Quelles évolutions et continuités de la politique de défense en France et en Allemagne suite à la guerre en Ukraine ? Pour y répondre, un projet conjoint de réflexion a été mené entre la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation Friedrich-Ebert, donnant lieu à une analyse de la politique française en matière de défense par Renaud Bellais et Axel Nicolas, directeurs de l’Observatoire de la défense de la Fondation Jean-Jaurès, et à une analyse de la politique allemande (disponible également en allemand) par Peer Teschendorf, conseiller sur la politique extérieure et de sécurité à la Fondation Friedrich-Ebert, dont cette note est issue.
Le 27 février 2022, trois jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le chancelier allemand annonçait, dans un discours au Bundestag, l’avènement d’un « changement d’époque », articulé autour de deux grandes orientations : la reconnaissance d’une nouvelle donne géopolitique mondiale et le retour en force de la question militaire – deux tournants majeurs dans la politique étrangère, de sécurité et de défense de l’Allemagne qui font depuis l’objet de débats controversés. Pour comprendre l’importance de ces questions, il convient de revenir sur l’histoire de la République fédérale d’Allemagne.
Lors de la création de la République fédérale en 1949, les deux États allemands (RDA et RFA) se retrouvèrent en première ligne du conflit qui s’intensifiait entre les blocs de l’Ouest et de l’Est. La perspective d’un réarmement dans le pays à l’origine des deux guerres mondiales suscitait alors une grande réticence. Non seulement au sein de cette république nouvellement créée à l’Ouest, qui s’efforçait de mettre à distance son passé belliciste, mais aussi chez ses voisins immédiats. Ces inquiétudes furent apaisées par l’adhésion aux systèmes d’alliances occidentales (d’abord l’OTAN, puis la Communauté économique européenne) ainsi que par l’instauration d’un contrôle démocratique des forces armées.
Créée en novembre 1955, la Bundeswehr fut à ses débuts la première armée d’Europe de l’Ouest, au moins numériquement. Cependant, l’opinion publique allemande et les représentants politiques allemands demeuraient réticents, voire hostiles, au recours à la force armée en politique étrangère. L’Allemagne s’efforça donc de remplir ses obligations diplomatiques et militaires au sein des alliances, sans développer de stratégie spécifique en matière de politique étrangère et de sécurité. Seule l’Ostpolitik1Politique initiée par le chancelier SPD Willy Brandt (1969-1974) visant à normaliser les relations avec l’Union soviétique, l’Allemagne de l’Est (RDA) et les autres pays du bloc communiste afin d’assurer la paix et la sécurité en Europe., menée dans l’objectif de la réunification allemande, fit ici exception en tant que politique relevant des affaires intérieures allemandes. L’opinion publique allemande dans son ensemble restait antimilitariste. En 1979, la « double décision » de l’OTAN de déployer des missiles Pershing II dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, provoqua des protestations massives et l’émergence d’un nouveau mouvement pacifiste. La politique de défense suscitait alors encore une grande inquiétude dans l’opinion publique allemande.
À la suite de la réunification allemande, permise par la disparition de l’Union soviétique, l’Allemagne cessa soudainement d’être sur la ligne de front. Ses voisins commencèrent à observer attentivement ce nouvel État devenu le plus peuplé d’Europe. Le traité dit « traité 2+4 »2Signé à Moscou en 1990, le « traité 2+4 », ou traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, fut conclu entre la République fédérale d’Allemagne, la République démocratique allemande et les quatre puissances occupantes (États-Unis, URSS, France et Royaume-Uni). rétablit la pleine souveraineté de l’Allemagne, limitée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il imposa également certaines restrictions aux forces armées allemandes. Ces conditions ne posaient aucun problème à ses dirigeants qui voyaient désormais l’Allemagne entourée de pays alliés au cœur du continent européen, protégée par l’OTAN et connectée au monde entier grâce à des relations commerciales intensifiées par la mondialisation. L’Allemagne pouvait se passer d’une grande armée car une guerre en Europe semblait alors improbable. En outre, les dirigeants allemands restaient très réticents à s’engager militairement dans des conflits à l’étranger.
Le pays commença à profiter pleinement des « dividendes de la paix », en se contentant, pour toute politique de sécurité, d’observer ses engagements au sein des systèmes d’alliances et de favoriser le commerce extérieur.
Cette stratégie entrait pleinement en résonance avec une opinion publique à la fois soucieuse de voir l’Allemagne jouer le rôle d’une puissance civile et commerciale et critique à l’égard de l’interventionnisme américain. Cette position confortable au centre de l’Europe entrava cependant la capacité de l’Allemagne à s’adapter à l’évolution du contexte européen et mondial. Même l’annexion de la Crimée par la Russie, qui mit fin à l’ordre de sécurité européen institué par la Charte de Paris3Adoptée par 34 pays à l’issue du sommet de Paris organisé par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, devenue l’OSCE, en novembre 1990., ne provoqua pas de changement significatif au sein de l’opinion allemande.
C’est sur le fond de cet héritage historique que s’inscrit le discours du chancelier Scholz de février 2022. Il sonne la fin de l’époque des dividendes de la paix et annonce le retour en force de la politique de défense en raison d’un changement d’époque.
Dans cette note seront présentées les grandes lignes de la politique de défense de l’Allemagne afin de mettre en évidence les changements consécutifs à la guerre en Ukraine. L’objectif est d’aider les lecteurs français à mieux comprendre les spécificités des institutions et des procédures allemandes afin de faciliter le dialogue bilatéral sur la défense et la politique internationale. Nous chercherons donc à clarifier les fondements de la politique de défense et à souligner les différences avec la politique de défense française de façon à élaborer des solutions communes aux défis actuels.
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Abonnez-vousUne nouvelle donne géopolitique mondiale : les conséquences de la guerre en Ukraine
La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a pris le gouvernement allemand au dépourvu. Concentrée sur son agenda de réforme, la coalition tripartite au pouvoir depuis peu considérait la politique de défense comme secondaire. La nécessaire réforme de la Bundeswehr en matière d’équipement, de personnel, de budget et d’administration était certes revenue sur le devant de la scène depuis plusieurs années, mais elle ne faisait pas partie des priorités du gouvernement pour la modernisation de l’Allemagne.
La guerre en Ukraine a contraint la coalition au pouvoir à revoir considérablement ses objectifs politiques. Dans son discours annonçant « un changement d’époque », le chancelier allemand donna le ton en annonçant la création d’un fonds spécial doté de 100 milliards d’euros pour la modernisation de la Bundeswehr. Les capacités militaires insuffisantes, le manque de stocks de munitions et la vétusté des équipements ont soudainement occupé une place centrale dans les débats. Par la même occasion, l’un des principaux engagements de la coalition tripartite en matière de politique étrangère, à savoir de ne pas fournir d’armes dans des zones de conflit, a été remis en question.
Des changements politiques majeurs ont été mis en œuvre depuis. Certaines dépenses en matière d’équipements militaires, repoussées depuis des années, ont aussitôt été engagées. Outre l’acquisition de drones armés, l’Allemagne a décidé de remplacer sa flotte vieillissante d’avions de combat Tornado, indispensable pour assurer la contribution allemande à la mission nucléaire de l’OTAN, par des F-35. Le caractère d’urgence des acquisitions de la Bundeswehr explique la commande d’avions américains. En principe, les équipements européens sont privilégiés, mais uniquement s’ils sont disponibles rapidement de manière à combler les carences de matériel. La volonté de réduire rapidement les importantes lacunes capacitaires impose aujourd’hui l’acquisition de produits déjà développés et disponibles sur le marché. Si cette démarche se fait de prime abord au détriment de la production européenne, elle réduit le temps consacré à la recherche du produit optimal pour lequel les exigences excessives de la Bundeswehr avaient tendance, jusqu’à présent, à allonger considérablement les délais d’acquisition. Or, le manque d’efficacité de l’administration de la Bundeswehr fait l’objet d’une attention accrue. Sa culture de prudence, en particulier dans le domaine des achats, s’explique notamment par la méfiance de la population à l’égard des programmes d’armement. Une réforme en cours prévoit de simplifier les procédures internes et de recourir aux exceptions prévues par le droit européen pour les marchés publics dans le domaine de la sécurité nationale.
Les achats au sein de la Bundeswehr Toutes les acquisitions de matériel de défense passent par l’Office fédéral de l’armement, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr (BAAINBw) à Coblence. Créé en 2012, cet organisme est responsable du développement, des essais et de l’acquisition du matériel de défense. La concentration de ces tâches au sein d’une seule entité fut décidée dans un contexte de restriction budgétaire afin d’optimiser les acquisitions d’équipements militaires selon des critères économiques. La mise en œuvre juridiquement irréprochable et économiquement efficace des besoins exprimés par les unités opérationnelles était jugée prioritaire, au détriment de la rapidité des achats. L’Office dispose au total d’environ 12 500 postes pour accomplir ces tâches, mais près de 2 200 d’entre eux sont actuellement vacants, entraînant des retards considérables. La lenteur des procédures ainsi que la culture du contrôle et de la prudence font l’objet de critiques fréquentes et sont actuellement repensées en profondeur. |
Les lacunes capacitaires sont devenues flagrantes dès le début de la guerre en Ukraine. Après la fin de la guerre froide, la faible probabilité d’une nouvelle guerre et les exigences de maîtrise du budget de l’État avaient restreint l’action de la Bundeswehr en la recentrant sur les interventions internationales. Malgré les vifs débats qu’elle a suscités, la première opération militaire extérieure de la Bundeswehr, menée au Kosovo en 1999, a ouvert la voie à d’autres actions en faveur du maintien de la paix, davantage acceptées par la société allemande. Les troupes lourdement équipées ont été progressivement remplacées par des unités adaptées à un déploiement rapide, équipées en fonction des besoins de chaque opération, selon un principe d’utilisation commune d’équipements mutualisés.
C’est à la suite de l’annexion de la Crimée en 2014 que la défense du territoire national et des alliés est redevenue la mission principale de la Bundeswehr. Cependant, ce n’est qu’avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie que la dotation en moyens adéquats s’est muée en objectif politique clair et accepté par l’opinion publique. Toutefois, la résurgence d’objectifs de défense nationale et otanienne ne constitue pas un simple retour aux modèles de défense antérieurs, mais s’accompagne de nouvelles exigences. À l’époque de la guerre froide, la mission de la Bundeswehr consistait à lutter contre une éventuelle attaque de l’Union soviétique aux portes de l’Allemagne. La Bundeswehr doit désormais assurer le déploiement sur de longues distances des unités militaires et leur ravitaillement dans les zones d’intervention de l’OTAN, ce qui nécessite des moyens logistiques appropriés. Dans un avenir proche, le rétablissement de la capacité de défense du pays et de l’OTAN mobilisera entièrement la Bundeswehr et limitera les opérations hors de l’Europe.
La guerre en Ukraine a également érodé la confiance de certains partenaires de l’Allemagne, notamment en Europe de l’Est. Le manque de fermeté du gouvernement, sa politique russe controversée de temporisation et les accointances personnelles de certains politiciens de haut rang avec le Kremlin ont entaché la réputation de l’Allemagne. À l’aube de ce changement d’époque énoncé par le chancelier Scholz, le gouvernement fédéral doit démontrer sa volonté de défendre ses partenaires de l’OTAN. Le renforcement de la présence militaire allemande dans les pays baltes et le projet de bouclier antimissile European Sky Shield Initiative contribuent à restaurer une certaine confiance. Les objectifs du gouvernement fédéral sont clairs : redresser les capacités opérationnelles de la Bundeswehr, intervenir dans le cadre de l’OTAN et encourager la croissance à moyen et à long terme de l’industrie européenne de la défense. Les nouvelles avancées obtenues après les pourparlers entre le ministre de la Défense allemand et son homologue française concernant le développement conjoint du Système principal de combat terrestre (MGCS), incluant un projet de char franco-allemand, illustrent la détermination du gouvernement fédéral à investir dans les technologies européennes sur le long terme.
Enfin, la position longtemps hésitante sur la livraison d’armes lourdes à l’Ukraine a également été reconsidérée. L’Allemagne est devenue son troisième plus grand fournisseur d’aide militaire et son deuxième en matière d’aide humanitaire.
Changement de ton dans l’opinion publique
La guerre en Ukraine a profondément heurté l’opinion publique allemande. L’inquiétude face aux conflits armés s’est accrue, tandis que la perception de la Russie s’est fortement détériorée. La Russie est de nouveau considérée comme la plus grande menace pour la paix en Europe. En 2019, ce danger était imputé aux États-Unis (39%), devant la Russie (15%). En 2023, la Russie l’emporte largement (76%)4Voir à ce sujet les publications Security Radar de la Friedrich-Ebert-Stiftung en 2019 et 2023.. Des certitudes fondamentales ont ainsi été ébranlées. Contrairement à certaines perceptions, l’Allemagne n’est pas un pays résolument pacifiste. La population allemande perçoit favorablement l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN et reconnaît l’importance de la Bundeswehr. Toutefois, la population allemande reste antimilitariste et partisane d’une certaine retenue en matière de politique étrangère. Ainsi, le concept de « puissance civile » se caractérise par une préférence pour les instruments non militaires, voire une surestimation de la voie diplomatique dans les situations de crise et de guerre.
Dans le cadre du soutien à l’Ukraine, la majorité de la population allemande déclare néanmoins être favorable à la livraison d’armes lourdes. La population allemande approuve l’augmentation des dépenses consacrées à l’équipement de la Bundeswehr, ce qui constitue une nette rupture avec les tendances d’opinion antérieures.
Pourtant, la population allemande reste fidèle à sa position anti-militariste, une majorité croissante d’Allemands souhaitant davantage d’efforts diplomatiques pour résoudre le conflit ukrainien. Les opérations militaires extérieures continuent d’inspirer une certaine méfiance. Selon un sondage réalisé par le Centrum für Strategie und Höhere Führung pour son rapport sur la sécurité (Sicherheitsreport) en 2023, seuls 48% des personnes interrogées seraient prêtes à approuver la défense par des moyens militaires d’un partenaire de l’OTAN en cas d’attaque de ce dernier. Dans l’ex-Allemagne de l’Est, ce chiffre tombe à 30%. Malgré une réelle adhésion de la population à l’OTAN, le scepticisme persiste quant à l’engagement de troupes allemandes à l’étranger.
Il convient de préciser que l’opinion publique de l’ex-Allemagne de l’Est se démarque sensiblement de celle observée à l’ouest de l’Allemagne. Alors que le soutien humanitaire à l’Ukraine reçoit la même adhésion qu’à l’Ouest, le soutien militaire y est nettement moins bien admis. Les attentes en matière d’efforts diplomatiques sont, quant à elles, plus importantes.
Enfin, en ce qui concerne le budget de l’armée allemande, il est difficile de prévoir le degré d’approbation par la population allemande de nouvelles augmentations budgétaires en matière de défense. L’Allemagne doit conjointement faire face à la hausse de ses dépenses de sécurité et de défense ainsi qu’à la nécessaire adaptation de son économie au changement climatique. Or, son modèle économique, très dépendant de la conjoncture internationale, est mis à rude épreuve par la fragmentation croissante du commerce mondial. Ces défis soulèvent des enjeux d’orientation des dépenses publiques qui pourraient remettre en cause un surcroît d’effort en faveur de la défense.
Les processus décisionnels de la politique de défense
Le contrôle démocratique auquel est soumise l’armée conditionne la politique de défense dans son ensemble. La Loi fondamentale adoptée en 1949 ne prévoyait aucune réglementation propre aux forces armées. Il était alors impossible de concevoir une nouvelle armée allemande, quelques années seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est seulement en mars 1956, lors d’une révision constitutionnelle (Wehrverfassung), que la Bundeswehr sera constituée, révélant une position prudente sur cette question.
La Bundeswehr peut opérer sur le territoire national uniquement en cas de catastrophes naturelles ou de situations d’urgence et à l’étranger dans le cadre exclusif d’accords de sécurité collective. En d’autres termes, les opérations extérieures de la Bundeswehr se limitent aux missions de l’OTAN, de l’UE et de l’ONU. La Loi fondamentale prévoit que le ministre de la Défense exerce, en temps de paix, l’autorité et le commandement sur les forces armées. Ce pouvoir passe au chancelier en cas d’agression ou de menace imminente d’agression du territoire.
La Bundeswehr est une armée parlementaire (Parlamentsarmee). En effet, c’est le parlement fédéral (Bundestag) qui statue sur la réalité du conflit armé et qui légifère en matière de défense en déterminant le budget et par conséquent les capacités et les équipements de la Bundeswehr. Le Bundestag doit également donner son accord pour toute acquisition de plus de 25 millions d’euros et exerce un contrôle sur la commission de la défense du Bundestag. Cette commission est la seule du Bundestag à pouvoir se constituer, à la demande du quart de ses membres seulement, en commission d’enquête habilitée à interroger des témoins et à exiger des documents. Le Parlement est assisté par le Commissaire parlementaire aux forces armées, qui représente les intérêts des soldats au sein du Parlement et auprès de l’opinion publique et garantit le respect de leurs droits fondamentaux.
Le contrôle parlementaire est particulièrement strict à l’égard des opérations militaires extérieures. Ces dernières sont autorisées pour une durée maximale de douze mois et éventuellement prolongées chaque année. En cas d’urgence, comme lors de l’évacuation des ressortissants de l’Union européenne au Soudan, le gouvernement fédéral peut déployer des forces armées sans approbation préalable du Parlement. Cependant, la loi dispose que cette approbation doit alors être obtenue « sans délai ». Si le Parlement se prononce contre l’intervention, celle-ci doit prendre fin. La quantité d’informations examinée varie selon l’ampleur de la mission. La procédure parlementaire peut être rapide ou donner lieu à de longs débats. Les procédures exactes sont régies par la loi sur la participation parlementaire à la décision d’engagement des forces armées à l’étranger, promulguée en mars 2005.
La planification à long terme de la politique de sécurité et de défense donne lieu à la publication de livres blancs de la défense, dont le dernier a été publié en 2016. Originellement axés sur les aspects militaires, ces documents stratégiques ont progressivement intégré les enjeux de politique étrangère, de sécurité et de défense, ouvrant la voie à la première Stratégie de sécurité nationale adoptée en juin 2023. Les livres blancs et la Stratégie de sécurité nationale découlent d’une culture politique marquée par le consensus au sein d’une démocratie parlementaire reposant sur des gouvernements souvent en coalition. De ce fait, les documents stratégiques exposent souvent des concepts larges et des principes très larges plutôt que des points précis. Quoique non contraignants et très généraux, ces documents stratégiques garantissent néanmoins une meilleure acceptation par l’opinion publique des enjeux controversés de sécurité et de défense. C’est dans le document intitulé « Profil capacitaire de la Bundeswehr », dont la dernière version date de 2018, que sont précisées les étapes concrètes de développement de la Bundeswehr à long terme.
Dans le cadre du changement d’époque annoncé par le chancelier allemand, l’attention croissante portée à la politique de défense a favorisé l’élargissement du débat autour des documents stratégiques. Des experts et la société civile ont été consultés dès la rédaction du livre blanc de 2016. Cette démarche s’est poursuivie lors de l’élaboration de la Stratégie de sécurité nationale, dans l’intention claire de proposer une base de discussion à l’opinion publique. Une telle ouverture du débat permettrait de modifier durablement les processus décisionnels en matière de défense dans la démocratie parlementaire allemande basée sur le consensus, ce qui serait un apport fondamental de la nouvelle ère.
Le budget de la défense
Après la fin de la guerre froide, le budget militaire allemand a été considérablement réduit, bien plus que dans d’autres pays européens. Entre 1991 et 2022, son budget a diminué de 21% en termes réels.
Cette coupe dans le budget militaire s’est répercutée sur les effectifs de la Bundeswehr. Alors qu’elle comptait encore plus de 500 000 soldats dans les années 1980, elle n’en compte plus que 181 000 aujourd’hui. La réduction de l’équipement militaire est tout aussi nette. En outre, la baisse continue du budget de la défense a entraîné un déficit d’investissement considérable.
Après des décennies d’économies substantielles, la tendance s’est inversée au moment de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Depuis lors, le budget de la défense est en constante augmentation. Dès 2021, avant le discours sur le changement d’époque, le budget de la défense atteignait un nouveau record de 46,93 milliards d’euros. Toutefois, 54,9% (27,78 milliards d’euros) de ce budget étaient alloués aux frais de fonctionnement, liés au personnel et à l’entretien du matériel contre seulement 24,8% (12,23 milliards d’euros) dédiés aux investissements, dont 1,66 milliard d’euros pour la recherche et le développement.
Depuis 1992, la part du produit intérieur brut (PIB) consacrée au budget militaire reste nettement inférieure au critère de 2% instauré par l’OTAN. Avant la survenue de la guerre en Ukraine, les projections budgétaires prévoyaient même une nouvelle baisse à partir de 2023.
Le changement d’époque n’a pas simplement modifié les prévisions de dépenses, il a également engendré la création d’un fonds spécial de 100 milliards d’euros sur les cinq prochaines années. Ce fonds spécial est principalement destiné aux investissements indispensables à la modernisation des équipements. Créé par une loi dédiée, ce fonds spécial est financé en dehors du budget fédéral qui est soumis à la règle constitutionnelle du frein à l’endettement. Il s’agit donc d’un mécanisme dérogatoire permettant d’augmenter les dépenses, conformément à la Constitution, et sans augmenter les impôts.
La règle du frein à l’endettement est une disposition introduite dans la Constitution en 2009 qui vise à empêcher un endettement croissant de l’État fédéral et des Länder. Cette disposition constitutionnelle stipule que les Länder ne peuvent pas contracter de nouvel endettement structurel et que l’État fédéral ne peut le faire que de manière très limitée (0,35% du PIB). Les critères de Maastricht s’appliquent à tout nouvel endettement conjoncturel. Des exceptions sont prévues pour les situations de crise sur lesquelles l’État fédéral et les Länder n’ont aucune prise, comme les catastrophes naturelles ou les pandémies. En revanche, les emprunts sont limités lors des périodes de rebond économique.
Le budget régulier de la défense est passé de 50,4 milliards en 2022 à 50,1 milliards en 2023. À cela s’ajoutent les 8,4 milliards provenant du fonds spécial de la Bundeswehr. Le budget régulier est provisoirement bloqué pour les prochaines années en raison des difficultés de consolidation des finances publiques. En 2024 d’ailleurs, seule la défense sera dispensée de coupes budgétaires. Toutefois, les besoins du ministère de la Défense augmentent sensiblement en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt qui réduisent les crédits disponibles dans le fonds spécial : le ministre de la Défense prévoit un surcoût de 10 milliards d’euros en 2024. Les discussions budgétaires en cours pour les prochaines années envisagent des augmentations de 1,7 milliard en 2024 et de 1,9 milliard en 2025 qui ne couvriront toutefois que la hausse des frais de personnel.
La question du financement du budget militaire à l’heure du « changement d’époque » s’avère complexe. En effet, la Stratégie de sécurité nationale indique que le budget de la défense doit augmenter pour atteindre le seuil des 2% établi par l’OTAN, mais également que les vastes besoins capacitaires identifiés par la cette dernière doivent être couverts sans charge supplémentaire pour les finances publiques. L’équilibre budgétaire y est même défini comme un facteur de sécurité nationale.
Selon les prévisions actuelles, l’Allemagne consacrerait en réalité seulement 1,4% de son PIB à la défense. Le seuil de 2% du PIB ne pourrait être atteint que par des dépenses provenant du fonds spécial jusqu’en 2026. Après cette date, aucun financement suffisant n’est actuellement prévu. Si le principe d’équilibre budgétaire est maintenu, il n’est pas réaliste d’espérer satisfaire durablement le critère de l’OTAN. L’Allemagne ne peut pas compter sur une augmentation significative de ses ressources fiscales, puisque les augmentations d’impôts sont exclues par l’actuel ministre des Finances. Parallèlement, l’augmentation des taux d’intérêt contraint le pays à trouver davantage de moyens pour rembourser sa dette. La hausse du budget de la défense contraindrait donc les autres ministères à effectuer des économies considérables et la part de la défense pourrait alors atteindre près de 20% du budget fédéral. Les négociations laborieuses autour du budget 2024 indiquent d’ores et déjà que ce scénario sera difficilement concevable.
Par ailleurs, l’administration de la Bundeswehr, par manque d’efficacité, n’est actuellement pas en mesure d’utiliser rapidement les nouveaux moyens financiers alloués à la défense. Par conséquent, le fonds spécial est resté inutilisé durant sa première année d’existence, du fait de la longueur des procédures de décision. À cet égard, la réforme administrative en cours devra générer des gains d’efficacité importants.
Ainsi, la mise en place d’un fonds spécial à la suite du discours sur le changement d’époque apporte à court terme un renfort de financement indispensable pour combler une partie de la sous-dotation budgétaire accumulée depuis des décennies par la Bundeswehr. Un financement suffisant à long terme n’est toutefois pas garanti et semble peu probable dans le contexte politique actuel.
L’industrie de défense allemande
En Allemagne, l’industrie de la défense relève principalement du secteur privé. Les participations de l’État dans les entreprises restent rares. De manière générale, le gouvernement fédéral mise plutôt sur les mécanismes de marché et sur les logiques commerciales des entreprises, y compris dans le domaine de l’armement. L’action publique porte principalement sur le contrôle des exportations d’armements. Actuellement, l’Allemagne ne dispose pas de réelle politique en la matière. Gérées par les entreprises, ces exportations sont néanmoins soumises à l’autorisation de l’État, dans un contexte où le monde politique et l’opinion publique perçoivent d’un œil critique les exportations d’armes.
À la suite de l’annexion de la Crimée, une réflexion stratégique sur l’industrie de la sécurité et de la défense a été amorcée. En 2014, l’État a commandé une étude portant sur la configuration, les capacités et le développement de ce secteur économique. Parmi les freins identifiés figurait la forte segmentation du marché limitant les économies d’échelle et nuisant à la compétitivité par rapport aux produits américains. De plus, cette étude montrait comment les concurrents extra-européens avaient su tirer profit de la réduction des capacités de production européennes consécutives aux coupes budgétaires. Sur la base de cette étude, le gouvernement fédéral a adopté en 2020 un document stratégique visant à renforcer l’industrie de la défense. Ce document stipule que les capacités de recherche et de production (Industrie 4.0) doivent être encouragées dans des domaines clés (construction de navires de guerre, véhicules blindés et technologies de l’information : conduite des opérations en réseau, cryptographie et intelligence artificielle). Soutenues par l’agence cyber fédérale, les compétences en matière de technologies de l’information sont au cœur des préoccupations. Dans d’autres domaines (notamment la construction aéronautique), la promotion de projets européens figure au premier plan. Le renforcement de l’industrie européenne de la défense représente un enjeu stratégique primordial dans cette stratégie.
La Stratégie de sécurité nationale insiste également sur la volonté de mutualiser les projets d’armement. L’importance des projets en coopération européens y est mentionnée à plusieurs reprises. Par ailleurs, les bases d’une réflexion stratégique sur le contrôle des exportations d’armement apparaissent clairement. Les exportations d’armes doivent continuer à être contrôlées et soumises au respect de la démocratie et des droits humains dans les pays importateurs. Toutefois, le gouvernement souhaite également prendre en compte les intérêts des pays alliés, le contexte géostratégique et les exigences d’une coopération européenne renforcée en matière d’armement. Dans cette optique, le ministre de la Défense a récemment proposé d’assouplir la politique d’exportation d’armes vers l’Inde ainsi qu’avec le Japon ou l’Australie qui sont dispensés des autorisations individuelles du Conseil fédéral de sécurité.
La programmation des commandes d’armement s’avère cruciale pour l’industrie. Contrairement à la France, l’Allemagne ne planifie pas ses dépenses militaires à long terme, ce qui entrave la réalisation d’investissements importants. Le fonds spécial doit permettre d’y remédier à court terme, en procurant à la Bundeswehr un budget d’investissement sur plusieurs années. Cependant, ce budget ne suffira pas à couvrir l’ensemble des besoins, compte tenu des retards d’investissement accumulés. Aucune planification financière à long terme n’a été mise en place. Ces obstacles aux investissements structurels pourraient freiner le développement de l’industrie de la défense et le redressement capacitaire de la Bundeswehr.
Les politiques d’alliances de l’Allemagne
Les réticences politiques et sociales à s’adapter aux évolutions de l’environnement sécuritaire ont dû être surmontées depuis l’avènement du changement d’époque. Jusqu’à présent, le débat sur la politique de sécurité a essentiellement porté sur les réactions à adopter face au danger concret que représente la Russie.
La Stratégie de sécurité nationale est la première tentative de définition de la politique de sécurité du point de vue de l’Allemagne. L’environnement mondial y est décrit comme multipolaire, instable et menacé en premier lieu par la Russie. L’évolution des relations avec la Chine y est également soulignée : les éléments de rivalité avec ce « partenaire, concurrent stratégique et rival systémique » ne cessent de se multiplier. Sont également mentionnés les conflits dans les pays voisins ainsi qu’au sein de l’espace indopacifique. Toutefois, l’accent est mis sur l’Europe. Il convient de souligner que l’Allemagne conçoit la sécurité de manière bien plus large que par le passé, en y intégrant les questions d’alimentation et donc de lutte contre le changement climatique et la pauvreté. En réponse aux bouleversements actuels, la stratégie de sécurité allemande s’appuie sur l’OTAN et sur le partenariat transatlantique, tout en cherchant à renforcer le rôle géopolitique de l’UE. Une capacité militaire européenne autonome est appelée des vœux de l’Allemagne, même si la Stratégie de sécurité nationale reste vague sur ce point. À cet égard, le discours du chancelier prononcé à Prague en août 2022 a énuméré une série de propositions allant de l’extension progressive du vote à la majorité qualifiée en matière de politique étrangère à la mise en place d’un état-major européen et de troupes européennes.
Le concept de nation-cadre (FNC), proposé par l’Allemagne et adopté par l’OTAN en 2014, fait partie intégrante de ces propositions. Bien que peu mentionné dans la Stratégie de sécurité nationale, ce concept a fait l’objet d’approfondissements, orientant l’organisation de la Bundeswehr au cours des dernières années. Le rôle de l’Allemagne en tant que plaque tournante logistique en Europe et l’initiative European Sky Shield proposée à Prague participent des actions dans lequel l’Allemagne souhaite investir afin de permettre à d’autres armées alliées de bénéficier de ses capacités. Né dans un contexte de restriction des budgets de la défense, le concept de nation-cadre ambitionne le maintien d’une dissuasion militaire complète grâce à la mutualisation des capacités entre les nombreuses petites armées de l’OTAN. Le regain d’intérêt de l’Allemagne pour sa propre politique de défense dans le cadre du changement d’époque ne changera pas sa position sur ce point.
L’Allemagne continue donc d’agir exclusivement dans le cadre des alliances. Elle assume son rôle de puissance économique en s’y impliquant davantage. De ce fait, la Stratégie de sécurité nationale se prononce clairement en faveur des clauses d’assistance mutuelle des traités de l’OTAN et de l’UE. Les intérêts spécifiques à l’Allemagne y sont en revanche beaucoup moins explicitement énoncés, conformément à sa prudence habituelle en matière de sécurité. Aucune stratégie géopolitique propre ne se dégage donc vraiment.
Les questions de défense au sein des partis politiques
Les partis politiques allemands ont dû adapter leurs programmes aux évolutions du contexte sécuritaire. En Allemagne, les partis politiques ne se démarquent généralement pas sur les questions de défense et de sécurité. En raison du large consensus social sur l’adhésion aux alliances et sur l’utilisation prudente des moyens militaires, les enjeux de défense font rarement partie des débats électoraux. Seul le parti Die Linke (« La Gauche ») fait ici figure d’exception en réclamant le retrait de l’OTAN. Des débats plus importants ont eu lieu dans certains cas précis, comme l’engagement au Kosovo ou en Afghanistan. L’orientation générale de la politique de défense, l’équipement de la Bundeswehr ou les objectifs stratégiques de la politique internationale sont rarement évoqués dans les campagnes électorales.
La dernière campagne législative a été essentiellement dominée par des enjeux de politique intérieure. Les quelques questions de politique étrangère abordées n’ont pas permis aux candidats de se distinguer. L’Allemagne n’a pas de tradition forte de débat public s’agissant de politique étrangère ou même de sécurité. Au sein des circonscriptions, les femmes et les hommes politiques abordent peu ce thème qui n’est pas déterminant pour les votes. La guerre en Ukraine a toutefois replacé la défense au cœur des échanges politiques et encouragé le débat public, obligeant les partis à se positionner.
Au centre de l’échiquier politique, les partis (SPD, CDU/CSU, Bündnis90/Die Grünen, FDP) affichent des positions très proches en ce qui concerne l’augmentation des dépenses de sécurité et de défense et la nécessité du soutien militaire à l’Ukraine. Dans chaque parti, on constate toutefois des différences d’opinions marquées entre les acteurs qui plaident pour une aide importante et rapide à l’Ukraine et ceux qui appellent à davantage de prudence ou qui renvoient à une résolution des conflits par les voies diplomatiques.
La question de l’augmentation des dépenses militaires constitue un dilemme pour les partis de centre gauche. Le SPD, dont le chancelier Willy Brandt avait autrefois consacré plus de 4% du PIB à la défense, est désormais très réticent à l’égard des opérations militaires. Si les membres du SPD et des Verts sont parmi les plus favorables à la politique actuelle, les mesures d’assainissement budgétaire décidées par la coalition gouvernementale ébranlent le noyau social de ces partis, la hausse des dépenses militaires se faisant au détriment d’autres politiques sociales.
La remise en cause des relations avec la Russie génère également d’intenses débats au sein de la social-démocratie. L’Ostpolitik de Willy Brandt et de son conseiller Egon Bahr, qui avait permis le rapprochement et le dépassement de l’opposition Est-Ouest, comportait des angles morts au moment où surgissaient de nouveaux mouvements protestataires en Europe de l’Est. Il s’agit aujourd’hui de moderniser cet héritage en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense. Le SPD est actuellement le parti qui mène les débats les plus poussés pour renouveler son programme.
Les conservateurs de la CDU/CSU devraient également se pencher sur leurs orientations en matière de politique étrangère, influencées pendant de longues années par la chancellerie. C’est sous le mandat de ministres conservateurs que la Bundeswehr a réduit ses capacités et s’est muée en armée d’intervention, avant une inversion de tendance en faveur de la défense. De même, ce sont des conservateurs qui ont réduit l’Ostpolitik à une simple coopération économique. Une réflexion interne au parti fait actuellement défaut : alors que la direction du parti critique la lenteur du soutien à l’Ukraine, certains de ses dirigeants appellent à mettre en service le gazoduc Nord Stream 2 et à ouvrir les négociations avec la Russie.
Aux extrêmes de l’échiquier politique, on observe une nouvelle radicalisation. Le parti Die Linke lutte activement contre le soutien militaire à l’Ukraine. Les positions modérées de la gauche en matière de politique étrangère sont de plus en plus marginales au sein du parti. Une importante figure du parti a même salué l’extrême droite pour son opposition au soutien militaire à l’Ukraine, ce qui a provoqué des tensions au sein du parti. Une possible scission au sein du parti est toujours d’actualité.
De même, l’extrême droite instrumentalise le rejet du soutien militaire à l’Ukraine, en insistant sur une normalisation des relations avec la Russie, fourniture d’énergie comprise, et en s’appuyant sur les craintes économiques, notamment en Allemagne de l’Est. Fondé sur l’euroscepticisme, le parti AfD (Alternative für Deutschland) n’a pas de vision commune en matière de défense et d’alliance, en particulier s’agissant de l’OTAN. Son orientation politique lui permet toutefois de progresser, notamment en Allemagne de l’Est où il occupe parfois la première place dans les sondages.
La question de savoir si, au-delà de la guerre en Ukraine, la politique de défense reviendra au cœur des débats politiques des partis reste ouverte. Compte tenu de la tradition politique allemande, il semble plus probable que les questions urgentes de politique intérieure relèguent au second plan la politique étrangère et la politique de sécurité et de défense.
Traduction par Céline Michaud |Voxeurop
- 1Politique initiée par le chancelier SPD Willy Brandt (1969-1974) visant à normaliser les relations avec l’Union soviétique, l’Allemagne de l’Est (RDA) et les autres pays du bloc communiste afin d’assurer la paix et la sécurité en Europe.
- 2Signé à Moscou en 1990, le « traité 2+4 », ou traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne, fut conclu entre la République fédérale d’Allemagne, la République démocratique allemande et les quatre puissances occupantes (États-Unis, URSS, France et Royaume-Uni).
- 3Adoptée par 34 pays à l’issue du sommet de Paris organisé par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, devenue l’OSCE, en novembre 1990.
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