La question de l’économie du secteur du spectacle vivant et de la soutenabilité de son évolution devrait être au cœur des préoccupations du nouveau gouvernement. Comment vit le spectacle vivant ? En quoi l’intervention publique est-elle nécessaire ?
Télécharger la synthèse :
Lors de son allocution au Cirque d’hiver le 18 mars 2012, François Hollande a confirmé sa décision de faire voter une loi d’orientation relative au spectacle vivant. Celle-ci s’avère nécessaire, afin de relancer une réflexion laissée à l’état d’ébauche lors des entretiens de Valois en 2008.
Cette loi doit être une priorité, le spectacle vivant courant le risque de souffrir de la diminution historique du budget du ministère de la Culture, qui se conjuguerait au mouvement de baisse des subventions amorcé par les Conseils généraux et certains Conseils régionaux. Cette baisse pèserait d’abord sur les marges artistiques et mettrait en danger la possibilité pour les lieux de culture de produire des spectacles nouveaux et de contribuer à la découverte des artistes et créateurs de demain. Avant de penser à un éventuel « Acte III de la décentralisation », il s’avère essentiel de rappeler l’importance de l’ensemble complexe que regroupe le spectacle vivant, vecteur d’échanges et de cohésion.
Bien qu’il ne faille s’arrêter à cela, la question économique relative au spectacle vivant devra être au cœur des préoccupations du nouveau gouvernement. En effet, celui-ci devra se pencher sur la structure économique du spectacle vivant, avoir une réflexion sur ses moyens et sur l’importance de l’intervention publique.
La politique culturelle dans le domaine du spectacle vivant, initiée par des personnalités comme Jeanne Laurent ou André Malraux, a connu une réelle impulsion au cours des années 1980, avec l’essor des Directions régionales des affaires culturelles. Le partenariat avec les collectivités territoriales est devenu de fait plus important, permettant un dispositif riche de réseaux et labels sur le territoire, ainsi que l’émergence d’équipes artistiques indépendantes.
Quelles limites à la politique du spectacle vivant mise en place par l’Etat ?
Cependant, la structure du budget d’intervention de l’Etat a atteint petit à petit un certain plafond, ainsi qu’une certaine rigidité l’empêchant de stimuler réellement l’innovation artistique.
D’une manière générale, le spectacle vivant doit aujourd’hui faire face à la réalité effective des baisses des moyens d’intervention des pouvoirs publics. L’Etat devra hiérarchiser ses priorités d’intervention, ce qui pèsera sans doute sur les secteurs indépendants et moins institutionnels.
Bien que le dernier ministre de la Culture ait tenté en vain d’affirmer le contraire, la part des budgets disponibles pour la production artistique a considérablement baissée au cours du dernier quinquennat. Les maigres crédits grappillés ont uniquement permis d’apaiser quelque peu certaines situations et de donner de l’oxygène à quelques privilégiés. On a alors assisté au phénomène déjà ancien de captation des crédits nouveaux par quelques structures à forte visibilité, au grand dam de l’émergence et des nouveaux artistes. En outre, face aux contraintes budgétaires, une possible augmentation des tarifs des lieux de diffusion mettrait à mal l’une des missions fondamentales de la culture : permettre l’accès au plus grand nombre. L’absence de visibilité quant à la politique que mène l’Etat (tantôt axée sur la création, tantôt sur la diffusion) est également problématique pour assurer la qualité de l’offre artistique de demain. Qui plus est, l’exercice du compromis entre collectivités et Etat pourrait placer certaines structures en difficulté, les souhaits de chacun parasitant les financements. C’est pourquoi l’établissement d’une grille d’analyse partagée entre l’Etat et les collectivités est absolument indispensable, pouvant devenir l’un des objectifs de ce nouveau quinquennat.
Quel avenir ? Quelles réformes ?
Il convient dès maintenant de réfléchir aux premières mesures à mettre en place. Dans un premier temps, la levée du gel qui hypothèque 6 % des subventions s’avère nécessaire. De plus, il s’agira de sanctuariser le budget sur la capacité de production des structures. On pourrait évaluer les besoins à 150 millions d’euros, avec un apport de 50 millions d’euros la première année, permettant de redonner solidité et dynamisme au secteur.
Pour financier cela, certains projets nationaux pourraient être abandonnés, comme la « Maison de l’histoire de France ». De nouvelles sources de financement doivent également être trouvées (dérivation de la taxe payée par les fournisseurs d’accès à internet sur les services de télévision, taxe sur l’hôtellerie et la restauration dans les zones festivalières, taxe sur les parcs d’attraction à thème). Il importe également de limiter les besoins en moyens nouveaux.
Les premiers axes de travail
Il convient tout d’abord de réexaminer la liste des structures qui appartiennent aux labels et réseaux du spectacle. La mise en place de nouveaux dispositifs d’aides aux ensembles et compagnies indépendants apparaît de fait comme une nécessité. Il semble aussi indispensable d’élaborer une véritable politique d’échanges européens et internationaux. Enfin, des négociations s’avéreront primordiales, notamment en ce qui concerne l’assurance chômage, cruciale pour les artistes du spectacle vivant.
Vers une loi d’orientation
La gravité de la situation du spectacle vivant depuis 2009 oblige à reprendre un vrai dialogue dans le sens d’une plus grande responsabilité partagée. L’objectif serait de fixer les missions fondamentales du spectacle vivant. Cette loi d’orientation pourra également s’accompagner d’une loi de programmation des moyens, ce qui pose la question de la coïncidence des calendriers budgétaires et législatifs.
La politique de l’Etat dans le domaine du spectacle vivant doit revoir profondément son mode d’action. Il s’avère que l’Etat n’a plus le monopole de l’expertise et de la découverte. Cette politique doit véritablement prendre en compte les attentes multiples et souvent contradictoires de l’ensemble des acteurs de ce système complexe.