La gauche brésilienne réussira-t-elle à relever son défi historique ?

À quelques mois du scrutin présidentiel au Brésil, l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation a demandé à Edwaldo Alves Silva, un membre du PT (Parti des travailleurs) n’occupant pas de responsabilité nationale, de nous donner son sentiment de militant. Edwaldo Alves Silva a fondé en 1980 la section du PT dans sa localité d’origine, Vitoria da Conquista, ville du Sertã bahianais, au nord-est du Brésil.

Le premier tour de l’élection présidentielle brésilienne doit – ou devrait, tant sont grandes les incertitudes – se tenir le 1er octobre 2022. Le pays est en pré-campagne électorale depuis que l’ex-président Lula da Silva a été blanchi en 2021 par le Tribunal fédéral suprême de toute accusation de corruption, décision avalisée et confirmée, le 27 avril 2022, par la Commission des droits de l’homme des Nations unies.

Le contexte politique est incertain. Les droites n’acceptent pas l’innocence de Lula. Le président sortant Jair Bolsonaro, porteur de valeurs d’extrême droite, se représente et refuse la perspective d’un échec électoral. Bien qu’officiellement non-candidat, Lula est donné en mai 2022 vainqueur par les sondages. Les options dites de troisième voie encouragées par les élites économiques et financières restent marginales.

Jean-Jacques Kourliandsky,
directeur de l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation Jean-Jaurès

Politique et pensée démocratique et socialiste au Brésil ne peuvent pas faire l’économie de chercher leurs racines historiques et les formes d’exploitation des catégories dominantes sur les classes subalternes. Connaître au plus près possible la réalité de ce processus historique est indispensable pour comprendre et changer le présent. L’histoire brésilienne porte la marque laissée par le colonialisme portugais, et l’asservissement des indigènes et des Noirs pendant plus de trois cents ans. L’occupation coloniale portugaise a mis en place un système de relations productives perpétué à l’identique pendant des siècles. Avec le projet de toujours faire le meilleur bénéfice dans le laps de temps le plus bref possible, le désir d’occuper et de mettre en valeur la terre n’a suscité que peu d’intérêt dans les débuts de la colonisation.

Les difficultés rencontrées pour découvrir, extraire et travailler or et pierres précieuses ont brisé l’illusion d’un Eldorado mythique où ces richesses offertes n’attendaient qu’une collecte par des mains avides. Cela dit, les arbres dits bois-Brésil et la main d’œuvre étaient à disposition. Les envahisseurs n’ont eu qu’à asservir les indigènes, les obligeant à effectuer un travail primaire du bois, à le traiter de sorte qu’il soit exporté et vendu à la riche aristocratie européenne afin qu’elle puisse teindre ses vêtements des couleurs les plus vives. Gain facile et rapide. Mais la dévastation de pratiquement tout le littoral, de constantes rébellions, la difficulté d’adaptation d’indigènes nomades au sédentarisme lié aux nouvelles formes de production ont provoqué la décadence de l’exploitation du bois-Brésil et les débuts de l’asservissement de peuples noirs, enlevés en Afrique, pour être transportés enchaînés au Brésil. C’est à grands traits l’origine de l’infrastructure socio-économique du Brésil perpétuée, grosso modo, sous d’autres formes jusqu’à nos jours : exploitation d’une main-d’œuvre asservie ou peu payée et dilapidation des richesses naturelles destinées à être vendues et utilisées à l’extérieur, essentiellement dans les pays développés. Les cycles économiques postérieurs ne s’écartèrent pas de la matrice originelle : sucre pour adoucir le palais raffiné des riches Européens, minéraux principalement l’or, vrai fétiche monétaire –, facilitant les échanges marchands nourrissant l’expansion commerciale de l’Europe.

Les activités agricoles – production de coton, de café, exploitation de caoutchouc avec une productivité et une exploitation différentes ont suivi un même modèle répondant aux intérêts extérieurs qui trouvaient au Brésil de petits partenaires avides, souhaitant leur part de bénéfices captés sur des activités exploitant les classes et groupes asservis. Ultérieurement, leurs descendants formellement libres ont encore été soumis à des formes dégradantes d’exploitation, dépossédés de moyens propres de survie et prisonniers de conditions salariales indignes. Cette population de travailleurs a été élargie par des légions d’immigrants, venus par millions à partir des années 1850.

Bien sûr, une exploitation aussi cruelle a provoqué des révoltes et des rébellions populaires de types et d’objectifs divers. Autochtones contre colons portugais, Noirs asservis ou affranchis, et intellectuels blancs, mobilisés contre l’esclavagisme et la grande propriété. De façon constante, il y a eu beaucoup de manifestations populaires, en apparence sans lien avec leurs véritables causes sociales, comme celle du fanatique Antônio Conselheiro, ou du bandit de grand chemin Lampião. Malheureusement, toutes ont été défaites et écrasées sans avoir pu réaliser leurs objectifs principaux, visant à des changements lents, graduels et garantis, réalisés sous l’hégémonie des classes dominantes. Dans tous les cas de figure, la répression mise en œuvre par l’État a été dure et cruelle. Les chefs et leurs principaux disciples ont été pendus et écartelés, leurs corps étant exposés publiquement, pour l’exemple.

Cette structure économique, accompagnée d’une exploitation de haute intensité, suit toujours le même modèle originel. Elle s’adapte de façon continue au développement des forces productives et aux changements survenus dans le monde du travail. L’idée selon laquelle le Brésil est un pays essentiellement agricole est aujourd’hui bien moins vraie. La réduction de la pression économique extérieure – du fait de la Première Guerre mondiale, de la crise du capitalisme en 1929-1934, de la Deuxième Guerre mondiale, de l’augmentation de la population et de l’émergence d’une population urbaine – a facilité la formation d’un marché consommateur interne. En dépit de l’étroitesse des secteurs économiques favorisés, ce marché a stimulé le développement industriel et accru le nombre de travailleurs urbains. Dans le monde agricole, le contexte est resté pour l’essentiel ce qu’il était : de gigantesques propriétés rurales en monoculture, un usage abusif et criminel de pesticides, l’exploitation déshumanisée de la main-d’œuvre, une production agencée pour l’exportation et la vente et la consommation extérieures génératrices de gains élevés en dollars.

L’entrée du Brésil dans sa période républicaine et moderne s’est faite sous forte influence militaire. La Guerre sanglante contre le Paraguay [1864-1870] déjà, la proclamation de la République [en 1889], le soulèvement des « lieutenants » [1922-1927], la révolution de 1930, la contre-révolution de 1932, la rébellion communiste de 1935, le coup d’État de Getulio Vargas et la formation de l’État nouveau [1937], la participation du Brésil à la Deuxième Guerre mondiale, la redémocratisation de 1945, la tentative de coup d’État en 1954, les garanties données pour la prise de fonction du [président] Juscelino Kubitschek [en 1956], la prise de fonction négociée de João Goulart [en 1961], le coup d’État militaire de 1964, la transition démocratique limitée et négociée [de 1978 à 1985], et enfin l’irruption du bolsonarisme comme expression grotesque de l’insatisfaction de certains secteurs militaires sont les moments forts témoignant de l’énorme influence politique des militaires dans l’histoire du Brésil. Le militarisme au Brésil est une donnée, et ses institutions doivent être traitées politiquement, bien que différemment des partis politiques. On peut élargir son périmètre à la police fédérale, aux polices militaires et civiles des États, aux entreprises privées de sécurité et aux services d’information et d’intelligence. Ce large appareil répressif brésilien lui donne beaucoup de pouvoir et d’efficacité. Il use de la violence de façon continue comme arme d’intimidation. Tout au long des luttes de classe accompagnant la formation de la société brésilienne, il y a eu des périodes de stabilité sociale, avec des actions et de la répression « acceptable », mais aussi des moments de tensions sociales réprimées avec violence.

Avec la croissance de l’industrie et l’urbanisation accélérée des villes les plus grandes, la classe ouvrière a fait son apparition comme acteur de la scène politique en quête d’un espace propre. Au début du XXe siècle, l’anarchisme, composé pour l’essentiel de migrants européens, a organisé des grèves importantes et des manifestations. Des petits groupes de femmes ont réussi à brandir le drapeau du féminisme, et à la campagne existaient des mouvements à fortes tendances religieuses. En 1922, un petit groupe d’intellectuels, ainsi que quelques ouvriers et artisans, ont fondé l’embryonnaire Parti communiste du Brésil (PCB), qui subsiste toujours sous différents dénominations et sigles. À la même date, des intellectuels d’avant-garde ont organisé à São Paulo la Semaine d’art moderne. À noter que ces deux événements historiques et culturels sont de forte inspiration européenne : « intellectualité » la plus avancée d’Europe et victoire de la révolution prolétarienne en Russie.

Malgré l’exploitation extérieure comme interne qui a marqué l’histoire du Brésil, le pays s’est beaucoup transformé après la Deuxième Guerre mondiale. Par un rapide processus de modernisation conservatrice, la monoculture s’est diversifiée. Les frontières agricoles ont avancé vers le centre-ouest et le nord, l’usage abusif de pesticides s’est élargi, et des terres vierges et indigènes ont été occupées. Le Brésil s’est transformé en un des plus gros producteurs de produits agricoles et de minerais exportables. L’industrie couvre pratiquement toutes les branches productives, armement inclus. La privatisation des entreprises publiques les intègre et les subordonne de plus en plus au capital financier et industriel international. Le secteur des services, y compris celui de la technologie, est le principal créateur de valeur dans le PIB national. Les secteurs de la bourgeoisie brésilienne, qui à certains moments rêvaient d’un capitalisme national indépendant, ont vu leurs illusions s’évanouir avec la mondialisation totale de l’économie et des communications sous l’impulsion de l’énorme avancée de la révolution technico-scientifique.

Malgré l’importance des manifestations ouvrières et populaires des débuts du XXe siècle, c’est après la Deuxième Guerre mondiale que l’on a vu la montée en puissance d’une pensée et d’une action socialistes. Ce mouvement se joindra aux sentiments nationalistes et démocratiques de larges courants s’identifiant comme de gauche. Dans le gouvernement issu de l’élection de Getulio Vargas (1950-1954), ainsi que dans ceux de Juscelino Kubitschek (1956-1960) et de Jânio Quadros (1961) et João Goulart (1961-1964), la participation des courants démocratiques, populaires et de gauche dans la vie politique et sociale du pays a été importante. Cette ascension a été bloquée par le coup d’État civil et militaire de 1964 qui a usé de toutes les armes répressives possibles pour étouffer l’intention passée et présente des courants de gauche de lutter pour un modèle de développement socio-économique rompant avec l’actuel, priorisant les nécessités des travailleurs et du peuple, affirmant la souveraineté nationale du Brésil et la justice sociale. En d’autres termes, la question nationale doit prendre, pour résoudre les problèmes des majorités populaires, la voie de l’approfondissement démocratique, afin de déstabiliser la conformation actuelle des classes sociales dans le pays et leur comportement sur la scène internationale.

La défaite de la dictature militaire a montré que la lutte sociale et politique populaire a vu encore une fois le processus de retour à la démocratie se faire sous la direction de l’élite dominante, en dépit de la lutte armée et de la résistance politique pendant la période de dictature. Ce n’est pas pour rien que le processus de transition a été lent, presque dix ans (de 1979, date de l’amnistie politique, jusqu’à la promulgation de la nouvelle Constitution en 1988).

Les luttes économiques revendicatives des travailleurs ont atteint un point maximal pendant les grèves ouvrières dans l’ABC [sigle de trois localités industrielles de São Paulo], de 1979 et 1980. Les chefs des syndicats ont ensuite compris la nécessité de créer un parti politique représentant les travailleurs, pour occuper l’espace auparavant conquis par les organisations traditionnelles de gauche, et les groupes ayant combattu la dictature les armes à la main. De fait, la majorité de ces groupes se sont incorporés au nouveau Parti des travailleurs (PT). La participation active des gauches contre la dictature, pour la démocratie et pour l’amélioration des conditions de vie, et, indéniablement, la chute de l’Union soviétique et des pays socialistes d’Europe de l’Est, entraînant celle des partis communistes du monde, celui du Brésil compris, ont facilité l’émergence du PT comme principale formation de gauche du pays.

Après la conquête électorale de municipalités, d’États et de représentants parlementaires, le PT a fait élire en 2002 son chef, Lula, président de la République. Il a été réélu et, ensuite, pour deux mandats, le PT a fait élire la première femme présidente de la République, Dilma Rousseff. Outre le symbolisme des victoires d’un ouvrier et d’une femme, l’hégémonie du PT au sein d’un vaste front politique gouvernant le pays a amélioré de façon significative les conditions de vie de la population et affirmé le Brésil comme nation souveraine. Pour autant, la politique mise en œuvre n’a pas écarté la conciliation, même si elle a pu être conflictuelle à certains moments. Sur les questions fondamentales, cette politique n’a pas touché la structure socio-économique dominée par le grand capital, national et international, les grands conglomérats agricoles contrôlés par le grand commerce agricole, les gestionnaires de productions exportées, qui jouent un rôle fondamental dans la formation du PIB national. La politique du « gain entrepreneurial générateur de vie meilleure pour le peuple » s’est éteinte avec la crise économique internationale qui a touché le Brésil à partir de 2014. Quelqu’un devait en payer le coût. Il fallait donc forcer un changement de gouvernement et de politique pour contraindre les classes et les segments exploités à retrouver leur situation de toujours : celle d’accepter des conditions de vie dégradantes pour perpétuer un système économique les opprimant et qui, de plus, éliminait les quelques conquêtes sociales et droits institutionnalisés dans les périodes propices des gouvernements PT.

Le gouvernement de Dilma Rousseff, en dépit de son insistance à insuffler de façon infructueuse une politique de conciliation de classe, a été écarté par un coup d’État médiatique et parlementaire. Son substitut, le vice-président Temer, a initié un démontage des conquêtes sociales et démocratiques conquises pendant la période pétiste [du PT]. De façon évidente, le processus a été supervisé discrètement et avec vigilance par les forces armées. Mais il restait un problème. Il n’y avait pas moyen d’annuler l’élection présidentielle de 2018, or les sondages indiquaient une forte intention de vote en faveur du pétiste Lula. La solution trouvée a combiné l’énorme puissance d’un appareil judiciaire réactionnaire et celle des médias télévisés, de la presse écrite, de la radio et des réseaux sociaux. Une fois de plus, le combat contre la corruption a occupé à tort les moyens de communication et la société brésilienne. Des techniques modernes de communication psychosociale à l’efficacité éprouvée ont envahi le pays. L’objectif était clair : calomnier le PT, les gauches, et surtout mettre Lula politiquement hors-jeu. Le chef du PT a été impliqué dans des dizaines d’actions judiciaires, condamné et emprisonné, empêché de participer au scrutin présidentiel de 2018. L’instrument de cette farce juridique a été baptisé « Opération station de lavage » (« Lava Jato »), sous l’autorité d’un juge de première instance alors inconnu, Sergio Moro. Finalement, c’est le candidat le plus à droite et le moins capable qui a emporté la victoire électorale, Jair Bolsonaro. Il bénéficiait du soutien de secteurs militaires, de la majorité des forces répressives, de groupes crypto-fascistes et de courants conservateurs.

La perplexité, l’incompréhension et le repli des forces démocratiques et de gauche face à cette situation ont été surmontés en raison du fiasco complet du gouvernement Bolsonaro. En peu de temps, on a vu échouer la politique économique et la tentative d’imposer un néolibéralisme archaïque et dépassé. Le comportement brouillon du président l’a ensuite isolé des alliés qui l’avaient porté au pouvoir. Sa façon de se comporter et sa culture ont montré à tous qu’il était un homme grossier et idéologiquement très proche de conceptions fascistes. Le gouvernement de Bolsonaro a finalement montré la nécessité d’approfondir la démocratie et de lutter pour transformer les structures sociales afin que le Brésil puisse réduire les énormes déséquilibres engendrés depuis sa mise en place. Les forces démocratiques et la gauche brésilienne sont montées en première ligne pour défendre la démocratie, s’opposer aux visions autoritaires du gouvernement et à sa politique de destruction des droits sociaux protégeant les travailleurs. Pour la plus grande partie de la population, le PT et son ancien président, Lula, sont considérés comme les vrais contestataires du président Bolsonaro et de sa politique néfaste qui a mis le pays dans l’une des pires situations de son histoire. La farce du combat anti-corruption via l’opération Lava Jato a été démasquée et son objectif final dévoilé, à savoir destituer le gouvernement de Dilma Rousseff, criminaliser la gauche et empêcher une candidature de Lula en 2018. Conséquences, parmi d’autres, de ce moment nouveau, Lula a pu sortir de prison et a été innocenté, toutes les poursuites ont été classées, et il a récupéré les droits civiques qui lui avaient été retirés.

En dépit des multiples tentatives de Bolsonaro et de son groupe, y compris de certains militaires, de ne pas respecter le calendrier électoral, cette éventualité a été écartée, le Tribunal électoral suprême s’étant impliqué en vue de son application. Les sondages réalisés ces derniers mois laissent augurer une victoire de Lula aux élections prévues en octobre prochain.

L’échec de la politique bolsonariste et l’impréparation de celui qui en est le mentor ont réactualisé dans une partie importante des classes dominantes l’idée de tenter de restaurer la politique de conciliation, soit en encourageant une candidature dite de troisième voie (ni Lula, ni Bolsonaro), soit en essayant d’appuyer pour l’influencer un futur gouvernement du PT, hypothèse renforcée par la difficulté à construire une alternative.

Une partie de la gauche, y compris au PT, considère que les conditions actuelles garantissent le bon déroulement des élections et facilitent la victoire probable de Lula, ainsi que la stabilité du gouvernement nécessaire pour réparer les dégâts provoqués par le gouvernement actuel, et ainsi entamer avec succès un nouveau cycle gouvernemental.

Parallèlement, au sein des courants de gauche du PT, tend à se répandre l’idée qu’un éventuel gouvernement Lula devra être transformateur, et ne pas se limiter à être restaurateur. La politique insensée de Bolsonaro a également fracturé l’unité de la classe dirigeante. Elle ne vit pas un conflit d’intérêts particuliers qui la diviserait, mais doit affronter l’éventualité d’une mise en échec du modèle socio-économique qu’elle a toujours défendu. De ce fait, sont envisagées des luttes porteuses de profondes transformations politiques et sociales, dépassant certainement le temps assez bref imparti aux périodes de gouvernement.

Dans un tel contexte, la candidature de l’ancien président Lula, même si l’on sait qu’il ne s’agira que du commencement d’un processus plus long, devra surmonter divers obstacles dont l’issue dépendra de la cohésion interne du PT, de la gauche et des mouvements sociaux et populaires. Les bons sondages ne garantissent pas pour autant la victoire électorale. Un programme politique cohérent doit unifier les différentes lignes de pensée et l’action de ceux qui soutiennent le candidat et souhaitent des propositions de changements profonds. Encore faut-il désarmer les courants droitiers qui tentent de modifier le calendrier électoral ou de peser sur un résultat qui leur serait défavorable.

Les changements politiques et sociaux voulus nécessitent d’entrée la révision et l’annulation des politiques néolibérales, la restructuration du pouvoir économique et politique de l’agro-négoce, sans minimiser son énorme importance pour l’économie nationale. Il est important de rétablir les droits sociaux, du travail et de protection sociale, arrachés au peuple et aux travailleurs, tout en mettant en œuvre des politiques publiques bénéficiant aux populations. En premier lieu, il convient de réduire la faim dont souffrent plusieurs dizaines de millions de Brésiliens et Brésiliennes. La reprise en main de l’appareil répressif du pays est fondamentale pour la sécurité publique et le respect des droits humains fondamentaux. Une politique extérieure indépendante doit être la garantie d’une nation souveraine et juste. L’application de ces mesures se fera sous la pression intense des forces de l’oligarchie, soutenues par l’élite financière et militaire internationales.

Le système actuel de représentation politique a créé, développé et renforcé une institutionnalité qui écarte le Parlement, les moyens de communication, le pouvoir judiciaire et l’État des nécessités premières du peuple et du pays. La gauche et le PT ne doivent pas avoir peur de le remettre en cause. Des formes de participation populaire directe par l’intermédiaire des organisations sociales et populaires ne peuvent continuer à être considérées comme des tabous. La victoire de la gauche brésilienne à l’élection présidentielle de 2022 peut ouvrir soit un cycle historique de développement – le peuple y occupant un rôle protagoniste –, soit, une nouvelle fois, laisser le Brésil tel qu’il est, et les transformations politiques se feront alors à nouveau sous l’égide des classes dominantes.

Traduction de Jean-Jacques Kourliandsky

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