Alors que la Commune de Paris célèbre cette année ses 140 ans, quelle est l’actualité de cet événement révolutionnaire essentiel dans la mémoire socialiste ? Bien plus qu’un événement historique relégué dans le passé, la Commune nous offre en réalité une clé de lecture critique essentielle dans la compréhension de la démocratie présente.
En 2011, la Commune de Paris célèbre ses 140 ans. Après avoir été pendant longtemps une référence obligée pour la gauche socialiste (au sens large du terme) et le mouvement ouvrier français et international, l’événement semble avoir perdu peu à peu ce statut de mythe fondateur pour tomber dans un oubli relatif, écarté de l’histoire « officielle » de la République française, qui s’est, à bien des égards, construite par contraste ou par opposition. Ce souvenir a ainsi pu devenir une ligne de fracture plutôt que de ralliement au sein de la gauche et se voir approprier par son versant le plus contestataire. Cependant, tant pour ses acteurs que pour les historiens actuels, la Commune appartient incontestablement à l’histoire du combat républicain et démocratique initié à la Révolution.
Ce rapport paradoxal à la République est visible dès l’institution de la Commune : issue des élections municipales du 26 mars 1871, organisées dans un climat insurrectionnel, elle ne tarde pas à dépasser les compétences d’un simple conseil municipal pour mêler enjeux locaux et nationaux. Tout oppose le gouvernement de Thiers, issu d’une Assemblée nationale majoritairement monarchiste, et un peuple parisien au républicanisme radical et patriote. L’affrontement s’avère rapidement inévitable, il entraîne combats, massacres et arrestations qui font des milliers de victimes.
Les parisiens se divisent entre ceux qui rejettent tout à fait la Commune, la masse des indécis, le « tiers parti » (les républicains qui cherchent à concilier Versailles et Paris) et les partisans de la Commune. Ceux-ci ci sont souvent issus de la petite bourgeoisie populaire et du milieu ouvrier. Il faut noter dans ce mouvement la présence de nombreux étrangers (souvent exilés politiques) et la forte mobilisation féminine, notamment dans l’Union des femmes, liée à l’Internationale socialiste. La Commune est donc une révolution populaire, qui rassemble les principales tendances de l’extrême gauche révolutionnaire de l’époque autour d’une même volonté, celle de fonder une République démocratique et sociale reposant sur la fédération de communes républicaines autonomes. Celle-ci achèverait la révolution en établissant un régime laïc, décentralisé, l’égalité sociale, une réelle souveraineté du peuple, l’instruction publique et obligatoire pour tous ; leur idéal démocratique est celui d’une démocratie directe grâce au mandat impératif ou à la révocabilité des élus.
Bien qu’elle soit pour le mouvement ouvrier et socialiste le prélude de la révolution à venir, prise globalement, la Commune, dans ses fondements comme ses objectifs, est moins socialiste que républicaine. Mais, reconstruite par les commémorations et les interprétations dont elle fut l’objet, la Commune fut célébrée par toutes les mouvances de cette famille politique.
La Commune mérite aujourd’hui d’être réinscrite dans l’histoire du républicanisme, du socialisme, de la démocratie et plus largement de la gauche. Son actualité repose peut être en vérité sur sa capacité à interroger notre démocratie : par la recherche de l’extension maximale de la souveraineté populaire et la promotion de la participation, la Commune vient en effet questionner l’identification pas si naturelle de la démocratie à sa forme représentative. En ce sens, elle garde toute sa portée à la fois critique et idéale.