La nouvelle politique de défense des États-Unis

Le 5 janvier 2012, Barack Obama a présenté la nouvelle stratégie américaine de défense. Celle-ci marque un infléchissement certain avec une réorientation vers l’Asie au détriment de l’Europe, la réduction du format des forces, mais le maintien du leadership dans tous les domaines.

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Le 5 janvier 2012, le président Obama a participé de façon exceptionnelle à la présentation de la nouvelle politique de défense des Etats-Unis. La guerre en Irak est considérée comme achevée et la transition en Afghanistan est désormais engagée. Mais la crise économique et financière est passée par là et oblige à une réduction des dépenses, y compris dans le domaine de la défense.
Surtout, l’environnement stratégique a basculé vers la zone Asie-Pacifique, entraînant une réorientation stratégique au détriment de l’Europe. Si l’Inde est désignée comme un partenaire stratégique à long terme (ce que confirment les récents achats d’armements américains par New Delhi, face à la perception d’un expansionnisme chinois plutôt agressif), l’attention se concentre surtout sur Pékin. Explicitement appelée à « une plus grande clarté sur ses ambitions stratégiques », la Chine représente bien la difficulté majeure, étant à la fois un partenaire économique vital pour l’économie américaine, mais ayant une politique militaire source de tensions régionales et de crispation.
L’Europe n’est mentionnée qu’après tous les pays d’Asie-Pacifique. Les Américains veulent que l’OTAN profite du retrait d’Afghanistan pour se transformer, et que les Européens prennent une part accrue du « fardeau stratégique ». Le message est clair : les Etats-Unis se désengagent d’Europe. Et si la garantie de l’article 5 de la charte de l’OTAN est rappelée (assistance mutuelle en cas d’attaque – c’était le minimum), l’objectif d’un partage financier et capacitaire plus important au sein de l’OTAN est surtout mis en avant, mais il est dit nulle part qu’il puisse s’accompagner d’un partage du contrôle politique de l’Alliance…
Le président Obama n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que l’OTAN restait avant tout pour les Etats-Unis « un démultiplicateur de puissance ». Ces orientations sont regroupées sous le vocable de smart defense, slogan déjà lancé par le secrétaire général de l’OTAN. Il y a largement là de quoi nourrir l’ordre du jour du prochain sommet de l’OTAN à Chicago en mai prochain, quelques jours à peine après l’élection présidentielle française.
Le document décrit en outre les principales missions que devront assumer les forces américaines pour la prochaine décennie. Parmi celles-ci, le contre-terrorisme et la guerre irrégulière restent prioritaires, malgré le retrait en cours du théâtre afghan. En revanche, le principe d’être en capacité de l’emporter simultanément sur deux théâtres majeurs, objectif qui dimensionnait depuis des décennies l’armée américaine, est abandonné.
La lutte contre les armes de destruction massive est bien sûr également soulignée. L’Iran est ici clairement désignée comme la menace principale. La dissuasion nucléaire sera maintenue et la garantie nucléaire reste assurée pour les alliés – non nommés. Mais la nouvelle stratégie affirme qu’il « est possible d’assurer notre dissuasion avec une puissance nucléaire plus petite ». Si aucune précision n’est apportée, cette affirmation vise vraisemblablement la force océanique.
Ces différentes missions vont ainsi conditionner la réforme des forces armées. Mais malgré les resserrements budgétaires prévus, les dépenses militaires américaines resteront colossales. Le budget américain de la défense dépassera toujours la somme des dix budgets de défense les plus dépensiers… Campagne électorale oblige, Barack Obama a insisté sur ce point : le budget militaire américain (530 milliards en 2012 hors coût de la guerre en Afghanistan) restera supérieur à ce qu’il était lors de son arrivée au pouvoir.
Pour les Européens, l’insistance de Washington à affirmer que le temps est venu pour eux de prendre une part accrue de l’effort de défense est le signe clair de nouvelles exigences. C’est à la fois une opportunité pour relancer un projet européen plus crédible tout en préservant l’OTAN, et une source de difficultés financières prévisibles et de défis politiques importants. La difficulté sera de persuader les Européens de cette nécessité stratégique.

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