Le ministère des Affaires étrangères traverse une crise de sens qui n’épargne pas le rayonnement culturel et la diplomatie dite d’influence. Les Grecs proposent des pistes d’action et de réforme, dans lesquelles le ministère de la Culture et les opérateurs culturels ont un rôle à jouer.
Synthèse :
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Les difficultés de l’action culturelle extérieure de la France sont de plusieurs ordres, tout comme les marges de manœuvre et les réformes possibles. L’action culturelle extérieure doit d’abord faire face à la mondialisation et à l’émergence de nouvelles puissances culturelles, qui remettent en question l’exception culturelle à la française. En outre, le manque de poids de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), chère à la France, s’avère problématique. Qui plus est, l’absence de réflexion et de doctrine claire quant à la place qui doit revenir à la culture dans la sphère diplomatique française tend à amoindrir clairement son rayonnement international.
En outre, les formes de son action extérieure se sont peu transformées, et ce malgré la mondialisation et les nombreuses évolutions dans le domaine culturel. Sans évolution en termes d’effectifs, de compétences et de moyens, le réseau culturel français ne s’est pas pensé hors des frontières traditionnelles (aire européenne notamment) et ne s’est pas redéployé vers les nouveaux pôles mondiaux de création et de pratique. L’absence de dynamique s’explique en outre par les coupes budgétaires drastiques au sein du ministère des Affaires étrangères. De plus, la persistance d’un double réseau dans le domaine culturel, à la fois national avec le ministère de la Culture et international avec le ministère des Affaires étrangères, semble mettre à mal la vitalité culturelle du pays. Par ailleurs, il apparaît que les évolutions et les outils contemporains (virage numérique, manifestations culturelles sans innovations) n’ont pas été intégrés par les acteurs de la diplomatie culturelle, ajoutés à la régression de l’usage du français dans les enceintes communautaires, qui affaiblit de fait la diversité culturelle, l’une des conditions pour garantir l’harmonie internationale.
Il est notable que la réforme des structures de la coopération culturelle internationale n’a pas permis une rénovation de l’action culturelle extérieure. En effet, la création de la Direction générale de la mondialisation et des partenariats (DGM), dans le cadre Révision générale des politiques publiques lancée en 2008, ainsi que la transformation de l’association Culturesfrance en Institut français le 1er janvier 2011, apparaissent comme des tournants partiellement manqués, d’où se dégage une absence totale de cohérence politique et de cadre conceptuelle.
Bien que le bilan de l’action culturelle extérieure française comporte des points de réjouissance (présence de 400 Alliances françaises dans le monde, image culturelle de la France qui reste l’un des principaux vecteurs de son influence et de son attractivité), le manque d’importance accordée à la culture au sein de la diplomatie, ajoutée au malaise des acteurs œuvrant pour le rayonnement culturel français dans le monde tend à entraîner des réformes et des adaptations justes et cohérentes.
Il s’agit dans un premier temps de tenir compte du changement de l’environnement culturel, et ce en adaptant la carte du réseau culturel français. En répondant dans le même temps à une logique économique, il convient de redéployer et réorganiser les priorités françaises, en renforçant notamment les moyens du réseau dans les pays émergents, en régionalisant certains postes, en approfondissant et en adaptant la relation avec les autres acteurs de la présence culturelle française, et en redéfinissant la doctrine même de l’action culturelle extérieure française. D’une manière générale, les modalités d’intervention doivent être adaptées à chaque configuration locale, en intégrant pleinement les opérateurs culturels, sectoriels, d’enseignement et de formation, ainsi que les collectivités.
Dans un second temps, il est souhaitable de retrouver une pratique interministérielle du rayonnement culturel, comme le préconisait le Livre blanc de 2008. Le ministère des Affaires étrangères n’a pas vocation à assurer lui-même touts les fonctions de l’action culturelle extérieure, et n’en a pas les moyens ni les compétences. L’action culturelle à l’étranger doit réintégrer pleinement le ministère de la Culture.
Enfin, il convient de mener à bien la création de l’Institut français, et consolider le système formé par ce nouvel opérateur et ses tutelles. Aboutissement d’un consensus parlementaire assez large, l’Institut français doit de fait être sous la tutelle de tous les services compétents et ministères concernés (notamment le ministère de la Culture), qui définiraient les orientations stratégiques claires et adaptés aux nouvelles réalités mondiales. Il s’agirait également d’encourager les relations entre l’Institut français et les Alliances françaises pour éviter toute tentation de compétition.
En outre, l’action culturelle extérieure de la France doit continuer de s’exprimer dans les instances européennes et multilatérales, en sortant de la simple position de « rayonnement » conquérant. La culture pourra alors retrouver sa dimension complète et primordiale dans le développement durable et l’harmonie internationale.