La puissance stratégique et militaire chinoise

La croissance économique de la Chine a eu pour corollaire une évolution rapide de ses moyens militaires et de ses ambitions stratégiques. Mais cette superpuissance régionale ne doit pas être source de crispations. Son émergence offre de nombreuses opportunités à la France, à condition de repenser notre rapport stratégique à la Chine.

La Chine est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale et son budget de la défense, en augmentation de près de 500% depuis 2000, connaît une croissance toute aussi rapide. Alors que cette émergence s’accélère, on peut légitimement s’interroger sur la nature des intentions militaires chinoises.
Face à l’évolution des menaces, l’armée populaire de Libération (APL) se réforme peu à peu en une armée plus moderne et recherche les moyens d’une domination technologique lui permettant de projeter sa puissance loin de ses côtes. Pour ce faire, elle s’appuie essentiellement sur la cyberguerre et les moyens antisatellites d’une part. La croissance et la modernisation de sa marine d’autre part, priorité très affirmée. La multiplication du nombre de sous-marins (plus de 65), la modernisation de la base de Hainan, ou le projet de posséder deux porte-avions en témoignent.
L’APL est ainsi devenue active dans la lutte contre le terrorisme ou la piraterie. Elle participe également à des opérations humanitaires et de maintien de la paix dans un cadre multilatéral.
Outre la question sensible de Taïwan, la Chine a la volonté de renforcer son contrôle sur la mer de Chine, afin de protéger ses voies d’approvisionnement en matières premières (dont 80% se font par voie maritime), en créant un réseau de points d’appui militaires jusqu’au Moyen-Orient, en passant par le détroit stratégique de Malacca. Cette “stratégie du collier de perles” pose néanmoins la question du respect de la liberté de navigation dans ces zones, un point sur lequel nous devons rester vigilants
La France doit repenser son rapport à la future puissance militaire dominante dans la région
La France pourrait être plus présente dans la région d’influence de la Chine. Cela veut dire, en préalable, être capable de sortir d’une relation crispée sans cesse soupçonneuse. Elle pourrait par exemple travailler de manière visible avec le groupe des six à la résolution des tensions entre les deux Corées et aux questions de non-prolifération dans la zone. Mais la France peut aussi chercher à s’affirmer dans les relations bilatérales.
La coopération technologique et scientifique pourrait ainsi être renforcée, même s’il faut rester très vigilant sur les risques inhérents aux transferts de technologies. Les exercices communs pourraient également être approfondis.
De même, la coopération avec la Chine en matière de lutte contre la piraterie ou contre les groupes terroristes dans le Sahel, pourrait s’accentuer. C’est un sujet important pour les Chinois et sur lequel ils sont encore peu expérimentés. Nous aurions également intérêt à engager un véritable dialogue politico-stratégique sur les problématiques de dissuasion et de prolifération.
On pourrait enfin envisager la création d’un programme spécial de formation des officiers supérieurs chinois dans une grande université française. Ce programme permettrait une meilleure connaissance réciproque et un repérage des futurs grands dirigeants militaires, ainsi que davantage de possibilités discrètes d’influer sur cette puissance.
Cependant, toute évolution significative de notre rapport à la Chine reste liée à la question de l’embargo européen sur les ventes d’armes, mis en place après les évènements de Tiananmen. Un travail de fond doit être mené, avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, sur les conditions qui influencent la décision européenne. Néanmoins, étant donné les risques d’une décision de levée de l’embargo européen sur la qualité des relations euro-asiatiques et transatlantiques, une évaluation objective de l’état des rapports de force dans la région et des intentions de chacun devra être menée.
La modernisation des forces armées chinoises apparaît comme une conséquence, logique et légitime, de sa montée en puissance économique. Nous disposons d’atouts permettant de proposer à la Chine des coopérations mutuellement bénéficiaires dans de nombreux domaines ou nous possédons une expertise reconnue. Mais saurons-nous profiter de cette nouvelle source d’opportunités ? Nous devons, avec nos partenaires européens, dépasser les stratégies de containment et les crispations de type « guerre froide », afin d’établir une véritable relation militaire et stratégique avec la nouvelle superpuissance de l’Asie.

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