Le déséquilibre idéologique

Plus à droite ? Plus à gauche ? Où les Français placent-ils leur président sur le traditionnel axe droite-gauche ? Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation, analyse sous cet angle les résultats de l’enquête « Bilan d’un an de présidence d’Emmanuel Macron » pour Ipsos, Le Monde, le Cevipof et la Fondation, dans la continuité d’un précédent décryptage de l’auto-positionnement des citoyens.

6,7. Telle est la réponse que les Français ont apportée, en moyenne, à une question simple : « sur une échelle de 0 (très à gauche) à 10 (très à droite), où classeriez-vous Emmanuel Macron ? ». Ce chiffre est le signe d’un déséquilibre idéologique.

Déséquilibre d’abord par rapport à lui-même. En mars 2017, les Français le positionnaient presque parfaitement au centre, à 5,2 – et ce positionnement central était une des clés de son succès face à la polarisation extrême des deux candidats des partis de gouvernement. En novembre 2017, premier glissement vers la droite, de 5,2 à 6. Aujourd’hui, deuxième glissement substantiel, de 6 à 6,7. Du candidat au président, la rapidité et l’ampleur de l’évolution sont sans précédent.

Déséquilibre ensuite par rapport à son socle électoral. Les électeurs qui ont voté pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle se positionnent à 5,1 et les sympathisants de LREM à 5,7 – les uns et les autres nettement plus à gauche que le président.

Déséquilibre enfin même par rapport à l’ensemble des Français. La société française est certes en voie de « droitisation » – révélée notamment par l’évolution de l’auto-positionnement idéologique des Français. Mais ils ne se situent malgré tout qu’à 5,6. Ainsi, par rapport à la moyenne des Français, le candidat Macron était un peu plus à gauche quand le président Macron est clairement plus à droite.

Comment peut-on, à la lecture de cette enquête, comprendre la droitisation du positionnement idéologique du président de la République ? Par un double déséquilibre politique.

Le premier est social. Il y avait promesse de « plus d’efficacité » et « plus de justice ». Il y a perception – massive – d’un déficit social. Chez l’ensemble des Français, 70% à 80% jugent négativement l’action engagée pour « l’amélioration du pouvoir d’achat », « la réduction des inégalités sociales » ou « l’amélioration du système de santé ». Et il en est de même, de 52% à 61%, chez les électeurs qui ont voté pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle. Ainsi donc, logiquement, moins de 10% de Français estiment que les classes moyennes et les milieux populaires sont les bénéficiaires de l’action engagée.

Le deuxième déséquilibre est démocratique. Il y avait promesse de « plus de décision » et « plus d’écoute ». Il y a perception – large – d’un excès d’autoritarisme. Les Français reconnaissent, et approuvent, la volonté réformatrice du président de la République. Mais, outre qu’ils s’interrogent sur le rythme soutenu des réformes, ils sont 55 % à reprocher un mode de gouvernement « trop autoritaire » – sentiment d’autant plus partagé qu’ils se positionnent à gauche ou au centre de l’échiquier politique.

« Ciel bleu. Nuages en formation ». Voilà, résumé d’une formule météorologique, l’état de l’opinion un an après l’élection d’Emmanuel Macron. Le plus gros de ces nuages prend la forme d’un chiffre dont tout découle : 6,7.

 

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