L’échec de l’alternance au Togo par la voie des urnes

Faure Gnassingbé a été réélu président du Togo, le 3 mai 2015 face à Jean-Pierre Fabre, leader de l’opposition CAP 2015. Christophe Courtin analyse les résultats de ce scrutin et la situation politique au Togo.

L’élection présidentielle de 2015 nous permet de nous interroger sur l’état d’un régime qui prétend respecter la démocratie ainsi que sur l’éventuelle complaisance de la communauté internationale à son égard.

En effet, le 3 mai 2015, la Cour constitutionnelle proclamait le sortant Faure Gnassingbé président de la République, élu le 25 avril précédent par 58,77% des suffrages, pour un troisième mandat. Le candidat de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, chef de la coalition CAP 2015 recueillit 35,19% des voix. La famille Gnassingbé est au pouvoir depuis 48 ans. Faure Gnassingbé succéda, en effet, à son père en 2005.

Des propositions de réforme démocratiques ont vu le jour de 1999 à 2013, avec l’objectif de revenir à la Constitution de 1992. L’échec des négociations nourrit la communication du régime sur la « radicalité » de l’opposant Jean-Pierre Fabre.

Le mode de scrutin à un tour favorise le regroupement des candidatures. L’opposition n’est pas si divisée que cela : des alliances entre chefs politiques du Nord et du Sud ont été nouées, et à l’occasion des législatives de 2013, Jean-Pierre Fabre a été reconnu chef de l’opposition par le régime. L’opposition reste cependant fragile : le CAR (Comité d’action pour le renouveau) a appelé au boycott de l’élection.

La coalition CAP 2015 a contesté la validité de la composition des listes électorales. Le régime a voulu utiliser toutes les failles du code électoral à son profit. L’UE avait réalisé une étude de ce code en 2014, étude qui est finalement tombée entre les mains de l’ANC, parti de Fabre. L’Europe avait promis une aide au processus électoral si certains critères étaient respectés. Or cette aide ne sera fournie qu’a posteriori : si l’aide est versée, elle pourrait signifier la complicité des Européens.

Les candidats ont pu faire campagne dans tout le pays, mais le régime a donné le minimum de temps de parole à ses opposants. La campagne a été calme, malgré une pression énorme sur les médias. Le ministère de l’Intérieur a tenté de mettre en place un système d’information de sortie des urnes en dehors de la commission électorale nationale indépendante (CENI). Cette tentative a échoué grâce à la médiation du président ghanéen. Un représentant de l’OIF a pu accompagner le travail de la commission électorale. Le dépouillement fut correct, mais des fraudes ont été constatées : bourrages d’urne, trafic de listes d’émargement… Alors qu’elle n’avait reçu les premiers résultats que de 6 commissions électorales régionales, la CENI a déclaré le candidat sortant en tête. En tout, 40% de Togolais se sont abstenus.

La société civile a pu être instrumentalisée dans l’élection : la Ligue togolaise des droits de l’Homme s’est ralliée au régime sous la pression de la FIDH. Son ancien président est l’actuel ministre des droits de l’Homme. L’Église catholique a un rôle important dans le pays et a appelé au respect des règles démocratiques, à la mise en oeuvre de réformes en exhortant le président actuel à travailler avec tout le monde. La Concertation nationale de la société civile a également entériné les résultats.

La communauté internationale a une responsabilité concernant l’état du pays. En effet, le représentant de l’Afrique de l’Ouest à l’ONU a validé les résultats dès le 1er mai. La CEDEAO, le PNUD et le HCDH n’ont pas contesté les fraudes. Les chancelleries européennes sont restées impuissantes. Tout cela démontre la difficulté de l’alternance démocratique par les urnes au Togo.

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