La demande d’autoritarisme politique en France

Alors que, dans de nombreux pays occidentaux, les opinions adhèrent de moins en moins aux valeurs de la démocratie et que les régimes illibéraux se multiplient, la France est-elle également en situation de céder à la tentation autoritaire ? Pour mesurer et mieux saisir les évolutions de l’opinion publique française, Simon Guillouet, diplômé de l’EHESS, de l’ENS et expert associé à la Fondation, s’appuie sur les résultats d’une grande enquête et en tire des enseignements éclairants.

Introduction

« Alors, Mesdames, Messieurs, assez d’atermoiements, l’heure est grave, le travail est colossal ; ne perdez pas de temps et sachez que nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation. Par contre, si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national1Jean-Pierre Fabre-Bernadac, « “Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants” : 20 généraux appellent Macron à défendre le patriotisme », Valeurs actuelles, 21 avril 2021.. »

Par ces lignes se concluait une pétition aux accents martiaux et solennels signée par 18 généraux et plus d’un millier de militaires. Cette pétition ne date ni de la période napoléonienne, ni du Second Empire, ni des années 1930 mais d’avril 2021. D’aucuns y verront un appel salutaire, un droit à la liberté d’expression ou encore une pétition politique comme il en existe des milliers. On ne peut néanmoins s’empêcher, comme le soulignent de nombreux commentateurs, d’y percevoir au minimum un appel à un pouvoir fort et martial et un désir, d’une partie de ces cadres, de faire intervenir l’armée dans la sphère politique. Cette pétition a fait beaucoup parler d’elle, mais n’a pas provoqué un émoi majeur dans le pays. Plus surprenant, 58% des Français déclaraient « soutenir l’initiative des généraux »2« Réaction des Français à la publication de la tribune des militaires sur le site de Valeurs Actuelles », sondage Harris interactive, avril 2021. et 60% souhaitaient qu’aucune mesure ne soit prise contre les signataires3Sondage Ifop, mai 2021..

Cet événement n’est pas totalement surprenant. Depuis une dizaine d’années, les pays occidentaux font face à de profonds changements sociopolitiques et au développement de mouvements et de discours rejetant les systèmes politiques en place et la classe politique traditionnelle. Ces dynamiques, autrefois seulement perceptibles dans les enquêtes d’opinion, se sont matérialisées par des succès politiques et électoraux comme le référendum du Brexit (2016), le mouvement Tea Party et l’élection de Trump (2016), l’arrivée au pouvoir de coalitions radicales en Italie (2018-2019, octobre 2022), en Pologne (2015), en Serbie (2017) et en Hongrie (2010).

Au-delà de ces exemples très médiatiques, une double vague de fond plus silencieuse est à l’œuvre dans tous les pays occidentaux : une diminution nette de l’adhésion des opinions occidentales aux valeurs de la démocratie identifiée par le politologue Yascha Mounk4Yascha Mounk et Roberto Stefan Foa, « The signs of deconsolidation », Journal of Democracy, vol. 28, n°1, janvier 2017. et une « autocratisation » effective des régimes occidentaux mise en lumière par plusieurs instituts d’études5Vanessa A. Boese et al., Democracy Report 2022, Autocratization Changing Nature?, Varieties of Democracy Institute (V-Dem), University of Guthenburg, 2022..

Évolution du pourcentage de répondants favorables à « avoir un leader fort qui n’aurait pas à se préoccuper des élections » dans les pays occidentaux

(Source : World Value Survey et European Value Survey)

La France est également fortement impactée par cette dynamique de rejet des institutions et figure même parmi les pays où elle s’est matérialisée le plus tôt avec la qualification du candidat du Rassemblement national au deuxième tour en 2002. Plus récemment, la progression des scores du Rassemblement national, l’irruption d’Éric Zemmour sur la scène politique, les percées électorales de Jean-Luc Mélenchon attestent d’un renforcement de ce sentiment. L’abstention, souvent interprétée comme un autre type de rejet des institutions, est en hausse constante6Voir Luc Rouban, La démocratie représentative est-elle en crise ?, Paris, La Documentation française, 2018 ; « L’évolution de l’abstention sous la Ve République », Centre d’observation de la société, 16 mars 2020 ; « Les bureaux de vote ont fermé », Les Échos, 12 juin 2022.. Au-delà des scores électoraux, le malaise sur la représentativité des élus a été maintes fois mis en lumière lors de différents mouvements sociaux, comme le mouvement des « gilets jaunes », ou par de nombreuses enquêtes7Enquête « Fractures françaises », Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne, Cevipof, septembre 2021.. Ce rejet souvent désigné par le terme de « populisme » est rarement défini tout à fait clairement et demeure un fait social avant d’être une doctrine ou une idéologie structurée. On lui attribue en général la volonté d’assurer la souveraineté du « peuple » contre les « élites » économiques, politiques, intellectuelles8« 9Réaction des Français à la publication de la tribune des militaires sur le site de Valeurs Actuelles », sondage Harris interactive, avril 2021.. Une partie de ce courant demeure clairement démocrate et plaide pour un simple rééquilibrage et une emprise accrue de la population sur les institutions (Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, La France insoumise, ou Debout la France dans l’Hexagone). D’autres mouvements populistes (le trumpisme, l’orbanisme, le chavisme) ont une approche plus autoritaire et théorisent la mise en place de régime où la volonté du peuple est appliquée sans compromission via un représentant légitime aux yeux du peuple et une réduction des contre-pouvoirs10Bojan Bugaric, « The two faces of populism: Between authoritarian and democratic populism », German Law Journal, 20(3), 2019, pp. 390-400.. Néanmoins, le rejet des institutions est une chose, l’aspiration à un régime politique autoritaire en est une autre. En France, certaines études tendent à montrer qu’une partie du ressentiment et de l’hostilité aux institutions serait en train de se transformer en aspiration pour des régimes plus autoritaires. En effet, 32% de Français sont d’accord avec l’idée que « d’autres systèmes politiques peuvent être aussi bons que la démocratie »11« Fractures françaises », op. cit., septembre 2021. et 39% de Français seraient d’accord avec le fait d’« avoir à sa tête un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement, ni des élections »12« Le Baromètre de la confiance politique », Cevipof, 2022..

Pour mesurer et mieux comprendre cette possible tentation autoritaire, une nouvelle enquête a été produite. Comprenant 28 questions, elle a été réalisée en ligne par l’institut de sondage Respondi en juillet 2022 auprès de 1 074 personnes. Au vu de la date de passation, juste après les législatives, les résultats sont probablement un peu plus polarisés que si l’enquête avait été réalisée à un autre moment. Répondant aux exigences de représentativité, sa marge d’erreur estimée est de 2,9 points de pourcentage pour un niveau de confiance de 95%. Cette enquête apporte quelques nouveautés sur deux points :

  • elle précise la question de la mesure de l’autoritarisme en testant huit régimes différents, contre trois ou quatre habituellement. De plus, le soutien à chaque régime est évalué via une question à choix unique obligeant les répondants à se positionner à l’inverse des autres enquêtes de référence ;
  • elle évalue les conditions les plus propices pouvant susciter une adhésion au régime autoritaire : la mise en place de certaines politiques publiques, des contextes particuliers (guerre, crise économique etc.), les institutions démocratiques les plus soutenues et celles qui le sont moins.
Définir l’autoritarisme et la démocratie
L’autoritarisme est le plus souvent décrit comme une structure politique caractérisée par une hypertrophie de la fonction exécutive et de ces composantes sécuritaires, l’absence de compétition électorale équitable, l’absence de contre-pouvoir et de séparation des pouvoirs, l’absence de liberté d’information, la négligence des droits individuels habituellement prescrits par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 194813Anna Lührmann et al., « Regimes of the World (RoW): Opening New Avenues for the Comparative Study of Political regimes », Politics and Governance, vol. 6, n°1, 2018..
À l’inverse, la démocratieest un régime politique dans lequel les citoyens décident des décisions publiques et participent à la vie politique du pays. Ce dispositif s’effectue soit de manière directe en soumettant des décisions au vote à tous les citoyens, soit de manière indirecte par des représentants (élus ou tirés au sort). Toute démocratie doit disposer de lois permettant aux citoyens de changer de gouvernement ou de projets politiques légalement sans avoir besoin de recourir à la violence. On attribue également aux régimes démocratiques, en utilisant parfois le terme de République, l’existence d’institutions et de lois qui visent à protéger la population des dérives tyranniques que peut exercer une personne ou un groupe, y compris la majorité14Robert A. Dahl, On democracy, New Haven, Yale University Press, 1998..

Un mécontentement profond et bien connu

Plusieurs questions visant à quantifier le niveau de satisfaction des répondants sur les institutions actuelles ont ainsi été posées. Elles se présentent sous la forme d’une note entre 0 (très insatisfait) à 10 (très satisfait). Les moyennes de ces scores montrent un mécontentement assez fort, phénomène déjà bien connu et quantifié par de nombreuses études et chercheurs15Luc Rouban, La démocratie représentative est-elle en crise ?, op. cit., 2018 ; Jérôme Fourquet, Le Nouveau Clivage, Paris, Éditions du Cerf, 2020..

Score moyen des répondants à l’enquête « La demande d’autoritarisme en France »
QuestionsNote moyenne sur 10
Quel score donnez-vous au fonctionnement de la démocratie en France aujourd’hui ?5,1 / 10
Toutes les tendances politiques sont-elles justement représentées dans les institutions politiques nationales ?4,7 / 10
Les institutions actuelles sont-elles capables de protéger les Français des crises internationales et des menaces de notre temps ?4,6 / 10
Nos institutions politiques font-elles de leur mieux pour prendre des décisions à l’avantage de la majorité de la population ?3,8 / 10

Ces scores relativement bas confirment le rejet ou du moins l’insatisfaction des Français à l’égard des institutions politiques et la qualité de la représentation via leurs élus. Dans le tumulte des débats politiques, il est parfois difficile d’identifier clairement l’origine de cette défiance et les responsables du mauvais fonctionnement de la démocratie. Pour préciser cela, une question de l’enquête permettait aux « insatisfaits » de sélectionner les principaux responsables parmi une liste de dix options.

Trois types d’acteurs sont particulièrement mentionnés : l’élite politique (55%), les plus riches (47%) et les lobbys économiques (47%). Des acteurs pouvant être globalement rassemblés sous le seul terme d’« élite ». Cette insatisfaction générale des Français est donc bien une insatisfaction que l’on peut qualifier de « populiste », car caractérisée par un rejet des élites politiques et économiques rendues responsables du mauvais fonctionnement des institutions et de leur « capture » à leur profit. On remarquera au passage que des institutions ou des groupes souvent mentionnés (l’Europe, les syndicats, les minorités) arrivent en réalité loin derrière et ne sont pas perçues comme les principales causes des problèmes institutionnels. La source de l’insatisfaction des Français est d’abord et avant tout à chercher dans un conflit entre « le peuple » et « l’élite ». Cette élite est perçue comme appartenant à un système oligarchique marqué par la collusion entre sphères publique et économique.

Quelle est l’origine de cette hostilité à l’égard des institutions et des élites ? Les données de l’enquête montrent que l’insatisfaction des conditions de vie et l’absence de méritocratie perçue semblent être vectrices du mécontentement démocratique. Une personne insatisfaite de sa situation sociale et économique, du blocage de l’ascenseur social, attribuera le plus souvent une note basse au fonctionnement de la démocratie en France. On constate en effet que ce sont les variables de satisfaction à la situation socio-économique qui polarisent et déterminent le « niveau de démocratie perçu ».

QuestionsScore moyen des individus les moins aisés et diplômésScore moyen des individus les plus aisés et diplômés
Quel score donnez-vous au fonctionnement de la démocratie en France aujourd’hui ?3,9 / 105,9 / 10
QuestionsScore moyen donné par les individus ne se jugeant pas assez récompensé par la société Score moyen donné par les individus se jugeant correctement récompensé par la société
Quel score donnez-vous au fonctionnement de la démocratie en France aujourd’hui ?4,3 / 106 / 10

Il semble donc y avoir un lien entre sa situation personnelle, ses opportunités, son niveau de vie et la perception démocratique du régime en place. Le mécanisme suggère que les résultats, les livrables d’un régime se confondent avec le régime lui-même. Si l’on pousse plus loin le raisonnement, cela semble indiquer que les Français, ou une partie, perçoivent la démocratie comme un régime allant au-delà d’une égalité en droit et d’une égalité de vote, mais aussi comme une communauté devant être homogène socio-économiquement parlant, une communauté solidaire, cohésive. Quand ce contrat social se fragilise, les institutions perdent leur légitimité démocratique et une portion non négligeable des citoyens les perçoit comme une imposture16Christopher J. Anderson et Christine A. Guillory, « Political Institutions and Satisfaction With Democracy: A Cross-National Analysis of Consensus and Majoritarian Systems », The American Political Science Review, vol. 91, n°1, mai 1997 ; Eric Protzer et Paul Summerville, Reclaiming Populism, Cambridge, Polity Press, 2020 ; Mario Quaranta, « How citizens evaluate democracy: an assessment using the European Social Survey », European Political Science Review, Cambridge University Press, 20 mars 2017 ; Cameron Ballard-Rosa et al., The Economic Origins of Authoritarian Values, Harvard, Harvard University, 26 octobre 2017..

Un mécontentement aboutissant à une demande autoritaire ?

S’il n’y a pas vraiment de débat sur l’hostilité importante envers les institutions, existe-t-il pour autant une demande de régimes plus autoritaires en France ? Pour répondre à cette question, une série de propositions ont été posées. Le choix du régime politique « le plus souhaitable » parmi une liste de huit options est probablement la réponse la plus éclairante sur cette question.

La Ve République est-elle un régime démocratique ?
Les torts de la Ve République sont connus : concentration des médias, secrets des sources, manque de corps intermédiaires, système de vote limitant la représentation de l’opposition, participation électorale décroissante, faible indépendance de la justice. Malgré ces accrocs, les centres de recherche spécialistes de la question considèrent bien la France comme une démocratie même si elle se trouve le plus souvent en fin de peloton.   

Première constatation, la tendance qui se dégage est incertaine : les régimes autoritaires proposés rallient une minorité non négligeable (19%), mais restent clairement une minorité politique puisque 81% des Français n’y sont pas explicitement favorables. Cependant, dans le « camp » opposé, les démocrates, on ne trouve qu’une « faible » majorité de 55% soutenant des régimes démocratiques. Entre les deux, une partie importante de la population ne se prononce pas. Il est probable que ce groupe des « NSP » soit composé de personnes aux motivations diverses ; cependant, ne pas se prononcer sur des questions politiques est rarement une absence d’opinion, mais plutôt un signe de rejet ou de non-adhésion aux options proposées. Dans notre cas, l’analyse plus poussée des données confirme que les « NSP » sont bien plus insatisfaits par rapport aux institutions en place et à la situation économique et sociale. Il est donc fort probable que les régimes démocratiques proposés ne trouvent pas grâce à leurs yeux sans pour autant que les « NSP » aspirent explicitement à un régime autoritaire. Il est néanmoins très marquant que le rejet du système représentatif soit tel que, même mis en balance entre des options démocratiques et d’autres explicitement dictatoriales, comme une dictature militaire, 26% des Français s’abstiennent de répondre. Ce quart de population indécise a donc un rôle stratégique car il peut influencer le rapport de force de manière décisive en cas de crise ou lors d’une élection en se ralliant à l’un ou l’autre pôle.

Deuxième observation, on observe une absence d’adhésion claire à des régimes « dictatoriaux » ou « despotiques » archétypaux qui ne recueillent que 7% des répondants (un militaire, un élu tout-puissant, un monarque absolu ou une technocratie sans contre-pouvoir). En revanche, le « comité de citoyens issu d’une révolution doté des pleins pouvoirs » recueille un certain succès (10%). Ce régime à mi-chemin entre la dictature du prolétariat soviétique et le comité de salut public de 1793-1794 semble marqué par une demande de transformation radicale qui ne peut être que porté par des gens « comme tout le monde » (des citoyens) ayant renversé les institutions par la force (une révolution). Si l’option demeure autoritaire (« avec les pleins pouvoirs »), elle se rapproche plus d’un désir de démocratie directe aiguë, d’un désir de demande de contrôle de la population sur les décisions que d’une demande d’un régime vertical dominé par une figure d’autorité (un militaire, un roi, des experts, etc.).

La situation est donc relativement incertaine et sujette à des évolutions. Il semble se dégager néanmoins que le danger n’est pas à chercher dans une demande autoritaire forte et explicite (elle ne rassemble que 19%), mais dans le manque de soutien aux régimes démocratiques proposés qui ne rassemblent que 55% des Français. Une majorité d’autant plus fragile que les partisans du « régime parlementaire avec de la démocratie directe » sont très hostiles au régime en place et semblent peu enclins à le protéger. Le reste, 26% des répondants, ne semblent pas se reconnaître dans les régimes démocratiques proposés et y trouver une raison de les défendre.

De quoi se nourrit l’autoritarisme en France ?

Interrogeons-nous maintenant sur qui sont ces « autoritaires » et sur quelles motivations peuvent les pousser à se rallier à ces régimes. Cette réflexion est fondamentale, car l’opinion publique semble relativement ambivalente et sujette à des évolutions. Rejeter ces personnes en dehors du champ de l’étude, refuser de s’interroger sur leurs motivations sociales et politiques, c’est se condamner à être spectateur des événements.

Une demande d’efficacité

L’analyse détaillée des résultats de l’enquête montre d’abord que la disposition à se défier des régimes démocratiques et/ou à se rallier à des régimes autoritaires découle d’une absence d’efficacité perçue des institutions, en particulier dans la sphère économique et sociale. Comme le montrent les tableaux ci-dessous, plus la demande d’efficacité est élevée et plus grande est l’insatisfaction sur la situation économique et sociale, plus les enquêtés se rallient à un régime autoritaire et moins ils soutiennent les régimes démocratiques.

Des régimes sans entrave et contre-pouvoirs ralentissant l’action des décideurs peuvent en effet apparaître séduisants pour régler un problème qu’un régime démocratique semble avoir de la peine à résoudre17Cameron Ballard-Rosa et al., The Economic Origins of Authoritarian Values, op. cit., 26 octobre 2017 ; Luc Rouban, Les Raisons de la défiance, Paris, Presses de Sciences Po, 2022, pp. 144-146.. Ainsi, un partisan des régimes autoritaires semble se caractériser par le fait de percevoir l’existence d’une situation grave, et que celle-ci pourrait être mieux réglée par un régime « expéditif ». Dans l’histoire, de nombreux régimes autoritaires se sont en effet consolidés dans un premier temps grâce à leur capacité supposée à régler des problèmes irrésolus et à améliorer les conditions économiques et sociales de leur population : Napoléon et la guerre civile larvée post-révolutionnaire, le régime nazi et la crise de 1929, l’URSS et la fin de la Première Guerre mondiale, la Chine communiste et l’arrêt des interventions étrangères, Saddam Hussein et la redistribution de la rente pétrolière, etc.18Eugénie Meriau, La dictature, une antithèse de la démocratie ?, Paris, Le Cavalier bleu, 2019.. Cette aspiration à plus d’efficacité au détriment d’un État de droit et de contre-pouvoir a également été identifiée par des chercheurs du Cevipof, qui ont observé que 42% des Français approuvaient « qu’il valait mieux moins de démocratie mais plus d’efficacité »19Luc Rouban, Les Raisons de la défiance, op. cit., 2022..

Pour être efficace, des élites faisons table rase

Au-delà d’une simple demande d’un régime plus efficace capable de régler certains problèmes, la demande autoritaire identifiée dans l’enquête associe de manière implicite « l’efficacité » avec « le renversement des élites ». Cette hostilité aux élites tire ses racines de la conviction que l’élite poursuit ses propres intérêts à l’opposé des intérêts du « peuple ». Pour résoudre cet obstacle, les partisans des régimes autoritaires semblent disposés à renverser les élites par la force. Comment faire dans un système bien en place doté de tous les outils de coercition et de ministères régaliens ? La solution de dernier recours consiste, pour ces répondants, à réaliser un compromis avec un leader, un parti, une figure d’autorité capable d’un coup de force. On trouve dans l’histoire plusieurs exemples de cette « alliance », dont l’une des plus célèbres est peut-être celle entre César et la plèbe romaine. La République romaine faisait face à un certain nombre de difficultés, dont une grande fragilisation de la plèbe mise au chômage par l’afflux d’esclaves, la concurrence de l’artisanat étranger, la captation des terres par les plus riches et les sénateurs. Entraînée dans une spirale d’endettement et de pauvreté, elle s’est ralliée massivement à César qui, en échange de son soutien, a aboli les dettes, mis en place des distributions de pain, a baissé les loyers et a partagé une partie des terres. Ce ralliement avait un prix : la fin de la République romaine. Si César n’arriva pas à ces fins et fut assassiné, le mécanisme est perceptible20Marcel le Glay, Rome : Grandeur et déclin de la République, Paris, Perrin, 1989.. Appelons cette alliance de circonstance un « contrat césariste ».

Formellement, ce contrat est un accord implicite entre une partie de la population acceptant de se priver de ses droits politiques en échange du renversement d’une élite par un leader émanant du peuple appliquant ses « vrais » désirs. Comme le montre le graphique ci-dessous, moins les répondants trouvent les institutions démocratiques et représentatives, plus ils semblent en mesure de se rallier à des régimes autoritaires.

Les populations les plus disposées à ce contrat sont les classes en souffrance, les moins diplômés et les moins aisés. Ce « contrat césariste » apparaît donc en réalité comme une alliance entre classes en souffrance et un leader autoritaire pour renverser un système oligarchique et une élite politique.

Individus les moins aisés et diplômésIndividus les plus aisés et diplômés
34% sont favorables à un régime autoritaire5% sont favorables à un régime autoritaire
31% sont favorables à un régime démocratique74% sont favorables à un régime démocratique
36% ne se prononcent pas21% ne se prononcent pas

Une demande démocratique insatisfaite

La démocratie est la source incontestée du pouvoir au XXIe siècle en France. Quand on mesure l’attachement à la démocratie en France, on constate un quasi-consensus inexistant sur toutes les autres questions posées. En effet, à la question « Sur une échelle de 0 à 10, quel score donneriez-vous à l’importance de vivre dans un pays démocratique ? », la moyenne des scores donnés par les répondants est de 8,5 sur 10 et seuls 6% donnent un score inférieur à 5/10. Lorsqu’on regarde les scores donnés à cette question chez les partisans des régimes autoritaires ou démocratiques, on constate bien une différence, mais les partisans des régimes autoritaires restent largement favorables à la démocratie comme principe de gouvernement. Plus intéressant encore, les partisans des régimes autoritaires sont plus favorables que les autres à la démocratie directe.  

QuestionsPartisan des régimes autoritairesPartisan des régimes démocratiques
Sur une échelle de 0 à 10, quel score donneriez-vous à l’importance de vivre dans un pays démocratique ?7,2 / 108,9 / 10
Êtes-vous favorable à la mise en place d’outils de démocratie directe ?Oui à 77%Oui à 73%

Les partisans des régimes autoritaires ne sont donc pas anti-démocratie par principe, mais bien motivés par elle. Comment expliquer ce paradoxe ? Le problème réside sur la forme des institutions et les personnes qui les dirigent. Nous l’avons vu, une partie de la population est convaincue que, quelle que soit la forme des régimes démocratiques représentatifs, ils sont ou seront capturés par une élite ayant trahi le pacte social commun et en premier lieu le pacte égalitaire. Si les régimes d’Europe de l’Ouest ne se sont jamais donné pour mission d’assurer une égalité économique et sociale absolue, ils ont progressivement été tenus d’assurer une « égalité d’opportunités » à tous : seul doit compter le mérite individuel et non les privilèges de la naissance. Cette égalité collective est devenue la source de leur légitimité et, si cette promesse est rompue, le régime devient illégitime. Deux moyens s’offrent alors aux insatisfaits : contourner le système de la démocratie représentative par la démocratie directe ou se rallier via la logique du « contrat césariste » à un parti ou un leader émanant du peuple, seul garant d’une vraie représentation et donc d’une réelle démocratie pour ces derniers.

Transformer ou conserver la société ?

Au-delà de ces points communs, les partisans des régimes autoritaires restent divisés sur leur projet de société. Nous avons en effet demandé aux répondants de sélectionner plusieurs politiques publiques qu’ils aimeraient voir mises en place. On peut distinguer deux grands types appartenant aux grandes familles idéologiques de la droite et de la gauche.

Chez les partisans des régimes autoritaires se définissant comme étant politiquement à droite, cette demande se caractérise par un souhait de conserver par la force des hiérarchies dans le but de maintenir l’homogénéité « historique » ou « héritée » du groupe (raciale, religieuse, genrée, sociale, etc.). Cette tendance souhaite maintenir la population dans les structures passées face aux transformations des normes, des hiérarchies sociales traditionnelles ainsi qu’un multiculturalisme perçu comme trop important21Gilles Ivaldi, « Éric Zemmour : Un “backlash culturel” à la française ? », Cevipof, février 2022.. On retrouve cette demande dans l’hostilité à l’immigration très marquée qui semble illustrer un désir d’homogénéisation ethnico-linguistique et une demande d’ordre. De manière intéressante, un soutien à un État providence redistributif existe également, à condition d’en exclure les « non nationaux » illégitimes22Simon Otjes, Gilles Ivaldi, Anders Ravik Jupskås, Oscar Mazzoleni, « It’s not Economic Interventionism, Stupid! Reassessing the Political Economy of Radical Right-wing Populist Parties », Swiss Political Science Review, 24, 2018, pp. 270-290..

De l’autre côté du spectre, chez les partisans de l’autoritarisme de gauche, on cherche plutôt un renversement par la force des hiérarchies dans le but de rétablir une égalité socio-économique et une égalité sociale (sexe, genre, ethno-raciale) jugée plus juste et conforme aux rapports de force contemporains.

Enfin, on retrouve aussi des autoritaires au centre du spectre politique, en particulier dans la proposition « régime des experts ». Ils sont peu intéressés par la redistribution des richesses et sont relativement moins hostiles aux riches. La politique publique préférée de ce dernier groupe est la « lutte contre les lobbys et la corruption » qui révèle une attitude plus réformiste qu’une transformation radicale. Ces autoritaires centristes semblent aimer l’esprit des institutions ou de la société mais pas les leaders et souhaitent une amélioration du système en remplaçant l’élite au pouvoir sans changer pour autant l’ordre des choses.

Comprendre le monde et s’y projeter : le besoin d’une vision structurante, de projets à long terme, d’un discours fédérateur

Au-delà de la question de « l’efficacité », de la demande de démocratie se dessine en réalité une problématique plus profonde, celle de l’absence de grand projet collectif, d’horizon politique vers lequel se tourner après le déclin des grandes idéologies ayant structuré l’imaginaire et la politique (le communisme, le catholicisme, le gaullisme, le nationalisme, le socialisme, etc.). Cette envie de grand projet, d’aventure collective, de cohésion semble présente dans de nombreux discours politiques actuels et tend à se cristalliser en partie dans le soutien à un pouvoir politique plus fort et plus autoritaire capable de tracer de grandes perspectives et de redonner du sens aux événements et à l’actualité23Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen, Martial Foucault, Les Origines du populisme. Enquête sur un schisme politique et social, Paris, Seuil, 2019, pp. 150-152.. La production d’un discours expliquant le monde et proposant une direction est de nature à réduire l’anxiété latente de la population. C’est ce qu’ont compris les leaders et les partis autoritaires ou illibéraux qui affichent un discours explicatif structuré donnant du sens aux événements, aux problèmes, et surtout identifiant des solutions et des moyens d’y parvenir.

Ballottées dans une mondialisation sans boussole, menacées par le réchauffement climatique, les pandémies, l’émergence de nouvelles puissances, les opinions publiques ont de bonnes raisons d’être inquiètes et anxieuses. Si cette anxiété n’est pas traitée, elle nourrira l’autoritarisme politique.

Conclusion : existe-il un risque autoritaire en France ?

En prenant en compte ces considérations, il apparaît que la situation est fragile mais que la demande autoritaire est trop minoritaire pour être en mesure de renverser les institutions par la force. Le système bénéfice de sa propre inertie et peut perdurer tant que le parti au pouvoir n’a pas de velléité autoritaire.

Il y a en revanche un espace pour la mise en place d’un régime plus autoritaire sur le modèle tunisien ou orbanien qui fonctionne en deux temps. Dans un premier temps, ces derniers (Viktor Orbán et Kaïs Sayed) ont remporté une victoire démocratique authentique portée par une coalition de mécontents. Dans un second temps, ils ont capturé les institutions, ont réduit les contre-pouvoirs, mis sous contrôle la justice et les médias, remplacé les membres du Conseil constitutionnel, mais en préservant les apparences de la démocratie (une assemblée, des élections)24Michel Duclos (dir.), Le Monde des nouveaux autoritaires, Paris, L’Observatoire, 2019..

Les détails du cas tunisien sont à ce titre très frappants. En Tunisie, le nouveau président, élu en 2019, a pu promulguer une nouvelle Constitution jugée autoritaire par la plupart des observateurs. Cette Constitution a été approuvée par 95% de « oui » (mais seulement 30% du corps électoral). Une enquête réalisée sur les votants du « oui » montre que la raison première motivant les partisans du « oui » est « réformer le pays et améliorer la situation25« Tunisie – Référendum : Les principales raisons ayant motivé les votes des Tunisiens selon Sigma Conseil », Kapitalis, 26 juillet 2022. ». Le reste de la population s’est abstenu en signe de non-adhésion, mais il ne s’est pas pour autant mobilisé massivement, tant les institutions démocratiques précédentes ont déçu et se sont montrées incapables d’améliorer concrètement la vie des Tunisiens depuis la révolution de 201126Hatem Nafti, Tunisie : vers un populisme autoritaire ?, Paris, Riveneuve, 2022.. Une majorité désabusée par des institutions sans résultats socio-économiques, une minorité active favorable à un régime autoritaire, voilà la « recette idéale » pour la mise en place d’un régime illibéral.

En France, les données de cette enquête montrent qu’un scénario similaire n’est pas à exclure, même si la prudence est de mise. Il ne s’agit que d’opinions récoltées par un sondage, opinions qui peuvent changer confrontées à la mise en place réelle d’un régime plus autoritaire. Si ce scénario est possible, il se ferait également en deux étapes :

  • il est fondamental pour un parti aux velléités autoritaires de générer dans un premier temps un fort soutien pour remporter les élections. Ce parti devrait axer son discours sur la mise en scène d’une forte opposition aux élites politiques et aux lobbys économiques dominants, le besoin de cohésion et d’égalité, l’absence de réelle démocratie, l’absence de direction et de vision pour le pays. Une fois installé au pouvoir, ce régime devrait tenter de contenter les classes les plus en souffrance par une politique favorable à leurs intérêts : hausse des petits salaires, baisse des charges sociales pour les indépendants, politique protectionniste, mise en place de projet d’envergure dans les zones sinistrées, réduction de l’immigration et éviction des minorités du régime redistributif. Le plus important pour le régime n’est pas forcément qu’il le fasse réellement, mais qu’il le mette en scène ;
  • dans un deuxième temps, armé de ce soutien populaire, le régime pourra mettre en place la capture des institutions. Pour désactiver les oppositions, il devra opérer en gardant les formes démocratiques du régime (maintien des élections et des institutions parlementaires), source de légitimité. Il pourra néanmoins vider les institutions de leur contenu via une prise graduelle des médias, en limitant la capacité d’action de l’opposition, en politisant la fonction publique, en réduisant les pouvoirs du Conseil constitutionnel ou en y plaçant des fidèles, etc. Si un coup d’État militaire a toutes les chances de jeter la population dans la rue, le retrait des subventions publiques pour des raisons administratives obscures à des médias un peu trop critiques comme en Hongrie a beaucoup plus de chances de fonctionner. In fine, le résultat est similaire : une alternance politique sera très difficile et les contre-pouvoirs seront réduits à la portion congrue. Les protestations porteront peu aux yeux des partisans du régime voyant en lui son défenseur contre les élites. Si le soutien populaire est là, de tels agissements sont possibles, car l’architecture juridique et constitutionnelle de la Ve République contient de nombreuses failles et est relativement simple à détourner, comme l’a montré une équipe de juristes dans le rapport « La résistance du système juridique français à un potentiel choc autoritaire ».
  • 1
    Jean-Pierre Fabre-Bernadac, « “Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants” : 20 généraux appellent Macron à défendre le patriotisme », Valeurs actuelles, 21 avril 2021.
  • 2
    « Réaction des Français à la publication de la tribune des militaires sur le site de Valeurs Actuelles », sondage Harris interactive, avril 2021.
  • 3
    Sondage Ifop, mai 2021.
  • 4
    Yascha Mounk et Roberto Stefan Foa, « The signs of deconsolidation », Journal of Democracy, vol. 28, n°1, janvier 2017.
  • 5
    Vanessa A. Boese et al., Democracy Report 2022, Autocratization Changing Nature?, Varieties of Democracy Institute (V-Dem), University of Guthenburg, 2022.
  • 6
    Voir Luc Rouban, La démocratie représentative est-elle en crise ?, Paris, La Documentation française, 2018 ; « L’évolution de l’abstention sous la Ve République », Centre d’observation de la société, 16 mars 2020 ; « Les bureaux de vote ont fermé », Les Échos, 12 juin 2022.
  • 7
    Enquête « Fractures françaises », Ipsos/Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut Montaigne, Cevipof, septembre 2021.
  • 8
  • 9
    Réaction des Français à la publication de la tribune des militaires sur le site de Valeurs Actuelles », sondage Harris interactive, avril 2021.
  • 10
    Bojan Bugaric, « The two faces of populism: Between authoritarian and democratic populism », German Law Journal, 20(3), 2019, pp. 390-400.
  • 11
    « Fractures françaises », op. cit., septembre 2021.
  • 12
    « Le Baromètre de la confiance politique », Cevipof, 2022.
  • 13
    Anna Lührmann et al., « Regimes of the World (RoW): Opening New Avenues for the Comparative Study of Political regimes », Politics and Governance, vol. 6, n°1, 2018.
  • 14
    Robert A. Dahl, On democracy, New Haven, Yale University Press, 1998.
  • 15
    Luc Rouban, La démocratie représentative est-elle en crise ?, op. cit., 2018 ; Jérôme Fourquet, Le Nouveau Clivage, Paris, Éditions du Cerf, 2020.
  • 16
    Christopher J. Anderson et Christine A. Guillory, « Political Institutions and Satisfaction With Democracy: A Cross-National Analysis of Consensus and Majoritarian Systems », The American Political Science Review, vol. 91, n°1, mai 1997 ; Eric Protzer et Paul Summerville, Reclaiming Populism, Cambridge, Polity Press, 2020 ; Mario Quaranta, « How citizens evaluate democracy: an assessment using the European Social Survey », European Political Science Review, Cambridge University Press, 20 mars 2017 ; Cameron Ballard-Rosa et al., The Economic Origins of Authoritarian Values, Harvard, Harvard University, 26 octobre 2017.
  • 17
    Cameron Ballard-Rosa et al., The Economic Origins of Authoritarian Values, op. cit., 26 octobre 2017 ; Luc Rouban, Les Raisons de la défiance, Paris, Presses de Sciences Po, 2022, pp. 144-146.
  • 18
    Eugénie Meriau, La dictature, une antithèse de la démocratie ?, Paris, Le Cavalier bleu, 2019.
  • 19
    Luc Rouban, Les Raisons de la défiance, op. cit., 2022.
  • 20
    Marcel le Glay, Rome : Grandeur et déclin de la République, Paris, Perrin, 1989.
  • 21
    Gilles Ivaldi, « Éric Zemmour : Un “backlash culturel” à la française ? », Cevipof, février 2022.
  • 22
    Simon Otjes, Gilles Ivaldi, Anders Ravik Jupskås, Oscar Mazzoleni, « It’s not Economic Interventionism, Stupid! Reassessing the Political Economy of Radical Right-wing Populist Parties », Swiss Political Science Review, 24, 2018, pp. 270-290.
  • 23
    Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen, Martial Foucault, Les Origines du populisme. Enquête sur un schisme politique et social, Paris, Seuil, 2019, pp. 150-152.
  • 24
    Michel Duclos (dir.), Le Monde des nouveaux autoritaires, Paris, L’Observatoire, 2019.
  • 25
    « Tunisie – Référendum : Les principales raisons ayant motivé les votes des Tunisiens selon Sigma Conseil », Kapitalis, 26 juillet 2022. »
  • 26
    Hatem Nafti, Tunisie : vers un populisme autoritaire ?, Paris, Riveneuve, 2022.

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