La démocratie face au terrorisme

La France et l’Europe sont confrontées à des attentats terroristes d’une violence et d’une ampleur sans précédent et les citoyens s’interrogent. C’est la démocratie qui est visée ; c’est la démocratie qui doit répondre. C’était le message du colloque organisé le 8 septembre 2016 autour du président de la République.

Retrouvez les introductions de :

  • Ernst Stetter, secrétaire général de la Fondation européenne d’études progressistes

Ouvrant le débat au nom de la FEPS, Ernst Stetter a relevé qu’« assurer, en même temps, la sécurité maximale des citoyens et le respect maximal de leurs libertés individuelles relevait, par certains côtés, de l’injonction paradoxale. Observateur attentif des réactions populaires survenus dans le contexte de la crise des réfugiés, il a indiqué que « pour la question migratoire comme celle du terrorisme, nous devrons prendre l’engagement de refuser des réponses simples. Toute simplification nous emmènera vers des solutions populaires, totalitaires et inacceptables ».

 

Se référant à l’époque de Périclès, Thierry Pech a souhaité que nous nous prononcions « sur qui nous sommes et quelles sont les vertus dans lesquelles nous nous reconnaissons. Sur quoi nous pouvons transiger sans nous perdre. Sur quoi nous pouvons faire des compromis sans nous égarer. Et sur quoi nous devons au contraire tenir. Tenir sans composer. Tenir sans faiblir ».

 

  • Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès

Prolongeant les introductions, Gilles Finchelstein a indiqué que « ce qui est en jeu, fondamentalement, c’est la culture démocratique avec ses règles, ses valeurs et son esprit ». Plus encore, « c’est une certaine conception de la France et de son modèle de société qui est aujourd’hui interrogée », comptant sur le Président de la République pour « éclairer les débats qui viennent ; pour fixer des repères et un cap ; pour que la France soit fidèle à elle-même ».

 

Intervention de François Hollande

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Messieurs les présidents des Fondations qui nous accueillaient aujourd’hui,
Mesdames, Messieurs,

Au terme de la lutte, la démocratie triomphera. Pour avoir conduit pendant plus de quatre ans le combat de la République contre un fanatisme meurtrier, je n’ai aucun doute. Malgré les épreuves – elles ont été douloureuses – les drames, les larmes, malgré la peur qui parfois peut envahir les esprits, malgré l’angoisse, malgré la souffrance, nous vaincrons. La démocratie sera toujours plus forte que la barbarie qui lui a déclaré la guerre.

Cette conviction qui m’habite n’efface pas ma lucidité face à la gravité de la menace. Le terrorisme islamiste ensanglante tous les continents, occupe des territoires, déstabilise des pays, massacre des populations, organise des attentats qu’il commandite ou qu’il inspire. Nous le savons, nous qui avons payé un lourd tribut : deux cent trente-huit morts et de nombreux blessés. Le terrorisme islamiste s’est érigé en faux État dirigé par de vrais assassins. Il dévoie l’islam pour propager la haine, le fondamentalisme avec tous les moyens que la technologie lui offre et que les trafics de toute sorte lui permettent de financer.

Voilà l’ennemi, nous le nommons, il est redoutable. Même s’il recule, et je salue ici Jean-Yves Le Drian et la force de nos armées, même s’il recule en Syrie et en Irak, il s’installe sur d’autres terrains : en Afrique, en Asie, partout où il peut se nicher dans les chaos qui sont créés. Cet ennemi est cruel, il endoctrine, enrôle et envoie ses recrues frapper des innocents. Cet ennemi est insatiable, il veut détruire le passé car les civilisations lui font horreur et interdire l’avenir parce qu’il va jusqu’à nier l’Humanité.

La démocratie, et vous l’avez bien dit, est sa cible. Elle incarne le contraire de ce qu’il est : la liberté, la tolérance, le respect, la culture, l’égalité entre les femmes et les hommes. Ces principes lui sont insupportables. Le terrorisme islamiste a l’illusion de croire que la démocratie est faible et qu’il peut l’ébranler en l’effrayant, la diviser en l’épouvantant, la faire douter en radicalisant une infime partie de la jeunesse. Il se trompe.

Nous connaissons les lois de l’Histoire. Les démocraties gagnent toujours les guerres. Elles peuvent être parfois surprises, quand un ennemi soudain se déclare et passe à l’offensive, mais leur victoire est inéluctable car elles disposent d’une force qui rassemble les énergies et qui devient irrésistible. Cette force, cette force qui peut permettre de vaincre tous les obstacles, même les pires, cette force c’est la liberté. C’est ainsi que les démocraties ont vaincu les fascismes. C’est ainsi que les démocraties ont vaincu le nazisme. C’est ainsi que les démocraties ont vaincu les totalitarismes. C’est ainsi que les dictateurs qui se croyaient inamovibles se sont retrouvés désarçonnés, renversés. Il en sera de même. C’est ainsi que les terroristes seront traqués, réduits et au bout du compte annihilés.

Le combat, il sera long, éprouvant, difficile, parce qu’il vient de loin. Il a commencé en Afghanistan il y a plus de trente ans, quand un régime manipulé de l’étranger a suscité contre lui une rébellion d’inspiration religieuse. Comme dans toute guerre de cette nature, la montée aux extrêmes avantage les plus fanatiques. Cette guerre s’est poursuivie dans bien d’autres pays : en Irak, en Syrie où l’obscurantisme religieux utilise le chaos pour appeler au djihad et à la construction d’un califat. C’est ainsi que les terroristes de Daesh se sont lancés dans une folle entreprise d’asservissement au nom d’un dieu trahi.

Avant de nous atteindre, ils s’en sont pris à leur propre religion. Partout, les musulmans ont été les victimes de ces islamistes. Il en va de même en France où parmi les morts que l’on dénombre, les blessés que l’on relève, on voit que les musulmans payent également leur tribut à la terreur. Cette guerre, elle est d’un nouveau genre. Aux démocraties, elle lance un défi planétaire et c’est la raison pour laquelle la France s’est engagée au loin comme ici. En se battant en pays étranger, nos armées nous défendent parce que c’est la même menace, parce que ce sont les mêmes meurtriers que nous devons affronter au Mali, en Syrie, en Irak et chez nous.

Laisser les terroristes bâtir leur puissance là-bas, c’est renforcer leur influence ici. Alors la France poursuivra obstinément ce combat. Elle a pour elle la vaillance de ses soldats, le courage de ses policiers, de ses gendarmes et plus largement de tous ceux qui contribuent à notre sécurité. Mais en même temps qu’avec le gouvernement de Manuel Valls je fais tout pour protéger les Français, je leur dois aussi la vérité. La menace, elle est là et elle va durer. Nous devrons donc l’affronter avec courage, fermeté et sang-froid.

Le sang-froid, c’est une qualité. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas d’émotion. Cela ne veut pas dire que l’on n’a pas à un moment à avoir une compassion qui parfois nous submerge, mais cela veut dire que nous ne devons jamais nous laisser emporter par la déraison. Nous devons donc assurer la sécurité sans jamais renoncer à vivre comme nous le voulons, comme nous l’entendons, car c’est là l’essentiel. Les terroristes nous lancent non pas un défi mais deux : les vaincre et rester nous-mêmes. La visée des islamistes, c’est de plonger les démocraties dans l’effroi en vue d’attiser les tensions, les divisions. C’est de provoquer le divorce entre nos concitoyens et d’engendrer une suspicion générale à l’égard de nos compatriotes musulmans.

C’est une stratégie méthodiquement théorisée, minutieusement planifiée. Elle a ses penseurs si je puis dire, ses exécutants hélas. C’est parce que la France a porté dans son Histoire mais aussi dans ses choix d’aujourd’hui les principes les plus élevés qu’elle est désignée et attaquée par l’islamisme radical.

La France de la libre expression, magnifiée par ses milliers – ses millions, devrais-je dire – de crayons brandis le 11 janvier 2015 à Paris et dans les villes de France.

La France de l’égalité et d’abord celle entre les femmes et les hommes.

La France de la fraternité, c’est-à-dire de citoyens aux parcours différents mais unis sur l’essentiel, en partageant les valeurs de la République et laïcité.

Voilà pourquoi nous sommes attaqués, voilà pourquoi nous devons répondre. Et il y a deux voies et deux voies seulement pour les démocraties.

La première, c’est l’état d’exception. C’est de considérer que puisque nous sommes en guerre il faudrait suspendre l’État de droit aussi longtemps que la menace perdurera. Et pourtant l’histoire – et elle est bien connue – et l’expérience nous enseignent que face à des périls bien plus graves et notamment au XXe siècle, c’est quand la République a tenu bon qu’elle s’est élevée, et c’est quand elle a cédé qu’elle s’est perdue.

La liberté n’est pas un handicap, elle est notre premier atout, parce que les peuples libres, et le nôtre notamment, même s’ils vivent parfois dans une apparente insouciance, sont prêts à tous les sacrifices pour défendre la liberté.

C’est vrai, comme le disait Gilles Finchelstein, la liberté c’est comme l’air qu’on respire, elle nous entoure et on n’y pense guère, mais quand elle vient à manquer on étouffe, on se débat, on lutte parce qu’on ne peut pas vivre sans elle. Voilà pourquoi nous nous battons. Il y a toujours un sens au combat. Nous ne sommes pas simplement dans la réplique ou dans la résistance, nous nous battons.

L’idée de patrie n’est pas une idée simplement issue du passé, c’est de savoir toujours pourquoi nous nous battons. Et la France s’engage pour la liberté.

Ce principe simple, essentiel, certains ne l’ont pas compris. Je les entends, ils battent les estrades, ont recours à des surenchères pour mieux se distinguer à l’intérieur de leur camp, oubliant que le seul camp qui vaille c’est celui de la République.

En ces matières, je constate que l’imagination est sans limite et prend des tours inquiétants. Pour défendre le droit, voilà qu’il faudrait commencer par l’abaisser, recourir à des internements administratifs dans des camps, enfermer les suspects sans discernement et sans jugement. J’en entends même qui veulent ressusciter la Cour de sureté de l’État ; revenir sur l’indépendance de la justice ; la séparation des pouvoirs ; renier les Droits de l’Homme et la convention internationale qui les soutient ; instaurer en violation du droit du sol l’insécurité juridique pour des centaines de milliers de jeunes nés en France ; supprimer le regroupement familial en rupture avec le droit européen, établissant ainsi un lien entre immigration et terrorisme.

Ces reniements seraient autant de renoncement, mais sans nullement assurer la protection des Français. Là encore l’histoire nous apprend qu’oublier ces principes augmente le malheur du monde sans réduire les périls. Est-ce que l’adoption du Patriot Act ou le camp de Guantanamo ont préservé les États-Unis de la menace ? Non.

Les principes constitutionnels ne sont pas des arguties juridiques. Argutie juridique, la liberté d’aller et venir ? Argutie juridique, la liberté d’expression ? Argutie juridique, la liberté de culte ? Argutie juridique, la présomption d’innocence – bien commode à brandir quand il s’agit de plaider pour son propre compte ? Non, la Constitution n’est pas un texte flexible avec des points de suspension, avec des parenthèses et la Déclaration des Droits de l’Homme n’est pas un vieux parchemin que l’on devrait encadrer pour le mettre dans les salles où nous recevons le public. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est le pilier de notre vie commune avec notre Constitution. C’est pour ses valeurs, pour ses principes, pour ce qui est inscrit aux frontons de nos édifices publics que nos soldats, nos policiers, nos gendarmes, et combien d’autres dans des missions périlleuses sont prêts au sacrifice.

Si nous voulions rallier les démocrates contre les terroristes, commençons par ne pas leur faire perdre leur âme.

L’autre voie, la seule qui vaille, la seule qui soit efficace c’est celle de l’État de droit. C’est le choix que j’ai fait au nom de la France dans un quinquennat qui a été éprouvé par tant d’attentats, avant même que je n’accède aux responsabilités – Merah et ses assassinats – jusqu’à ces derniers jours où les tentatives sont là, et quand elles sont déjouées nous n’en disons rien, mais quand elles parviennent à tuer, à massacrer, nous savons bien ce que peut ressentir un peuple à cet instant, cette tentation de la revanche, cette volonté d’éradiquer.

Nous avons donc fait en sorte d’agir et de répondre avec le droit, le droit international. Quand nos forces interviennent – le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault le sait mieux que d’autres –, c’est dans le cadre des Nations unies, où nous ne menons aucune opération de guerre préventive contre une menace présumée, nous agissons en légitime défense pour détruire les bases où sont conçues et commanditées des attaques contre notre pays.

A l’intérieur, c’est avec nos lois, conformément à nos règles constitutionnelles, que nous traquons les djihadistes, démantelons les réseaux criminels, luttons contre la radicalisation et l’endoctrinement.

Nous avons pris toutes les décisions même les plus difficiles avec le gouvernement de Manuel Valls et avec le concours du Parlement. Qui peut dire s’il a un tant soi peu de sincérité que nous n’avons pas tout fait pour soutenir l’action de nos policiers, de nos gendarmes et de nos soldats ? Qui peut dire avec un tant soi peu d’honnêteté que le ministre de l’Intérieur dont la solidité, la détermination, oui dont la solidité et la détermination suscite le respect, ne se soucie pas de protéger les Français partout ? Qui peut dire que nous ne voulons pas user de tous les moyens possibles pour annihiler notre ennemi ?

Dois-je rappeler les 9 000 policiers et gendarmes, postes qui ont été créés au cours du quinquennat ? Oui, je dois le rappeler puisqu’il y en avait eu 13 000 qui avaient été supprimés précédemment.

Dois-je ajouter que la loi de programmation militaire, sur proposition de Jean-Yves Le Drian, a été révisée à la hausse, quand la précédente l’avait révisée à la baisse, et que nous avons mis fin à la réduction des effectifs militaires ?

En quatre ans, et ce n’était pas prévu dans mes engagements, nous avons voté trois lois anti terroristes, et une loi sur les renseignements permettant de condamner les actes commis à l’étranger par les djihadistes français, de renforcer la répression de l’apologie du terrorisme, notamment sur Internet, de donner aux juges et aux procureurs de nouveaux moyens d’investigation, d’accroître les moyens de lutte contre le financement du terrorisme, de durcir les peines pour les auteurs de crime terroriste.

Quant à l’état d’urgence qui a été prolongé et même durci, j’aurais voulu inscrire ces principes dans la constitution pour les encadrer, pour en préciser l’usage, la droite a préféré bloquer cette révision.

Cet état d’urgence, ces lois, cet arsenal, nous ont permis de déjouer plusieurs projets d’attentats, de démanteler des filières, d’engager des centaines de procédures judiciaires, d’empêcher de nouveaux départs, de fermer des mosquées qui délivraient des messages de haine, de frapper d’expulsion un certain nombre d’individus dangereux, de faire en sorte que nous puissions toujours être en mouvement et en action.

Nous l’avons fait parfois, en pleine conformité avec notre Constitution, sous le contrôle effectif du conseil constitutionnel et des juridictions administratives et judiciaires. Mais nous l’avons fait aussi parfois en heurtant un certain nombre de consciences et d’amis, qui ne voulaient pas que l’on aille trop loin – mais nous n’allions pas trop loin, nous faisions en sorte à chaque fois d’adapter la réponse en fonction du droit pour être le plus efficace contre les terroristes.

C’est un sujet essentiel car il est faux de prétendre que l’État de droit entraverait la lutte antiterroriste ou que les démocraties seraient impuissantes face à la menace, ou pire encore que nous serions attaqués parce que nous serions faibles. C’est tout l’inverse, c’est parce que nous sommes forts, c’est parce que nous pesons dans le destin du monde, c’est parce que nous agissons à l’extérieur, parce que nous sommes un pays qui est un exemple, une référence pour beaucoup d’autres que nous sommes attaqués et que la force de notre réponse doit être à la hauteur de ce que nous pensons de nous-mêmes.

Nul ne peut en conscience promettre qu’il n’y aura pas d’attentat, je ne le ferai jamais. Ce que je peux en revanche garantir aux Français, c’est que toute la puissance de l’État sera engagée pour venir à bout de l’ennemi.

J’ai une conviction profonde que j’ai rappelée, nous vaincrons. Nous vaincrons parce que nous sommes capables avec l’État de droit de disposer des mesures indispensables et nous vaincrons à une seule condition : que notre cohésion soit notre protection. Tel est l’enjeu des temps qui viennent.

Je vous le dis tout net, si les Français se divisent, si l’Europe se déchire, si les démocraties se tournent le dos, emportées par le « sauve qui peut » et le chacun pour soi, voire même la passion nationaliste, alors l’issue de la bataille contre le terrorisme s’éloignera et le risque sera sérieux de voir se défaire ce qui a été patiemment construit depuis des décennies, c’est-à-dire essentiellement depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Je fais partie d’une génération, je suis né au milieu des années 1950, qui considérait la démocratie comme un régime à vocation universelle, qui devait – cela devait prendre du temps – s’appliquer à l’ensemble des régions du monde, qui ne pouvait être mise en cause tant il avait fait la démonstration de sa perfection, même s’il était déjà contesté à l’intérieur, mais c’était aussi son honneur. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, ce qui paraissait le mieux établi est mis en doute, ce qui semblait une évidence devient un sujet de discussions : la démocratie. Ce qui semblait un rempart infranchissable pour les extrémistes est devenu une simple haie d’obstacles, la dernière peut-être qu’il conviendrait de franchir pour atteindre au but. Ce qui était irréversible semble d’un coup vulnérable. Voilà pourquoi j’agis pour préserver et renforcer notre cohésion.

Il est tellement plus simple de convoquer les peurs, de flatter les mauvais sentiments, il en existe chez chacun d’entre nous, de penser que le vent mauvais peut souffler hélas dans la mauvaise direction. Toujours plus commode d’opposer les uns et les autres en prétendant qu’il y a, ou qu’il y aurait, eux et nous, au sein même de la communauté nationale. Voilà pourquoi je me bats.

Ce n’est pas un sujet simplement qui viendrait parce que nous sommes proches des échéances, c’est un sujet majeur qui doit déterminer le choix de nos concitoyens, parce que là il ne s’agit plus simplement de savoir si on fait plus ou si on fait moins, si on donne aux uns ou on prend aux autres, si on redistribue ou si on reprend, l’essentiel est en cause. Et de même que je refuse l’État d’exception, je me bats contre l’État d’exclusion. Celui qui d’ailleurs, prôné par les mêmes, démantèle la protection sociale, réduit les services publics, veut mettre en cause l’école de la République. Là encore, c’est la raison même de mon engagement.

La cohésion, ce n’est pas l’uniformité ou l’unanimité, la cohésion ne demande pas l’effacement des différences, ni même des différents, mais elle exige de la mesure pour se garder de la provocation qui attise et de la stigmatisation qui blesse.

D’où l’enjeu de la laïcité. La laïcité, ce n’est pas une mystique, ce n’est pas une religion d’État contre les religions. La laiïcité, c’est un ensemble de règles de droit qui organise la vie dans la République. La laïcité, c’est avant tout un principe de neutralité qui s’impose à l’État, mais aussi aux citoyens qui doivent la respecter.

L’État garantit à chacun et à chacune le droit de croire ou de ne pas croire, d’exercer son culte, d’exprimer ses opinions religieuses « pourvu, comme l’énonçait déjà la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, que leurs manifestations ne troublent pas l’ordre public ».

Comme si, il y a déjà bien longtemps, tout avait été prévu, non, mais l’organisation, oui, de ce que peut être une vie en commun. Et c’est pour cette raison que le législateur, en 1905, au terme d’un long débat, avait décidé de séparer les Églises de l’État, plus tard, un siècle plus tard. Pour la même raison qu’en 2004, il a été interdit les signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, non pour discriminer, mais pour protéger la liberté des enfants et des adolescents.

La loi de 1905 – c’est vrai – a été conçue à un moment où la pratique de l’islam en France métropolitaine ne connaissait ou ne concernait qu’une infime partie de la population. Si bien que la question qui est posée aujourd’hui, c’est de savoir si les principes posés il y a un peu plus d’un siècle restent adaptés maintenant que l’islam est devenu la deuxième religion de France. L’islam peut-il s’accommoder de la laïcité, comme l’ont fait avant lui le catholicisme, les religions réformées, le judaïsme ? Peut-il admettre cette séparation de la foi et de la loi, qui est le fondement même de la laïcité ?

Ma réponse est oui, clairement oui. L’immense majorité de nos compatriotes musulmans nous en donnent chaque jour la preuve, en pratiquant, à des degrés divers, leur religion, sans nullement troubler l’ordre public, en manifestant leur attachement aux valeurs de la République, après chacun des attentats qui ont frappé notre pays, et j’ai eu, avec le Premier ministre et les ministres concernés, à chaque reprise, l’occasion de le constater. J’ai été ému, profondément ému, comme beaucoup d’entre vous, par toutes les images de fraternité lors des célébrations en hommage au père Hamel, pour pleurer aux côtés des chrétiens l’assassinat odieux d’un homme qui incarnait la bonté même. Les musulmans étaient là, d’autres qui ne croyaient en rien étaient là aussi, et les catholiques ont eu une réaction admirable. Ce qui prouve que la France peut être elle-même, reconnaissant les religions, et étant capable de s’unir pour une valeur et une cause qui nous dépassent tous.

La question se pose aussi à la République : est-elle réellement prête à accueillir en son sein une religion qu’elle n’avait pas prévue avec cette ampleur il y a plus d’un siècle ? Là aussi, je réponds oui, clairement oui. Rien dans la laïcité ne s’oppose à la pratique de l’islam en France pourvu – et ça, c’est le point essentiel – qu’il se conforme à la loi.

Je l’affirme ici, tant que je suis Président de la République, il n’y aura pas de législation de circonstance, aussi inapplicable qu’inconstitutionnelle. Je ne dis pas cela par esprit de système ou parce que certains réclament toujours davantage de lois, je le dis parce que c’est tout simplement ma conviction profonde et la réalité. Nos lois suffisent, il faut les appliquer dans toute leur rigueur et dans toute leur effectivité. Je ne veux pas laisser les intégristes faire pression par des provocations pour tester les limites de la République, mais pas plus, je ne leur fournirai de prétexte pour s’offusquer d’une stigmatisation à l’égard des musulmans.

Ce qu’il nous faut réussir, c’est la construction d’un islam de France. Le défi n’est pas neuf. En 2003, il avait été créé un Conseil français du culte musulman, qui n’a pas eu nécessairement les prolongements espérés. Aussi le gouvernement a-t-il voulu prendre l’initiative d’un dialogue avec l’islam de France. Ce travail a abouti, et trois décisions ont été prises. La première consiste à remettre sur pied une fondation pour l’islam de France, pour appuyer toutes les initiatives culturelles, éducatives, sociales et contribuer à la bonne insertion de la religion musulmane dans la société française. Cette fondation est laïque, et elle a vocation à donner le savoir et la connaissance pour lutter contre l’intolérance.

Ensuite, est créée une association cultuelle nationale afin de trouver dans la transparence, et sans la participation de l’État, les financements nationaux pour la construction de mosquées et la formation des imams.

Enfin, la République ne peut pas se satisfaire d’une situation où la grande majorité des imams sont formés à l’étranger, et parfois, ne parlent pas notre langue. Ce ne sera donc plus le cas.

Il appartient, au-delà de ces textes que nous pouvons prendre, de ces institutions que nous pouvons créer, de cette organisation que nous devons faire prévaloir, aux Français de confession musulmane de prendre aussi leurs responsabilités de citoyens, de faire reculer l’islam radical et l’obscurantisme.

Je ne leur demande pas plus qu’à d’autres compatriotes. Parce que ce n’est pas une affaire religieuse, c’est un combat républicain. Rien ne doit être toléré, ni les provocations verbales, ni l’antisémitisme, ni l’homophobie, ni les discours de haine, nulle part, personne ne peut être là-dessus à l’écart de ce qu’est le commun, les valeurs que nous avons portées ensemble. Cela va bien au-delà des religions, chacun, à sa place, doit faire reculer l’obscurantisme, là où il est souvent le plus sournois ou le plus présent.

Mais dans le même temps, je veux dire aussi clairement que chaque Française et chaque Français, quelles que soient sa confession, ses origines, ses convictions, les conditions d’acquisition de sa nationalité, est ici chez lui ou chez elle. En France, il n’y a que des citoyens disposant des mêmes droits, et soumis aux mêmes devoirs. La République est une et indivisible. Elle ne distingue pas entre ses enfants. C’est là sa force, et c’est ce qui lui permet de pouvoir intégrer, de pouvoir donner à tous les Français la fierté de l’être.

La cohésion nationale, c’est aussi notre modèle social. J’en suis, parce que je suis le chef de l’État, le garant, mais il est le patrimoine commun des Français, le capital de ceux qui n’en ont pas. Il donne à notre démocratie une force qui va bien au-delà de règles juridiques. C’est ce que j’appellerais l’État social, c’est-à-dire l’ensemble des institutions qui organisent la solidarité entre les individus, les générations et les territoires.

Lui-même est menacé, et d’ailleurs, souvent par ceux qui veulent mettre en cause l’État de droit, pris dans leur envolée ou dans leur emballement, ou dans leur fuite en avant, je ne sais plus, parce qu’ils ne se sentent plus de limites. Ils pensent que le pouvoir est là, à portée de main. Ils y sont, ils s’y installent, ils s’organisent, ils pensent que l’élection, c’est la primaire, et que le reste n’a plus d’importance, que les Français viendront signer au bas de la page, et dire : puisque vous avez choisi, nous n’avons donc plus la possibilité de le faire. Je veux le dire, au nom du suffrage universel, dont je suis (finalement), encore jusqu’au mois de mai, le seul qui ait eu l’onction : dans une démocratie, il y a l’élection. Ah, ce n’est pas facile l’élection ! Il faut la mériter, il faut s’y préparer. Et il faut respecter les citoyens.

Alors, il y a dans ce concours, qui va durer, cette espèce de course pour démanteler, assécher, et même liquider le modèle social, comme s’il était trop lourd, comme si c’était finalement lui qui nous entravait, nous empêchait d’être ce que nous sommes, c’est-à-dire plus riches pour certains, et tant pis pour les autres. Là est le danger.

Le modèle social doit sans cesse être modernisé, réformé, complété, pour pouvoir être adapté aux aspirations personnelles sans que son financement n’entrave la compétitivité des entreprises. Mais un pays solide, c’est une nation solidaire. C’est pourquoi le modèle social est inséparable de la démocratie, telle que nous la concevons, ici, en France.

C’est d’ailleurs le sens des réformes que j’ai conduites depuis 2012, et dont je vous ferai grâce du rappel, ce serait trop long, cela nous prendrait la journée. Mais quand même, notre système de retraites a été sauvegardé, il prend en compte désormais la pénibilité du travail, les comptes sociaux sont quasiment à l’équilibre, nous avons généralisé la complémentaire santé, le tiers-payant le sera aussi, l’accès aux soins a progressé. Les inégalités se sont réduites, de nouveaux droits ont été créés, je pense même à la loi Travail, au compte personnel d’activité, à la Garantie Jeunes, à la prime d’activité. La politique territoriale a mis davantage la priorité sur les quartiers les plus fragiles ou les espaces ruraux les plus vulnérables. Nous avons voulu introduire la lutte contre les discriminations, l’action de groupe sera donc possible. Je m’arrête là.

Je m’arrête là pour simplement insister sur le fait que le modèle social peut à la fois se réformer pour être plus efficace, mais aussi peut prendre en compte de nouveaux besoins, et qu’il y a toujours dans une démocratie le progrès. Quand une démocratie s’arrête, quand elle pense qu’elle a accompli finalement ce qu’était son dessein ou son destin, alors pourquoi la garder, pourquoi la préserver s’il n’y avait plus d’enjeux ou simplement celui de réduire l’ambition ou d’affaiblir des droits ? Non, la démocratie, c’est un progrès constant, c’est une projection, c’est un avenir.

Dans cette politique de cohésion, une institution joue un rôle irremplaçable, c’est l’école. On me dira que le sujet fait consensus. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui était contre l’école, sauf celui qui l’avait quittée prématurément. Donc il y a de ce point de vue – tant mieux – dans le débat public la reconnaissance de ce que l’école peut apporter. Quand j’entends, là-aussi, certains qui proposent de réduire les dépenses éducatives, de diminuer drastiquement le nombre d’enseignants, les moyens mis à la disposition des élèves, d’en finir avec le collège unique, ma conviction est faite, une fois encore.

Mais ce qu’il faudra faire dans les prochaines années, ce n’est pas simplement de réparer ce qui avait été détruit, puisque nous l’avons fait, ce n’est pas simplement de créer les postes qui avaient été supprimés, ou de faire des réformes qui étaient attendues, nécessaires. Non, l’ambition qui doit nous guider, c’est de permettre à l’école d’accomplir pleinement sa mission, en la rendant plus juste, plus innovante, plus ouverte sur la société, parfois plus autonome même pour décider de ce qu’elle a à engager pour notamment tenir compte de ceux qui sont les plus fragiles, ces fameux décrocheurs.

Il reste beaucoup à faire pour démocratiser l’excellence, pour valoriser l’enseignement professionnel, et pour ouvrir davantage l’enseignement supérieur. Vous me direz : on est loin de la question de la lutte contre le terrorisme, non, on est aussi dans la réponse, parce que, face à l’ignorance, à la désinformation et au complotisme, la démocratie et l’école sont les formes les plus adaptées, les plus efficaces pour nous prémunir contre le désordre et le chaos.

Et c’est la raison pour laquelle nous avons réintroduit à l’école l’apprentissage de la laïcité, de la morale civique, renforcé la pédagogie autour de la liberté d’expression, de l’esprit critique pour l’égalité entre les filles et les garçons aussi, qui est une question première, et sur laquelle nous ne devrons rien lâcher, parce que l’école publique, l’école de la République, c’est l’égalité entre les filles et les garçons !

Mais là aussi, il n’y a pas de démocratie qui puisse se défendre dans la durée, surtout face à un ennemi comme maintenant nous le connaissons, le terrorisme islamiste, sans l’engagement des membres qui la constituent.

Alors que les régimes autoritaires se maintiennent par la crainte, les démocraties, elles, tiennent par l’adhésion. Que l’espérance vienne à manquer, que la défiance gagne, aussitôt, l’extrémisme fait son retour.

Là encore, l’Histoire nous l’apprend : rien ne se répète de manière identique, mais nous savons à chaque fois que quand la démocratie doute d’elle-même, le nationalisme, le populisme, la démagogie y trouvent leur confort. Leurs partisans ont toujours le même discours, ils prétendent incarner le peuple contre les élites, dont ils sont généralement issus, et au niveau le plus élevé. Cela vaut en France, en Europe, et même aux États-Unis.

Finalement, la richesse serait une forme de lutte contre l’élitisme, les pauvres auraient cette chance, ils sont les nouvelles élites de la démocratie. Curieux renversement d’ailleurs, qui renvoie à une conception du communisme où le prolétariat était l’avant-garde. Les élites maintenant considèrent qu’ils incarnent le peuple.

Ce sont toujours les mêmes critiques qui sont portées, sur la démocratie elle-même, sur ses insuffisances, sur ses faiblesses, sur ses lourdeurs, sur ses procédures, sur ses élus, et sur la pensée commune. On appelle pensée commune la pensée démocratique, c’est-à-dire celle qui rappelle des principes, qui croit à des valeurs, qui pense qu’il y a effectivement des règles à respecter dans une société organisée. C’est la pensée du commun, ce n’est pas une pensée commune. C’est ce qui nous permet de vivre en commun.

Dans le même temps, et je le constate, de nouvelles formes de radicalité politique ou sociale apparaissent. Elles prennent appui, et il y a matière, sur les errements de la mondialisation, ses excès, les inégalités, sa dureté, et en appellent à la rupture avec l’extérieur, avec l’Europe, au prétexte de son asservissement aux marchés. Il n’y a même plus de propositions alternatives, et le danger ne doit pas être sous-estimé. Les peuples, parfois, peuvent se laisser aller à préférer la contestation dans la rue, à l’expression dans les urnes.

Or, ce qui fait la démocratie, c’est le suffrage, c’est tout l’enjeu de l’engagement, qui ne se limite pas, lui, au vote, et c’est pourquoi j’ai voulu la généralisation du service civique, et je suis toujours très fier quand je vois des jeunes, de tous les territoires, de tous les quartiers, brandir leur maillot du service civique. Nous n’avions pas toujours cette même volonté quand nous faisions – je parle de ma génération, celle née au milieu des années 1950, les hommes – le service militaire. Parce que c’était obligatoire, nous étions conscients de ce que ça représentait.

Le service civique, dans ce qu’il a eu jusqu’à présent, c’était la volonté, l’engagement de servir les autres, et en même temps, de se hisser à son meilleur. C’est tellement agréable, oui, agréable de se hisser à son meilleur. Je le dis pour ceux qui sont tentés par le pire. On a plus de fierté à faire le bien qu’à faire le mal, si on a cette confiance dans la vie. Nous avons aussi voulu l’élargir à la réserve citoyenne, qui a répondu à l’attente de ceux et de celles qui voulaient justement s’engager, et bientôt, il y aura la garde nationale. Là-encore, nous avons pu être impressionnés par ces jeunes, ces moins jeunes, qui venaient passer leur été, après le 14 juillet, après ce qui s’était passé à Nice, pour dire : voilà, nous sommes là, nous sommes prêts. Nous allons nous former. Nous sommes des étudiants, nous avons aussi des activités professionnelles, nous sommes des pères, des mères, nous voulons nous engager.

Je suis aussi conscient que notre démocratie, si elle veut être forte, si elle veut être puissante, doit être renouvelée. Il y a ce qui relève des institutions, ce n’est pas le lieu d’en parler, mais je mets quand même en garde celles et ceux qui, candidats à l’exercice du pouvoir, voudraient remettre en cause la fonction présidentielle, je vais leur parler d’expérience.

De ce point de vue la Ve République, face aux dangers extérieurs, comme à la menace intérieure, donne les moyens d’agir, et avec la réaction rapide qui est indispensable, et qui relève du chef de l’État dans ces circonstances. La démocratie n’a rien à craindre dès lors que le Parlement en assure le contrôle, dans le délai prévu par la Constitution. Ce que je peux vous dire, c’est que s’il n’y avait pas eu cette possibilité donnée au Président de la République, pour intervenir au Mali, il eut été trop tard, pour déployer nos forces aériennes en Syrie et en Irak, il eut été trop tard, et pour agir, dans la nuit des attentats, dans les nuits des attentats, nous n’aurions pas pu prendre les dispositions indispensables.

Mais, toujours au nom de l’État de droit, si le Parlement ne fait pas le contrôle nécessaire, n’est pas appelé lui aussi à pouvoir savoir si les moyens sont les mieux à même d’atteindre les fins, ou si les fins sont les bonnes, alors la démocratie est en cause.

Des réformes institutionnelles devront néanmoins être accomplies. Elles me paraissent porter davantage sur l’élaboration et le vote de la loi. La solution ne passe pas par le recours aux ordonnances – je vois que c’est maintenant une idée qui fait florès : supprimons le Parlement, prenons les dispositions – il en existe aussi dans la Constitution, et cela mériterait d’être regardé – qui ôteraient à la représentation nationale tout droit d’amendement. Il y en a d’autres qui préfèrent le référendum, dont le risque est soit l’abus pour celui qui y recourt, soit le détournement pour ceux qui y répondent. Mais je ne suis pas sûr qu’une démocratie progresse sur ces sujets-là par la voie plébiscitaire ou par le recours au peuple (non pas que j’ai à me méfier du peuple).

Je pense que les élections présidentielles, légitimes, sont l’occasion de s’adresser au peuple, de lui demander un mandat, sans qu’il soit nécessaire de lui poser une question, souvent d’ailleurs raccourcie, détournée, qui n’aboutirait qu’à diviser.

Si l’on regarde les expériences, ici, ailleurs, des référendums, pour ensuite dire que finalement on a répondu mais que ce n’était pas forcément ce qu’on avait compris, et qu’il faudrait du temps pour trouver la solution, et que ceux-là même qui appellent à voter pour une direction, qui finit par être choisie, n’ont de cesse que de s’enfuir pour ne pas en tirer les conséquences pour eux-mêmes – épargnons-nous ce simulacre.

Il reste aussi à faire que les citoyens soient mieux associés aux décisions qui les concernent. Je pense aux consultations locales sur les grands équipements, je pense à la participation dans les grands débats publics, dans des démarches de co-construction législative, ce que nous avons fait pour la République numérique et qui peut sans doute valoir pour d’autres textes, je pense aux jurys citoyens, et aussi aux états généraux sur les grandes questions de société, où les citoyens eux-mêmes peuvent dire ce qu’ils ressentent sur tel ou tel texte, ou même l’améliorer.

Il reste aussi beaucoup à faire sur la représentativité de nos Assemblées, pour les ouvrir davantage à la diversité de notre société. Si nous sommes fiers, je le suis, d’avoir limité le cumul des mandats – je vois qu’il y en a qui veulent revenir là-dessus, bel exemple de compréhension des évolutions de la société – moi je veux qu’on aille plus loin encore, en réduisant le cumul des mandats dans le temps, ce qui n’empêcherait pas, bien sûr, à ces élus, de concourir à d’autres scrutins.

C’est l’image même de la politique qui est en cause, je le sais. Or l’image de la politique est aussi l’expression de la démocratie, et quand la politique est faible, quand la politique est atteinte, quand la politique est le reflet de toutes les turpitudes, oui, c’est la démocratie qui est en cause, parce que la politique est l’expression même de la démocratie, et on ne peut pas distinguer l’une et l’autre.

L’actualité de ces derniers jours, hélas, en fournit une triste illustration. J’avais parlé d’une République exemplaire. Ça ne voulait pas dire qu’il n’y aurait plus jamais de fautes commises par des élus, ça voulait dire, ça veut dire, que désormais elles seraient mises à jour et que si la justice le décidait, punies par des condamnations exemplaires. C’est ça la République exemplaire, et ce fut le sens de la création de la Haute autorité pour la transparence et pour la clarté de la vie publique. C’est un progrès qui ne doit pas être regardé comme une mise en cause, comme une suspicion des élus, mais au contraire pour la démonstration, que pour l’essentiel des élus, de ceux qui représentent la Nation, il n’y a rien à craindre à la transparence, et tout à redouter à l’opacité.

Mesdames et Messieurs, le moment venu, et il approche, les Français auront à décider de leur avenir et de celui de leur pays. Ils jugeront des résultats, des personnalités, comme des projets.

Quels sont les enjeux ? La protection des Français, la cohésion nationale, le modèle social, la conception de la démocratie, la place de la France en Europe et dans le monde. Voilà les enjeux. C’est le même ensemble, j’allais dire c’est le même bloc, c’est l’unité qui fera notre force, c’est la solidarité qui garantira notre rassemblement, c’est la détermination de la France qui convaincra l’Europe de se défendre par elle-même, car elle doit se défendre et c’est la confiance en nous-mêmes, en nos valeurs, qui nous permettra de triompher du terrorisme.

Ce débat va bien plus loin, vous l’aurez sans doute compris, que celui de l’identité de la France. Notre identité, parlons-en, c’est notre Histoire, notre culture, nos valeurs, notre mode de vie. L’identité n’est ni heureuse, ni malheureuse, elle s’appuie sur la contribution, patiente, laborieuse, brillante, de générations successives qui ont construit la nation française. Elle n’est pas figée dans le temps, elle n’est pas une photographie, immobile, elle n’est pas une contemplation du passé, elle n’est pas une recherche obstinée des racines pour savoir jusqu’à quel point nous sommes Français.

L’identité est en perpétuel mouvement, c’est pour ça que la France est bien plus qu’une identité, c’est une idée, c’est un projet, c’est une ambition, qui fait de la France un pays singulier, regardé, espéré dans le monde. C’est cette idée, l’idée de la France, qui doit nous mobiliser et que nous devons porter.

Le danger serait que face à l’épreuve la France doute d’elle-même, qu’elle s’arrête, se rétracte, se replie, se renferme, qu’elle tourne le dos à sa mission. Alors, comment résister aux attaques, bâtir l’Europe, réussir l’intégration, si nous ne croyons plus en nous-mêmes ?

J’ai la chance, comme Président de la République, de parcourir le monde. J’étais encore il y a quelques heures au Vietnam. Il y a une histoire qui a pu être douloureuse entre la France et ce pays ; une fois encore, et je m’en fais à chaque fois la réflexion, je vois dans les yeux de tous les peuples que je peux rencontrer, ou de leurs représentants, cet éclair chaque fois qu’il est question de la France. Parfois j’en suis presque troublé : le méritons-nous à ce point, puisque nous doutons parfois de l’amour que nous nous portons ? Je ne parle pas de celui à l’égard du Président de la République – j’essaye de faire la distinction –, mais si les Françaises et les Français comprennent combien ils sont aimés, attendus, espérés dans le monde. Et pour quelles raisons ? L’Histoire, parfois, mais elle a pu créer des fractures. La culture, toujours. La langue, peut aussi être le vecteur. Mais il y a quelque chose qui dépasse la culture, la langue, les valeurs, c’est l’idée de la France, c’est le projet qu’elle porte, c’est cette exemplarité, c’est cette confiance de la démocratie.

La France est un pays qui a une conception universelle de son rôle, cela le rend parfois assez insupportable, aux yeux d’autres, qui trouvent que nous prétendons à plus que notre démographie, notre économie, ou nos capacités de défense. Ils ont tort. Notre économie se redresse, nos capacités de défense ont fait leur démonstration, et la démographie fait que nous sommes un des pays les plus dynamiques en Europe. Non, c’est l’idée de la France, qui permet à tous ces peuples de regarder vers nous.

Et pourquoi avons-nous été ainsi soutenus lorsque nous avons été attaqués comme nous l’avons été, alors que tant d’autres pays, sur tant d’autres continents, ont été également frappés par le terrorisme ? Parce que les peuples du monde, et quel que soit leur régime, savaient qu’en s’en prenant à la France on s’en prenait à la liberté, à la démocratie, à la culture, à un mode de vie. Et c’est pourquoi nous devons être aussi attachés à l’idée de la France pour ne pas la laisser s’effondrer dans ce qui serait un débat sur l’Histoire ou sur une nostalgie. La France c’est l’idée, c’est l’avenir.

Le danger, je vous l’ai dit, c’est que la France puisse à un moment douter d’elle-même ou se diviser. Notre pays est fait de multiples familles politiques, riches de personnalités nombreuses, mais pour ceux qui sont attachés à la démocratie, à la République, au progrès, à l’idée que je viens une fois encore de porter, l’idée de la France, l’exigence est à la responsabilité et à l’unité. Appeler à la cohésion nationale, porter un projet collectif, défendre le modèle social justifie plus que jamais le rassemblement. Quand le danger est là, nous devons nous retrouver.

Je ne me détournerai pas de cet objectif, il m’a animé tout au long du quinquennat et j’ai ressenti plus qu’aucun autre cette exigence d’être unis. Alors je vous l’affirme, je ne laisserai pas la France être abîmée, réduite, voir ses libertés mises en cause, son État de droit contesté, son éducation réduite et sa culture amputée. C’est le combat d’une vie.

Nous sommes la France un pays dont les choix seront décisifs pour l’avenir de l’Europe, je dirais même pour son existence-même. Je suis européen, profondément européen et je ne laisserai pas l’Europe se disloquer ou se dissoudre, je ne la laisserai pas être saisie par le nationalisme, par les frontières, par l’extrémisme.

D’une certaine façon la fin de l’Europe, ce serait la fin d’une conception de la démocratie. Ce n’est pas simplement la paix qui est en cause, c’est ce que nous avons été capables, génération après génération de former, de bâtir, avec des valeurs et de voir des pays, oui des pays ou des gouvernements devrais-je dire, se dire qu’ils ne veulent pas prendre maintenant en charge ce qui relève de la responsabilité de l’Europe, alors même que ces gouvernements ou ces pays ont été accueillis en Europe parce que nous voulions qu’ils soient dedans, avec nous, pour en terminer avec le totalitarisme.

Voir des gouvernements ou des pays qui ne viennent pour l’Europe que pour les fonds qu’elle peut éventuellement dispenser pour le marché, qu’elle peut organiser ou pour la place financière… Finalement, c’est formidable d’être en Europe, on a une place financière dans un pays qui n’est plus ou qui ne voudra plus être en Europe, mais qui être toujours la place financière de l’Europe ! Eh bien non l’Europe, ce n’est pas qu’une place financière, c’est aussi un espace commun de valeurs, de principes où l’on est ensemble.

Voilà pourquoi ce qui va se produire, la décision qu’auront à prendre les Français, est si grave et si lourde de conséquences. Parce que nous sommes la France, une Nation dont l’engagement est en faveur de la paix, du développement, de la préservation de la planète – oui c’est ici à Paris qu’a été signé l’accord sur la lutte contre le réchauffement climatique et partout dans le monde, on sait que c’est à Paris et que l’environnement, l’écologie sont devenus, non pas des contraintes ou des obligations, mais des opportunités, des chances pour que nous puissions réussir le monde que nous voulons pour nos enfants et pour nos petits-enfants.

Alors oui, je ne laisserai pas, là encore, l’image de la France, le rayonnement de la France, l’influence de la France s’altérer lors des prochains mois ou des prochaines années.

Nous sommes la France, Mesdames et Messieurs, nous sommes la France et je vous l’assure la démocratie est notre arme et notre âme et c’est ainsi que nous vaincrons le terrorisme.

Vive la République et vive la France.

Crédits: Fondation Jean-JaurèsFrançois Hollande à son arrivée Salle Wagram
Crédits: Fondation Jean-JaurèsJean-Marc Ayrault, Manuel Valls
Crédits: Fondation Jean-JaurèsLe public de la Salle Wagram
Crédits: Fondation Jean-JaurèsErnst Stetter
Crédits: Fondation Jean-JaurèsLe premier rang, Salle Wagram
Crédits: Fondation Jean-JaurèsThierry Pech
Crédits: Fondation Jean-JaurèsGilles Finchelstein
Crédits: Fondation Jean-JaurèsHenri Nallet, Jean-Christophe Cambadélis, Najat Vallaud-Belkacem
Crédits: Fondation Jean-JaurèsFrançois Hollande à la tribune
Crédits: Fondation Jean-JaurèsBernard Cazeneuve, Jean-Jacques Urvoas, Jean-Yves Le Drian
Crédits: Fondation Jean-JaurèsLa Salle Wagram
Crédits: Fondation Jean-JaurèsLe parvis de la Salle Wagram

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