La coopération franco-allemande : de nouvelles initiatives dans un monde incertain

À l’occasion du 57e anniversaire du traité de l’Élysée et du premier anniversaire du traité d’Aix-la-Chapelle et dans le cadre de notre coopération avec notre partenaire la Fondation Friedrich-Ebert, Nils Schmid, député du Bundestag, porte-parole du groupe SPD pour les questions de politique étrangère, nous livre sa vision de la relation franco-allemande, en réponse à la tribune de Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre, ancien ministre des Affaires étrangères et secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès.

Les relations franco-allemandes ont toujours été profondément liées à la marche de l’Europe. Cinquante-sept années après la signature du traité de l’Élysée, il faut rendre hommage à la clairvoyance du président français Charles de Gaulle et du chancelier allemand Konrad Adenauer, car c’est d’abord à partir de la signature de ce traité, signé en 1963, que les deux pays ont réussi à surmonter leur rivalité historique. Les deux États ont su tirer les enseignements de l’histoire, en faisant évoluer leur opposition historique vers une coexistence pacifique qui, enfin, ouvrit la voie au partenariat que nous connaissons aujourd’hui. 

Nous vivons dans une ère politique où la carte du monde est à de nombreux endroits traversée par un vaste mouvement de plaques tectoniques. Sous la direction de leur président actuel, les États-Unis sont devenus plus imprévisibles, tandis que la Chine, qui est en train de devenir une superpuissance mondiale, s’engouffre dans le vide laissé par la politique du président américain. Pratiquant une politique étrangère agressive, la Russie adopte une attitude semblable. Ces bouleversements n’épargnent pas l’Union européenne (UE), qui fait face à des secousses internes. Fait inédit, la Grande-Bretagne sortira de l’Union européenne dans quelques jours, quarante-sept ans après avoir adhéré à l’Union. Dans le même temps, les forces de désintégration et de renationalisation s’accroissent alors que quelques États de l’UE remettent ouvertement en question nos valeurs communes. Enfin, nous devons trouver des réponses aux grands défis tels que le changement climatique, les déplacements de réfugiés, la guerre et les expulsions. La seule réponse possible de l’Europe passera par l’association d’un moteur franco-allemand puissant. Plutôt que de se retrancher derrière ses frontières nationales ou d’adopter la stratégie du cavalier seul, il est aujourd’hui plus que jamais indispensable d’agir collectivement. 

Depuis la création de l’Union européenne, nos deux pays ont été à plusieurs reprises, et ce malgré des intérêts parfois différents, les pionniers et les moteurs du processus d’unification européenne. Dans son discours de la Sorbonne de 2017, le président Macron a souligné à juste titre que seule l’Europe était en mesure de garantir notre souveraineté. Dans un monde de plus en plus numérique et global, seule une Europe forte nous permettra de défendre nos valeurs et nos intérêts communs. La défense de la place de l’Europe implique non seulement une plus grande coopération en matière de politique étrangère et de sécurité, mais aussi une plus grande autonomie en matière de politique commerciale et le renforcement de l’euro sur les marchés financiers internationaux. 

Dans le domaine de la politique étrangère, les deux pays ont pris de nombreuses initiatives communes : pendant la crise ukrainienne, le « format Normandie » a par exemple été établi à l’instigation de l’Allemagne et de la France pour inviter la Russie et l’Ukraine à la table des négociations. En outre, Berlin et Paris restent avec la Grande-Bretagne attachés à l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) en dépit du retrait des États-Unis. De même, j’espère vivement que le président Macron proposera, à l’occasion de sa visite d’État en Pologne au début du mois de février, une relance du Triangle de Weimar. Nous devons étroitement impliquer les pays partenaires de l’Est de l’UE, en particulier lorsqu’il s’agit de nos relations avec la Russie. 

La relation franco-allemande se nourrit aussi des nombreuses amitiés franco-allemandes. Les habitants des régions frontalières de nos deux pays, en particulier, ont depuis longtemps des échanges intenses à différents niveaux. Ainsi, la région frontalière franco-allemande est aussi un moteur de l’intégration européenne à petite échelle.

Le traité d’Aix-la-Chapelle, qui est entré en vigueur l’année dernière, ouvre également de nouvelles perspectives. Il traite des sujets d’avenir comme l’intelligence artificielle, appelle à l’approfondissement de la politique étrangère et de sécurité commune, à la création d’un espace économique commun, à la mise en place de programmes transfrontaliers de mobilité professionnelle ou de connexions étroites des liaisons ferroviaires et des réseaux numériques. Le traité prévoit également la création d’un Fonds citoyen commun destiné à appuyer les initiatives citoyennes et les jumelages de communes. Le fonds, qui sera disponible à partir du mois d’avril 2020, sera financé par les deux gouvernements à Berlin et Paris.

L’Accord parlementaire franco-allemand conclu entre le Bundestag et l’Assemblée nationale constitue un autre élément permettant de renforcer notre amitié. Par le biais de cet accord, la coopération parlementaire sera encore plus intense : 50 membres issus de chaque Parlement se réuniront deux fois par an pour discuter des sujets liés à la réalité de nos deux pays. Les 5 et 6 février prochains, l’Assemblée parlementaire se réunira à Strasbourg pour débattre de la politique de défense et de la politique climatique.

Les relations entre nos deux pays sont aujourd’hui plus étroites que jamais. Si, pour la plupart des gens, l’amitié franco-allemande est une évidence, notre rôle est de la préserver, de la renforcer et de lui donner de nouvelles perspectives.

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