La République islamique d’Iran a élu son nouveau président le 14 juin 2013. Il s’agit d’Hassan Rouhani, un religieux âgé de 64 ans, se présentant comme modéré. Dans quel sens va-t-il orienter la politique de son pays ?
Hassan Rouhani est-il un réformateur ?
Non, Hassan Rouhani n’a jamais été proche du mouvement réformateur. Mais cet homme du système a su évoluer par rapport aux durs du régime. Il s’est ouvert lors de ses échanges avec les Européens dans sa négociation sur le nucléaire, au point d’être immédiatement débarqué en 2005 par Mahmoud Ahmadinejad. Il a su alors attendre discrètement son heure.
Comment a-t-il pu l’emporter dès le premier tour de l’élection ?
En prenant clairement partie pour une normalisation avec le monde extérieur – condition du redressement de l’économie –, pour la libération des prisonniers politiques et la libéralisation des institutions. Ceci lui a permis de l’emporter avec 50,7 % des voix.
Quels sont les autres vainqueurs de cette élection ?
Les Occidentaux sont en droit de voir dans l’issue de ce scrutin un effet des sanctions infligées à l’Iran ces dernières années. L’élection est ensuite un succès pour le régime qui a démontré sa capacité à évoluer et à tirer les leçons de ses erreurs passées. Enfin, cette élection marque la victoire du peuple iranien qui a démontré sa maturité et sa capacité à s’emparer pleinement de toute opportunité d’avancée démocratique.
Est-il possible que rien ne change, tout dépendant finalement du Guide suprême ?
Non, la présidence de Rouhani offre la possibilité de profonds changements, tant sur le plan extérieur qu’intérieur. Rouhani est dans une relation de confiance avec Khamenei qui lui laissera certainement d’importantes marges de manœuvre. Mais ces changements prendront du temps : Rouhani ne prendra ses fonctions qu’en août 2013 et il faudra encore des mois à son administration pour être en état de marche ; le Parlement reste à majorité conservatrice et ne sera pas renouvelé avant 2016.
Peut-on espérer une sortie de la crise nucléaire ?
Oui, Rouhani a fait de la solution négociée de cette crise une des priorités de son gouvernement. C’est lui qui avait convaincu Khamenei d’interrompre, fin 2003, le programme clandestin d’acquisition de l’arme nucléaire.
Et la Syrie ?
Le dossier est pour l’essentiel entre les mains des Pasdaran. Mais un gouvernement plus présentable que celui d’Ahmadinejad pèsera peut-être mieux sur le plan diplomatique. Et Rouhani devrait pouvoir calmer l’inquiétude selon laquelle l’Iran chercherait à arracher l’autorisation de fabriquer la bombe en contrepartie de concessions sur la Syrie.
Devant cette nouvelle donne, que peuvent faire les Européens et les Américains ?
Il y a deux pièges à éviter : celui de penser que Rouhani, pour obtenir une levée rapide des sanctions, finira par accepter toutes les concessions sur le plan nucléaire. Et celui de répéter l’erreur faite par les Occidentaux à l’égard du président Khatami : ne pas lui avoir fait assez confiance malgré ses appels à l’aide et ses signaux d’ouverture.