Comment démocratiser l’enseignement supérieur quand des élèves issus notamment des classes moyennes doivent recourir à l’emprunt pour financer leurs études ? Pour Sandrine Doucet, la puissance publique a les moyens d’apporter des solutions dans ce contexte d’insécurité professionnelle.
Lorsqu’une chaîne du service public montre une jeune fille confier son avenir à un banquier en empruntant 50 000 euros qu’elle remboursera à la fin de ses études, à raison de 700 euros par mois, le spectateur est pris de vertige et s’interroge : si les perspectives scolaires offertes par le baccalauréat se concrétisent grâce au crédit, le banquier est-il le nouveau conseiller d’orientation des étudiants ?
A rebours de cette tendance, le rapport de la StraNES (Stratégie nationale de l’enseignement supérieur) prône une autre vision de l’enseignement supérieur : celle d’une société apprenante.
La plus emblématique des mesures proposées par le rapport distingue la démocratisation de la massification : il s’agit d’atteindre 60 % de diplômés du supérieur dans une classe d’âge. Au fond, il s’agit de réussir le même pari que celui qui a été fait pour le secondaire dans les années 1970, époque où 25 % seulement des jeunes passaient le baccalauréat. La stabilisation des frais d’inscription à l’université est alors indispensable et, sur ce point, la France se distingue des autres pays européens par son système de bourses et ses frais universitaires relativement bas. Il n’en demeure pas moins que la crainte de l’avenir a fait de la sélection post-bac un enjeu majeur, conduisant les filières du supérieur à opérer un tri plus social que scolaire.
Entre les classes préparatoires à l’entrée sélective et l’université qui rebute par la massification qu’elle inspire, nombre d’écoles ont établi leur champ de prospection. Si certaines justifient les frais d’inscription, d’autres construisent leur attractivité sur l’inquiétude des jeunes. La plupart des écoles ne peuvent accorder aux élèves le statut d’étudiants, les privant ainsi des services universitaires, puisqu’elles ne sont pas reconnues par le ministère de l’Enseignement supérieur mais les frais d’inscription oscillent généralement entre 5 000 et 11 000 euros l’année.
Si la dette étudiante en France est de 3 milliards d’euros – ce qui n’est pas grand chose au regard de celle des Etats-Unis : 1 100 milliards d’euros – elle est en progression constante.
Aussi, dans la logique d’une éducation pour tous, la France privilégie la construction d’un modèle plus solidaire. L’ancienne secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et la Recherche Geneviève Fioraso avait réussi, lors des débats entre pays de l’Union européenne sur le fonctionnement des mobilités dans le cadre d’ERASMUS +, à ne pas faire de la mobilité des étudiants une source d’endettement. La généralisation du principe de caution locative offerte par l’Etat depuis la rentrée 2015 fournit un autre exemple de mesures qui permettent d’accompagner la jeunesse sur la voie de l’autonomie sans qu’elle soit contrainte de s’endetter démesurément. Ces pistes sont à amplifier puisqu’elles évitent aux étudiants de commencer leur vie active dans la précarité.
Le retour de la puissance publique dans l’enseignement supérieur se précise : le banquier, c’est elle !