Le Chili est fortement confronté à la pandémie liée au coronavirus. Michel Bourguignat, membre fondateur de l’ADFE-Chili (Association démocratique des Français à l’étranger), en rappelant le contexte politique, économique et social chilien, analyse la situation sanitaire et interroge « l’efficacité » des réponses apportées par les autorités politiques et le président Piñera.
Le 18 mai dernier, quatre faits ont eu lieu dans la région métropolitaine, qui regroupe quarante-cinq communes dont celles du grand Santiago, ce qui correspond à environ six millions de personnes concernées par les événements. Si j’attire l’attention sur ces faits, c’est parce qu’ils représentent, d’une certaine façon, un raccourci symbolique de la réalité que nous vivons au Chili depuis bientôt plus de deux mois.
En premier lieu, toute la région est en état de confinement depuis le vendredi 12 juin 2020 au soir. Cette situation, certaines communes l’avaient déjà connue, une ou deux fois selon les zones géographiques. Ceci n’est que l’une des décisions erratiques prises par les autorités gouvernementales.
Dans l’une des communes, en majorité peuplée de familles de milieux populaires, alors qu’un couvre-feu contraignait la population à rester confinée, une centaine de personnes se sont regroupées devant la mairie pour manifester leur « faim », non sans être violemment réprimées, et une dizaine d’entre elles ont été arrêtées. Il y avait longtemps que la majorité des organes de presse, radio et télévision ne nous avaient informés ou montrés de tels faits, leur diffusion rapide sur les réseaux sociaux les ayant sans doute obligés à le faire. Le préfet et le gouvernement ont annoncé une mise en accusation des personnes arrêtées pour ne pas avoir respecté les contraintes imposées par le confinement. Dans le même esprit, la présidente d’un parti politique de droite conservatrice appartenant à la coalition gouvernementale a demandé publiquement au président d’avoir « la main lourde » sur les manifestants. En réaction, le président du Parti socialiste s’est exclamé : « Comment peut-on avoir l’audace de réprimer violemment des gens qui ont faim ! » Quelques heures plus tard, un groupe de jeunes s’est rendu sur la place de la Dignité – baptisée ainsi lors de la mobilisation sociale qui a débuté le 18 octobre dernier, soit sept mois auparavant, cette place ayant désormais valeur de symbole national. À quelques mètres de cette place se dresse un immeuble d’une vingtaine d’étages sur lequel un groupe d’artistes militants a projeté en grand format les lettres du mot « faim » en espagnol. Il n’a fallu que quelques heures au président Sebastian Piñera pour annoncer, lors d’une intervention sur une chaîne nationale, sa décision de distribuer 2 millions et demi de colis alimentaires pour les familles les plus vulnérables constituées de cinq personnes en moyenne, et s’engager à en faire personnellement la distribution avant la fin de la semaine. Pendant que le président faisait son annonce, un concert de casseroles brisa le silence du couvre-feu – en appui aux manifestants de la commune populaire réprimés par les forces de l’ordre. En effet, le président Piñera avait pris la décision par décret, à la mi-mars 2020, de mettre en application l’« état d’exception constitutionnel pour catastrophe » lui permettant de déployer dans tout le pays les forces militaires, nécessaires selon lui au maintien de l’ordre public. Ces mesures ont été critiquées par une partie des membres d’un des partis politiques de sa coalition, Rénovation nationale, dont le président n’hésite pas à exprimer publiquement son opinion sur les décisions et les actions gouvernementales. Parmi les responsabilités que cet état de catastrophe délègue aux forces armées se trouve un contrôle de l’information, dont les modalités ne sont pas explicitées. À plusieurs reprises, le président avait tenté d’imposer, sans y parvenir, un état d’urgence lors de la récente crise sociale. Il paraissait obsédé par la peur d’un véritable soulèvement populaire, obsession alimentée par certaines analyses sociopolitiques qui en prévoient la réapparition dans un « après » Covid-19. Les circonstances inhabituelles de cette nouvelle situation avaient atténué la méfiance de l’opposition envers un tel décret présidentiel, finalement adopté.
Au sujet de l’« après », on commence à percevoir des approches politiques diverses. Certains partis d’opposition et d’autres « officialistes », comme Rénovation nationale, parti de tendance libérale, par exemple, font part de leur préoccupation pour la période à venir. Quant à l’inquiétude du président Sebastian Piñera, elle se transforme, aux dires de ses proches, en une véritable panique qui le poursuit jusque dans ses décisions. C’est ainsi qu’il a lancé l’idée d’un « pacte social » dans la perspective d’endiguer un soulèvement social éventuel, nécessitant pour cela de mobiliser les ressources nécessaires à des réformes sociales. Plusieurs responsables politiques d’opposition, ainsi que le président de Rénovation nationale, ont commencé à jeter les bases d’un « accord national », dans une perspective de « retour à la normale », mais qui ne change rien au fonctionnement de la société, voire qui la vérouille avec en particulier la suppression du référendum qui devait se tenir en avril dernier, renvoyé à octobre prochain. Celui-ci devait décider de lancer ou non le processus d’élaboration d’une nouvelle constitution pour remplacer celle de 1980. Adopter une nouvelle constitution était l’une des principales revendications des citoyens lors de la mobilisation sociale qui a démarré le 18 octobre dernier. À peine connu le résultat des premières approches sur cet accord, ce fut un tollé général sur les réseaux sociaux, déclenchant aussi des prises de position publiques de la part de quelques politiques et personnalités. On n’en parle plus, mais jusqu’à quand ? Pour Sebastian Piñera, ne rien changer au système est nécessaire pour restaurer sa réussite économique personnelle, et il peut compter sur de nombreux alliés.
Il est clair que l’une des préoccupations principales de la grande majorité des Chiliens est la santé, d’eux-mêmes et de leurs proches, ce qui entraîne le respect, autant que faire se peut, des consignes – y compris dans un silence insupportable comme celui du confinement. Il est probable que l’ensemble des habitants de notre planète s’est habitué à l’observer, malgré les difficultés rencontrées par des pans entiers de la population, comme celles que rencontrent ceux qui vivent dans les nombreux quartiers populaires de Santiago et des villes de province. Il est ainsi difficile de se procurer le matériel de protection sanitaire nécessaire, comme les masques, dont les prix ont augmenté de 20% en un mois (s’élevant à six euros), les rendant inaccessibles pour la grande majorité des habitants. Signalons également que la même tendance à la hausse concerne aussi beaucoup de produits de première nécessité, malgré les nombreuses voix qui ont dénoncé cet état de fait – mais cela ne transparaît guère dans les statistiques officielles. Comme pour de nombreux pays, les mesures de confinement sont mises en place sur décision du ministre de la Santé. Ce dernier a été investi, au Chili, par décret présidentiel pris à la mi-mars 2020, de l’autorité maximale pour prendre les décisions qui concernent la santé des citoyens. De fait, comme précisé plus haut, en ce moment, la région métropolitaine, enfermée par un cordon sanitaire, est soumise à un confinement strict et est mise en quarantaine, des mesures qui sont en général respectées. Nous sommes surpris de nous voir soumis à de telles décisions, le plus souvent affectant des espaces géographiques différents. Par exemple, au début de l’arrivée de la pandémie au Chili mi-mars, le même ministre avait décidé le confinement strict pour plusieurs quartiers essentiellement résidentiels et deux autres quartiers voisins pendant une semaine. Ce n’est que plusieurs semaines plus tard que ces mêmes quartiers se sont retrouvés de nouveau confinés pour deux semaines dans les mêmes conditions.
Pour des raisons inexplicables, le président a publié au même moment un décret obligeant tous les fonctionnaires de l’État à reprendre le travail tout en respectant les consignes liées au confinement, prenant appui sur plusieurs de ses slogans favoris, « Normalité sûre », ou encore « Retour sûr ». Il est évident que cette décision présidentielle ciblait les entrepreneurs afin de les inciter à redémarrer l’économie – hypothèse incertaine, sauf dans le secteur de la construction, si l’on en juge les informations fournies par la Centrale syndicale, la CUT. Cette dernière a mené une campagne d’opposition à la reprise, en particulier pour les fonctionnaires de l’État, en accord avec les partis politiques d’opposition regroupant ceux de la coalition – de la Démocratie chrétienne au Parti communiste chilien – ayant soutenu le gouvernement de Michelle Bachelet jusqu’en 2018, tout en exigeant la mise en place de mesures sanitaires adéquates en cas de nécessité de reprendre le travail.
Revenant aux politiques sanitaires, s’il est vrai que le ministre de la Santé nous assène des statistiques quotidiennes, il n’est guère possible d’en vérifier l’exactitude, souvent mise en doute, en particulier par l’Ordre chilien des médecins, ainsi que par des entreprises privées de mesures statistiques. Ces informations sont diffusées sur des réseaux de communication privés. Résultat : personne aujourd’hui (au 21 mai 2020) ne croit que seulement 485 personnes – soit une moyenne de 30 décès par million d’habitants – ont succombé du fait de la Covid-19. Par ailleurs, si le même ministre a reconnu récemment une augmentation du nombre de morts, il s’est bien gardé de confirmer toutefois une information d’origine privée digne de foi diffusée par des réseaux d’informations sur Internet ou WhatsApp annonçant une forte augmentation des décès dans les semaines à venir, pronostic largement accepté avec inquiétude et tristesse.
En ce qui concerne le système hospitalier public, il a été délaissé pendant la dictature au bénéfice du développement d’un secteur privé de « l’industrie de la santé » – sémantique courante aujourd’hui – florissant, dont la transformation profonde a été l’une des exigences essentielles de la mobilisation sociale qui a agité le pays dernièrement. L’État n’a en effet repris en main une politique de transformation du système hospitalier public que depuis une décennie à peine, essentiellement avec la construction de nouveaux établissements de santé. Cette situation a obligé le ministre de la Santé à intégrer les cliniques privées au système public – aujourd’hui totalement dépassé – en exigeant des investissements urgents, sans doute aux frais de l’État. Le ministre ne donne guère, dans ses interventions, que des informations générales sur la situation hospitalière, d’abord pour cacher la réalité après que le président a déclaré début mars dernier que le Chili disposait d’un des meilleurs réseaux hospitaliers, mais aussi pour ne pas créer la panique auprès des Chiliens. Seuls les médecins ou les membres du personnel hospitalier, dans la mesure du possible, diffusent des nouvelles à ce sujet.
Si l’on regarde de près la réalité des quartiers majoritairement populaires, à Santiago comme en province, les « poblaciones », la situation est très confuse et ne permet pas de se faire une idée des réalités locales, tant en ce qui concerne les chiffres liés à la Covid-19 que les conséquences économiques de la pandémie. En raison de l’abandon quasi généralisé des institutions municipales qui ont épuisé leurs ressources habituelles, de nombreux maires réclament au gouvernement l’octroi de subsides extraordinaires pour assurer un service minimum en faveur des habitants dans les circonstances actuelles, ne serait-ce que pour venir en aide aux « soupes populaires » que les habitants ont commencé à organiser ici et là, créant des campagnes solidaires pour en poursuivre la réalisation, parfois en lien avec des paroisses catholiques, non sans reproduire une pratique en vigueur du temps de la dictature. « De fait, la faim, la pauvreté et la misère ont fait leur réapparition », comme le notait un prêtre français partageant la vie de ces habitants de « poblaciones » depuis plus de vingt ans. En outre, il s’agit aussi de venir en aide de façon urgente aux familles des nouveaux chômeurs ou à celles dont les cantines scolaires ont cessé de servir les repas quotidiens. Dans certaines de ces « poblaciones », la situation est fort complexe du fait de la forte présence de narcotrafiquants qui en ont fait de véritables fiefs, où même les carabiniers – parfois corrompus – n’osent pas s’aventurer. À ces diverses situations, il faut ajouter un certain nombre de manifestations aujourd’hui plus centrées sur la dénonciation de la faim, manifestations souvent accompagnées des mêmes slogans que ceux présents lors de la mobilisation populaire de la fin de l’année 2019-début d’année 2020. Cette mémoire est vivante pour tous ceux qui ont vécu ces manifestations, par exemple, les mobilisations contre la faim évoquées plus haut renvoient à d’autres, comme cette marche organisée malgré le confinement par un groupe de manifestants qui se sont rendus place de la Dignité à Santiago. Quelle ne fut pas notre étonnement de voir des images de toutes ces scènes, même à la télé !
Il est nécessaire cependant de ne pas oublier que les chaînes de télévision ainsi que la presse écrite sont entre les mains de groupes économiques et de grandes entreprises, à Santiago comme dans la plupart des villes de province. Les organes d’informations se montrent globalement au service du gouvernement et sont soupçonnés, à juste titre, d’être protégés par le président. On trouve, heureusement, des chaînes de radio indépendantes. Même si, parfois, les réseaux sociaux transmettent des informations téléguidées par les autorités et erronées, faciles à détecter, l’expérience acquise au cours des derniers mois marqués par la mobilisation populaire s’est vue amplement élargie et augmentée avec la crise liée à la Covid-19. Ces multiples réseaux véhiculent non seulement des informations inédites de tous ordres mais aussi des analyses et des consignes, ces dernières venant d’organisations sociales, certaines d’entre elles se perpétuant depuis la mobilisation sociale du 18 octobre 2019. À signaler aussi, l’usage sur de nombreux réseaux sociaux de l’humour, parfois déchaîné et opportun, comme les Chiliens savent l’employer dans des situations de tension collective et dont le gouvernement et des personnalités publiques font souvent les frais.
En parallèle à ces réseaux sociaux, l’emploi d’Internet a permis un développement inédit amplement partagé dans tous les secteurs de la société compensant l’information présidentielle. Mais il reflète aussi d’une façon ou d’une autre les inégalités sociales et économiques. De nombreuses techniques au service de la production d’information et de la communication – les visioconférences ou téléréunions, y compris familiales – augurent une évolution prometteuse dans les télécommunications au Chili. Je me permets d’ajouter que le texte que vous lisez est le fruit de ces réseaux de communication. En effet, profitant du confinement infligé à la région métropolitaine, un certain nombre d’amis chiliens ont accepté de se mobiliser – « chacun chez soi » – pour y collaborer à leur façon.
Ce texte n’est certes pas le lieu adéquat pour faire une analyse détaillée des conséquences économiques prévisibles de la pandémie au Chili. Même s’il est vrai que la conduite de l’économie du Chili a été relativement stricte quant aux équilibres macroéconomiques et financiers au cours des dernières décennies – le pays étant toutefois considéré comme l’une des sociétés les plus inégalitaires du monde –, les quelques timides mesures prises lors de la mobilisation sociale du début de l’année n’ont guère altéré cette situation vu la faiblesse des fonds destinés à satisfaire quelques-unes des demandes exprimées par l’ensemble de la société chilienne. En raison des nécessités de tous ordres dues à la Covid-19 récemment apparue au Chili, le président Sebastian Piñera a accepté de débloquer une somme relativement élevée pour tenter d’enrayer la débâcle économique prévisible – PIB du premier trimestre 2020 de 0,4% –, sans en faire la présentation au Parlement, somme qui, en réalité, a favorisé des groupes économiques et des grandes entreprises, et ce dès l’arrivée de la Covid-19. Le président a ainsi réaffirmé la relation privilégiée qu’il entretient avec ses alliés stratégiques pour ne rien changer au système socioéconomique dominant. Il est apparu dernièrement, par exemple, recevant avec ostentation un lot de respirateurs artificiels pour le traitement des malades de la Covid-19 en réanimation offert par l’association nationale des entreprises chiliennes, équivalent du Medef français.
L’évolution de la situation a bientôt contraint le président Sebastian Piñera à prendre des mesures peu coûteuses pour sauver la face en raison du pronostic d’un chômage élevé, se référant, dans une de ses nombreuses interventions, à un million de chômeurs, sans qu’on puisse vérifier l’exactitude d’un tel chiffre. Toutefois, si, en mars dernier, selon les statistiques du gouvernement le chômage était de 4,5%, il serait obligé d’annoncer 14,7% pour avril, soit environ 1 500 000 travailleurs. Cette réalité a poussé le président à faire voter par le Parlement une loi dite « Protection de l’emploi », l’opposition n’y ayant apporté que quelques modifications mineures. Certains observateurs estiment que cette loi bénéficierait à quatre millions de travailleurs et travailleuses, soit près de 50% de la force de travail. Pour l’ensemble des travailleurs, quelle que soit aujourd’hui leur situation, les mesures destinées à leur procurer des ressources sont relativement compliquées et sujettes à de nombreuses critiques essentiellement en raison de leur insuffisance, critiques issues des partis d’opposition mais aussi de la part de nombreux membres d’un parti de la majorité présidentielle, Rénovation nationale. Le calcul de l’indemnité chômage allouée dépend du dernier emploi et, pour de nombreux chômeurs récents, celui-ci ne leur permettra de recevoir qu’une indemnité correspondant à son montant minimum – soit 115 euros mensuels –, rendant compte ainsi de la précarité de nombreux emplois.
Fervent pragmatique, Sebastian Piñera a dû créer d’autres mesures au bénéfice des travailleurs indépendants, au nombre d’un million et demi selon lui, et de 2 millions de travailleurs du secteur informel. Il a aussi annoncé la remise d’un capital aux banques destiné aux TPME sous forme de crédits. Aucun bénéficiaire de ces mesures n’en est satisfait, en raison de leur manque de planification et des méthodes de distribution régies par le principe du moindre coût.
L’ensemble de ces diverses mesures ne dépassant pas les 7% du PIB chilien, face à une dette de 28% du même PIB, un certain nombre d’économistes de tout bord estiment qu’il existe une marge de manœuvre permettant des dépenses bien supérieures, en particulier dans le domaine social. Récemment, selon son habitude, le président a dû prendre la décision évoquée plus haut de répondre aux manifestations contre la faim, estimant sauver ainsi – croit-il – sa cote de popularité de 23%, selon la seule enquête récente faite par une entreprise peu fiable. Ayant voulu attribuer à son seul mérite cette décision de distribuer deux millions et demi de colis alimentaires, il n’a pas voulu charger les municipalités de le faire, ce que de nombreux critiques ont jugé pratiquement impossible. Nous avons eu droit à une grande mise en scène télévisée lors du don du premier colis par le président lui-même, qui n’a pas manqué de rappeler le slogan créé par lui pour cette occasion : « Des aliments pour le Chili ». Une fois encore, le manque total d’anticipation et, partant, de planification va rendre l’opération fort lente et coûteuse. Au lieu de remettre des bons d’achat remboursables permettant de se fournir auprès des petits commerçants locaux, Sebastian Piñera s’est tourné vers une importante chaîne de vente au détail – secteur en général bien approvisionné mais aux produits le plus souvent aux prix augmentés – située à cinq cents kilomètres de Santiago et appartenant à un groupe économique, également propriétaire d’organes de communication. On ne peut que constater que la « corruption » est toujours endémique dans ce système socioéconomique…
Avec l’omniprésence de Sebastian Piñera dans les médias, nous avons quasiment perdu l’habitude d’être tenus informés des faits ou des prises de position des responsables politiques d’opposition, sauf de la part de ceux issus des partis de la droite conservatrice ou de membres d’organisations sociales qui leur sont proches. L’absence des figures d’opposition sur la scène publique dans les semaines qui ont suivi la mobilisation sociale d’octobre dernier devient de plus en plus préoccupante et les efforts pour former des référents politiques nouveaux n’ont pas encore réussi à porter leurs fruits. Ce vide est ressenti d’autant plus violemment qu’il révèle une absence de leaders, laissant le terrain libre au populisme d’extrême droite. Au Parlement, Sebastian Piñera et les partis qui le soutiennent n’ont pas la majorité et, malgré cela, les partis dits d’opposition, constitués par la majorité ayant soutenu le dernier gouvernement de Michelle Bachelet, ne parviennent pas toujours à former un front commun pour modifier ou améliorer les projets de loi présentés par le président, livrant même parfois un spectacle affligeant que les médias ne manquent pas d’exploiter. Cependant, il arrive que l’opposition parlementaire se montre ferme face à une initiative du gouvernement, attitude largement approuvée par l’opinion publique dans la mesure où l’information est disponible et accessible. C’est ce qui est arrivé lors de la présentation par Sebastian Piñera d’un projet de loi qu’il a lui-même nommé – « le revenu familial d’urgence » – et qu’il a présenté sur une chaîne nationale, vu l’importance qu’il lui accordait, un projet déjà ancien et resté dans les oubliettes du Parlement. Les parlementaires d’opposition estimèrent inacceptable et inapplicable le montant proposé, qui plus est dégressif et d’une durée ridicule de trois mois. Mais le président s’entêta et utilisa un mécanisme juridique pour obtenir son approbation.
La Covid-19 a éclipsé la préoccupation, aux conséquences économiques et sociales inconnues, liée à une sécheresse qui s’annonce redoutable, dès l’orée de l’hiver, pour une seconde année consécutive dans les deux tiers de la partie nord du pays, au point que surgit à nouveau la problématique de l’eau, abordée lors de la mobilisation sociale réclamant avec force la nationalisation de l’eau, propriété privée – oui, vous avez bien lu – depuis la dictature ! Situation constitutionnelle qu’aucune majorité parlementaire qualifiée n’a pu modifier depuis lors…