months have you experienced or witnessed any case of corruption ? » à 4%6Special Eurobaromètre SP523 Mars avril 2022 « Corruption ».

Il est vrai cependant qu’à la différence de la question européenne notre propre question est beaucoup plus détaillée, illimitée dans le temps de référence, et abondante en exemples concrets qui ont pu inciter les répondants à répondre positivement. 

Les fréquences de réponses positives (c’est-à-dire le total des trois premières réponses) à ces deux questions ne génèrent pas de différences considérables selon les caractéristiques socio-démographiques et culturelles. Tout au plus note-t-on une fréquence plus élevée pour les personnes se situant « très à gauche » (40% pour la première question, 52% pour la seconde) et pour les foyers au sein desquels « on s’en sort très difficilement avec les revenus du ménage » (respectivement 40% et 56%). On note une exception étonnante à cette relative stabilité des réponses, elle concerne un phénomène d’âge : parmi les jeunes (18-24 ans), on compte 58% de réponses positives (au moins une fois), contre 10% chez les 65 ans et plus à la première question et respectivement 67% et 21% pour la seconde question.   

Tableau 13 : Si vous aviez connaissance d’un acte de corruption, le signaleriez-vous ?
Oui, certainement25
Oui, probablement43
Non, probablement pas24
Non, certainement pas7
Sans réponse1
Total100

La propension à signaler un acte de corruption n’est pas fortement déterminée par les caractéristiques socio-démographiques et culturelles à quelques exceptions près. La fréquence de la réponse positive est d’abord plus élevée parmi ceux qui se situent « très à gauche » : 83% (pour une moyenne de 68%). Elle est aussi en relation avec le sentiment d’avoir « la maîtrise de sa vie »7Soit la question :  De manière générale, avez-vous le sentiment d’avoir ou non la maîtrise de votre vie ? Vous avez tout à fait la maîtrise de votre vie ; vous avez plutôt la maîtrise de votre vie ; vous n’avez plutôt pas la maîtrise de votre vie ; vous n’avez pas du tout la maîtrise de votre vie. dans les proportions suivantes : 76% pour ceux qui déclarent avoir « tout à fait » cette maîtrise contre 47% pour ceux qui disent ne l’avoir « pas du tout ».

Tableau 14 : (Aux personnes qui le signaleraient)
À qui le signaleriez-vous ? En premier ? 
À la police38
À une association de lutte contre la corruption19
À la justice18
À un supérieur hiérarchique15
À la presse7
Aux personnes présentes sur les réseaux sociaux4
Total100

Signaler « à la police » est, de loin, le comportement le plus souvent envisagé (38%) mais, en second lieu, le recours à « une association de lutte contre la corruption » est à peu près aussi fréquent que l’appel « à la justice » (19% et 18%). 

Ces réactions varient sensiblement en fonction de l’âge : chez les personnes âgées (65 ans et plus), le recours à une association de lutte contre la corruption s’élève à 26% contre seulement 11% chez les plus jeunes (18-24 ans). Mais, à l’inverse, les jeunes (18-24 ans) envisagent plus souvent que les plus âgés (65 ans et plus) un signalement sur les réseaux sociaux : 9% contre 1%. Les proximités politiques induisent aussi des différences notables : « très à gauche », on préfère recourir à « une association de lutte contre la corruption » (40%) plutôt qu’«à la police » (28%). À l’inverse : la police est choisie par 48% des personnes se classant « très à droite ».

Tableau 15 : (Aux personnes qui ne le signaleraient pas)
Pourquoi ne signaleriez-vous pas un acte de corruption si vous en aviez connaissance. Vous diriez … ? 
Parce que je n’aime pas dénoncer30
Parce qu’en général ça ne sert à rien29
Parce que je craindrais les représailles21
Parce que on ne sait pas à qui s’adresser19
Sans réponse0
Total100

On ne signalerait pas un acte de corruption, d’abord, parce que « je n’aime pas dénoncer » (30%) et ensuite parce que « en général ça ne sert à rien » (29%). Les raisons de cette passivité varient d’abord selon l’âge : les plus jeunes avouent plus fréquemment que « on ne sait pas à qui s’adresser » (26% chez les 18-24 ans, 29% chez les 25-34 ans). En revanche, le refus de principe « je n’aime pas dénoncer » motive les personnes âgées plus que les jeunes : 38% parmi les 65 ans et plus. Le refus de la « dénonciation » et le sentiment d’inefficacité sont aussi plus fréquents « très à gauche » : 44% pour chacun de ces deux motifs. « Très à droite », en revanche, on craint davantage « les représailles » : 29%.

La gravité de la corruption et de l’incivilité

Les Français considèrent donc que la société actuelle est assez corrompue. Cela dépasse par ailleurs l’ordre du seul ressenti, mais correspond également à un vécu personnel, à une expérience concrète de cas de corruption. C’est ce que nous avons montré dans la partie précédente. Désormais, c’est à un autre angle de la question que nous nous intéressons : la perception de la gravité des cas de corruption. 

Tableau 16 : Pour chacune des situations suivantes, dites si un tel comportement vous paraît très grave, assez grave, pas très grave ou pas du tout grave.  
Très graveAssez gravePas très gravePas du tout graveSans réponseTotal
grave
Un maire qui fait modifier
le Plan local d’Urbanisme
pour permettre des plus-values
immobilières au bénéfice d’un ami  
613062191
Un député qui utilise régulièrement
ses frais de mandat
pour des déplacements familiaux    
553473189
Une entreprise qui verse
une somme d’argent à un fonctionnaire
d’un pays étranger pour obtenir
un marché dans ce pays
(construction de route, exploitation
de mines, contrat d’armement…)
5035113185
Le PDG d’une société
qui choisit une entreprise de BTP
pour réaliser des travaux
dans sa société et bénéficie
en contrepartie de travaux gratuits
dans sa maison
4538133183
Le patron d’une petite entreprise
qui propose à un élu de ravaler
gratuitement sa maison de campagne
pour obtenir une commande de sa collectivité 
4339143182
Un fonctionnaire qui accepte l’invitation
à déjeuner d’un dirigeant d’entreprise
candidat à un marché public pour lui
donner des informations sur ce marché     
3642174178
Un élu qui utilise sa position
pour obtenir une place en Ehpad
pour un parent
3241233173
Un médecin qui organise un séminaire
de travail avec des collègues en faisant
financer les frais de déplacement
et de séjour par une entreprise
pharmaceutique 
3039255169
Un élu municipal, cadre supérieur
dans une entreprise du bâtiment,
qui participe à une réunion
où l’on doit décider du choix de
l’entreprise qui va rénover la mairie  
2939247168
Le directeur des achats d’une société
qui reçoit en cadeau de la part
d’un de ses fournisseurs
une montre de valeur 
2639277165
Tableau 17 : Pour chacun des comportements suivants, dites si vous les estimez très grave, assez grave, pas très grave ou pas du tout grave. 
Très graveAssez gravePas très gravePas du tout graveSans réponse Total
grave
Chercher à obtenir des prestations sociales,
des aides, auxquelles on n’a pas droit
553293187
Placer son argent dans un paradis
fiscal pour éviter des impôts     
4733154180
Ne pas déclarer tous ses revenus
pour payer moins d’impôts 
4040163180
Pour compenser la perte de points
sur son permis de conduire
dû à un excès de vitesse,
acheter des points sur Internet
pour reconstituer son capital
3740184177
Obtenir un arrêt de travail
d’un médecin complaisant
sans raison médicale sérieuse
3144204175
Obtenir l’adresse d’un domicile fictif
dans un beau quartier pour être sûr
que ses enfants pourront suivre
une scolarité dans un établissement scolaire de bon niveau  
2438307162
Ne pas payer son billet
dans le train, le métro ou le bus
1943316162
Payer en liquide (au noir)
des travaux dans sa maison
16353711151

On perçoit assez rapidement, avec les résultats présentés dans les tableaux 16 et 17, que les faits de corruption et les incivilités sont très majoritairement rejetés par les répondants : sur tous les items proposés, une majorité de répondants les juge grave.

La première série de questions mesure le degré de gravité de comportements illicites d’acteurs principalement publics tandis que la seconde série concerne des actes supposés essentiellement privés. Il s’agit en somme d’une opposition symbolique entre corruption publique d’une part et incivilités citoyennes de l’autre. Or l’analyse de ces deux séries de questions fait apparaître en premier lieu une très forte corrélation statistique entre ces deux ensembles de réponses : plus on juge graves les comportements des acteurs publics, plus on apprécie sévèrement les entorses au civisme. Et bien sûr, inversement, la tolérance, c’est-à-dire les réponses « pas très ou pas du tout grave » à la première série, est fortement liée à l’indulgence à la seconde. 

Cette proximité de perception justifie une analyse en parallèle de ces deux séries de résultats. Mais le nombre élevé de questions – dix dans le premier cas, huit dans le second – implique la nécessité de construire un indicateur synthétique résumant ces informations. Cet indicateur est présenté dans le tableau suivant (tableau 18). 

 Tableau 18 : Indicateurs synthétique des questions corruption « publique » et incivilités « privées » 
Corruption « publique » Incivilités « privées » 
Nombre de réponses
« Très ou assez grave » 
Fréquence%Nombre de réponses
« Très ou assez grave »
Fréquence%
0 à 414310%0 à 323716%
51017%416811%
61299%520113%
717312%622515%
819713%724316%
922815%842629%
1052935%7 + 8 45% 
9 + 10 50% Total1500100
Total1500100%

On considérera donc, par convention, que la gravité de la corruption « publique » est évaluée par le pourcentage de personnes qui donnent de 9 à 10 réponses « très ou assez grave » (soit 50% en moyenne) et la gravité des incivilités privées par le pourcentage de personnes qui donnent 7 à 8 réponses « très ou assez grave » (soit 45% en moyenne). 

Les questions analysées dans la première partie de ce rapport (tableaux 1 à 10) mesuraient les perceptions du public quant à l’étendue de la corruption, dans l’espace social, temporel et géographique. Avec les deux séries de questions résumées par le tableau 18, il s’agit cette fois non plus de son étendue mais de son degré de gravité. Or, si dans le premier cas on constatait clairement une explication à la fois par le positionnement politique et par le degré d’exclusion sociale, l’analyse de la gravité de la corruption répond à un tout autre schéma d’explication. Les relations avec le positionnement politique sont ici assez faibles. Tout au plus note-t-on un pourcentage plus élevé de réponses 9 + 10 (forte gravité) « très à gauche » : 62%. Cette gravité est aussi ressentie un peu plus nettement parmi les cadres supérieurs (58%) et moins chez les ouvriers (28%). En revanche, notre indicateur d’exclusion sociale, très significatif pour rendre compte de l’étendue de la corruption, ne joue pas un rôle aussi déterminant quand il s’agit de la gravité de la corruption. La variable la plus explicative est clairement l’âge de la personne interrogée et cette relation est si nette qu’elle joue de façon continue tout au long des classes d’âge, comme le montrent les graphiques 2 et 3.

Graphique 2 : Gravité de la corruption selon l’âge

Graphique 3 : Gravité incivisme selon l’âge

Ainsi, ce sont bien les jeunes qui considèrent les faits de corruption et les incivilités comme étant les moins graves. Une question reste néanmoins sans réponse : est-ce que la permissivité des jeunes décroît avec l’âge et l’entrée dans la vie active ou au contraire sommes-nous en présence de transformations générationnelles avec de nouvelles générations plus à même d’accepter des comportements que leurs aînés refusaient ?  

La lutte contre la corruption en France

Considérons enfin un dernier point, la façon de lutter contre la corruption.    

Tableau 19 : Selon vous, dans cette liste, qui joue le rôle le plus important dans la lutte contre la corruption ?
En premier ?      
Les lanceurs d’alerte27
La justice21
L’État20
Les associations12
Les journalistes8
Les responsables politiques7
Les entreprises3
Sans réponse1
Total100

Plus d’un quart des personnes interrogées (27%) estime que « les lanceurs d’alerte » jouent le rôle le plus important dans la lutte contre la corruption. Cette priorité est à peu près constante quelles que soient les appartenances socio-démographiques et politiques, signe que ce concept, relativement récent dans l’histoire politique, a acquis une réelle notoriété.

Tableau 20 : Depuis 2013, la justice a plus de moyens pour enquêter et poursuivre les faits de corruption.
Les associations anticorruption proposent de renforcer encore ces moyens humains et financiers.
Selon vous, faut-il … ?  
Renforcer les moyens pour lutter contre la corruption76
Conserver les moyens actuels pour lutter contre la corruption19
Diminuer les moyens pour lutter contre la corruption3
Sans réponse1
Total100

Le public approuve à une très large majorité (76%) le projet de « renforcer les moyens pour lutter contre la corruption ». Cette proposition est plus soutenue parmi les personnes les plus âgées : 88% parmi les 65 ans et plus contre 57% chez les plus jeunes (18-24 ans), signe à nouveau d’une moindre préoccupation pour cet enjeu chez les jeunes. Les positionnements politiques influent aussi sur ces réponses : 85% des répondants se situant « très à gauche » partagent ce projet, de même que 83% de ceux se positionnant « très à droite ».

Tableau 21 : Selon vous, les condamnations par la justice de responsables politiques pour des actes de corruption sont … 
Plus sévères que par le passé23
Moins sévères que par le passé27
Ni plus ni moins sévères que par le passé49
Sans réponse1
Total100

Une moitié environ (49%) des répondants ne discernent pas de changements dans la sévérité des tribunaux dans les affaires de corruption, contre 27% les estimant « moins sévères que par le passé » et 23% « plus sévères ». Le sentiment d’un plus grand laxisme des tribunaux (moins sévères) va de pair avec l’exclusion sociale au sens où nous l’avons mesurée ici : dans le cas de trois signes d’exclusion sociale, 33% des personnes interrogées donnent cette réponse contre 21% en l’absence d’indicateur d’exclusion sociale.    

Tableau 22 : Lorsqu’un ministre est mis en examen dans une affaire de corruption il devrait … ?
Rester en place car il bénéficie de la présomption d’innocence29
Démissionner immédiatement malgré la présomption d’innocence69
Sans réponse1
Total100

La question du tableau 22 met en question le principe de la présomption d’innocence face à la responsabilité politique. Dans le cas proposé ici d’un ministre « mis en examen dans une affaire de corruption », les préférences du public sont clairement en faveur d’une démission « malgré la présomption d’innocence » : 69%. Ce principe l’emporte dans toutes les sous-catégories de notre échantillon. Il est plus accusé parmi les répondants se situant « très à gauche » (81%) et « très à droite » (77%), ainsi que parmi ceux qui présentent trois signes d’exclusion sociale (77%). Il est en revanche moins affirmé parmi les plus jeunes : 54% chez les 18-24 ans contre 77% au-delà de 64 ans, signe encore une fois de la relative tolérance des plus jeunes. On doit aussi noter une affirmation un peu plus fréquente de la priorité à la présomption d’innocence parmi les cadres et professions intellectuelles : 36% (contre 25% parmi les employés).      

Tableau 23 : Les règles de transparence de la vie publique obligent les responsables politiques à déclarer des informations qui relèvent de leur vie privée : activités professionnelles passées, leur patrimoine, l’activité de leur conjoint… Jugez-vous que pour prévenir les conflits d’intérêts et lutter contre la corruption ces règles sont … ?  
Trop strictes10
Pas assez strictes61
Ni trop ni pas assez strictes29
Sans réponse0
Total100

Près de deux tiers des répondants (61%) jugent « pas assez strictes » les règles de transparence qui s’imposent aux responsables politiques, seulement 10% les estimant « trop strictes ». Les mêmes logiques démographiques, sociales et politiques qu’à la question précédente gouvernent les réponses à cette question : mansuétude des plus jeunes puisque 23% des 18-24 ans jugent ces règles « trop strictes », rigueur « très à droite » avec 80% de jugements « pas assez sévères ». 

Tableau 24 : Aujourd’hui les députés ont la possibilité de dépenser chaque semaine une somme de 150 euros prise sur leurs frais de mandat sans avoir à fournir de justificatif. Cette règle vous paraît-elle … ?
Trop stricte9
Pas assez stricte66
Ni trop ni pas assez stricte24
Sans réponse1
Total100

Là encore, avec l’exemple d’un cas concret et dans des proportions très voisines avec la question précédente, le choix de la rigueur l’emporte dans l’échantillon puisque deux tiers des personnes interrogées estiment le principe d’une dépense de 150 euros prise sur les frais de mandat « pas assez strict ». Ici aussi les plus jeunes (18-24 ans) se distinguent par une plus grande tolérance : 40% d’entre eux seulement estiment cette règle « pas assez stricte » contre 68% parmi les 65 ans et plus.    

Tableau 22 : Certaines entreprises et certaines associations rencontrent les élus afin de défendre leurs idées et leurs intérêts auprès d’eux. Selon vous, faudrait-il … ?
Qu’elles puissent rencontrer librement ces élus26
Qu’elles puissent rencontrer ces élus à condition que leur rendez-vous soit répertorié et rendu public63
Qu’elles ne puissent en aucun cas rencontrer ces élus9
Sans réponse1
Total100

Les rencontres entre représentants des entreprises ou des associations et élus ne sont pas considérées par une très large majorité du public comme devant être prohibées. Mais pour deux tiers des répondants (63%), ces relations doivent être dûment répertoriées et rendues publiques. Le principe d’une absence totale de contrôle est cependant admis par un quart des répondants (26%). Ces conceptions sont à peu près constantes dans les différentes sous-catégories de notre échantillon.

Conclusion

Plusieurs points ressortent de cette étude. Premièrement, si la corruption n’est pas un enjeu jugé prioritaire par les Français, il existe néanmoins une préoccupation latente de nos concitoyens concernant ce sujet. Les résultats sont ainsi doublement alarmants. Alarmants concernant la perception d’une corruption importante en France, qui se déroulerait en premier lieu au sein de la sphère politique. Alarmants également concernant l’expérience personnelle, ou dans l’environnement proche, de cas de corruption, qui toucheraient une partie non négligeable de la population. 

Deuxièmement, notre enquête montre à quel point il existe un refus global de la corruption et des formes plus légères d’incivilité au sein de la population française. Cela induit également un soutien général aux mécanismes visant à se prémunir au maximum des cas de corruption, en particulier au sein de la sphère politique. Ce positionnement assez strict de la population française sur le sujet de la corruption ne signifie pas pour autant interdire aux responsables politiques de se tenir éloigné de toutes les sphères d’influence, mais d’avoir des mécanismes permettant de faire en sorte que ces échanges se déroulent en toute transparence. 

Enfin, le fait que les lanceurs d’alerte arrivent en tête du classement des acteurs luttant le plus contre la corruption, devant la justice et l’État, montre bien qu’il existe une insatisfaction concernant le traitement institutionnel de ce sujet en France. Une prise en charge plus importante et plus efficace de la question de la corruption par les pouvoirs publics semble donc indispensable. 

  • 1
    Soit la réponse à la question « De manière générale avez-vous le sentiment d’avoir ou non la maîtrise de votre vie ? » Vous avez tout à fait la maîtrise de votre vie ; vous avez plutôt la maîtrise de votre vie ; vous n’avez plutôt pas la maîtrise de votre vie ; vous n’avez pas du tout la maîtrise de votre vie.
  • 2
    Réponses à la question « Comment vous en sortez-vous avec les revenus de votre ménage ? » : très difficilement, difficilement, facilement, très facilement.
  • 3
    Mesurées par la question : Vous-même, diriez-vous que vous vous situez… ? Très à gauche, à gauche, au centre, à droite, très à droite, ni à gauche ni à droite.
  • 4
    Selon la question :  Est-ce que vous vous intéressez à la politique … ? Beaucoup, assez, peu, pas du tout.
  • 5
    L’Indice de perception de la corruption reflète les jugements de panels d’experts sur les degrés de corruption dans 180 pays. Il s’étend de la valeur 100 pour un pays défini comme « Very Clean » à 0 pour un pays « Highly Corrupt ».
  • 6
  • 7
    Soit la question :  De manière générale, avez-vous le sentiment d’avoir ou non la maîtrise de votre vie ? Vous avez tout à fait la maîtrise de votre vie ; vous avez plutôt la maîtrise de votre vie ; vous n’avez plutôt pas la maîtrise de votre vie ; vous n’avez pas du tout la maîtrise de votre vie.

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