Générations : le grand fossé ?

Si ces derniers mois, la crise sanitaire a ravivé le spectre d’un « clash générationnel » dans le débat public, ce récit a poussé sur un terreau fertile : l’idée d’un fossé grandissant entre jeunes et seniors a largement précédé la pandémie. Mais qu’en est-il réellement des relations entre générations ? Une enquête inédite fait le point.

Produit par Grand Récit pour Départements solidaires, ce rapport fait l’état des lieux des perceptions et attitudes des Français sur les relations intergénérationnelles. Il s’appuie sur les données d’une étude conduite par l’institut de sondage BVA auprès de 3 200 Français, dont 1 049 jeunes de dix-huit à vingt-neuf ans et 1 125 seniors âgés de soixante ans et plus en septembre 2021. Les résultats de cette enquête battent en brèche le récit d’un fossé grandissant entre les plus jeunes et les plus âgés. Ils mettent en évidence les écarts de perception et de valeurs qui existent entre classes d’âge, mais montrent que ces divergences ne constituent pas un fossé infranchissable pour autant. L’importance que leur accorde le débat public, par effet de polarisation, masque non seulement les écarts qui existent au sein même des classes d’âge, mais aussi tous les points qui les rassemblent, notamment autour de la question sociale. Les solidarités entre générations demeurent fortes. Pour les Français, elles sont tout autant une affaire de famille qu’un enjeu de solidarité nationale et locale. Pour le relever, les départements sont en mesure de jouer un rôle décisif. 

Table des matières

Préface

Synthèse
Entre générations, des relations pacifiées
Dans le débat public, des effets de loupe sur les divergences
Il n’y a pas de conflit de génération autour du climat 
Une France multi-solidaire à accompagner 

Introduction
De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de « génération » ?
La génération, un groupe d’appartenance ?
Méthodologie

Ce qui nourrit le récit d’un fossé entre les générations
Des valeurs divergentes ? 
Des intérêts divergents ? 
Un ressentiment mutuel ? 
Des engagements et des rapports divergents à la politique ? 
Et pourtant, le conflit intergénérationnel semble improbable

Pourquoi le fossé entre générations n’est pas si grand
Solidarité : un attachement mutuel, en paroles et en actes
Panne de l’ascenseur social : un constat partagé par toutes les générations
Climat : un objet de consensus intergénérationnel 
Valeurs : tous les jeunes ne sont pas progressistes

Pourquoi les raisons de ces divergences sont aussi à chercher ailleurs
Des divergences générationnelles et/ou politiques ? 
Des clivages au sein des générations peut-être plus importants qu’entre les générations 

Ce que « génération » veut dire
La « génération », une appartenance secondaire ? 
Deux façons différentes de « faire génération »
Nourrir une fracture, aujourd’hui plutôt faible, n’est pas la solution 
Prendre en compte un rapport différent à la politique est une nécessité 

Franchir le fossé : des politiques attendus au tournant
Dans la solidarité entre les générations et au sein même des générations, les pouvoirs publics sont attendus 
Les pouvoirs publics doivent trouver leur place 
Les départements, acteurs de la solidarité, en ont la légitimité 

Conclusion

Annexes
Structure de l’échantillon global 
Marges d’erreur
Bibliographie

Préface
Michel Ménard

Président du Conseil départemental de Loire-Atlantique,
président de l’Association des Départements solidaires

L’allongement exceptionnel de l’espérance de vie dans notre société donne lieu à une situation inédite : jusqu’à cinq générations peuvent aujourd’hui cohabiter. Jamais nous n’avons vécu aussi longtemps en­semble. Jamais autant de générations n’ont eu à coexister.

Ce mélange intergénérationnel ouvre sur de nou­velles modalités de solidarité dans toutes les sphères de notre vie : la famille, la vie associative, le monde professionnel. Il nous pousse également vers une société plus inclusive dans sa globalité, où le vivre-ensemble prend tout son sens.

Nous avons donc fait appel à l’agence Grand Récit pour objectiver cette intuition. Nous voulons ici remercier ici les auteurs de cette étude au premier rang desquels Lucie Monges et le président François-Xavier Demoures. Nous associons à ces remerciements Julia Schmidt et Christelle Craplet de l’institut BVA.

Bien sûr, les difficultés ne manquent pas. Plus de générations, c’est aussi davantage de différences à associer, des manières de penser et d’agir à faire coexister, des distances à combler pour éviter l’incom­préhension, et de ne voir se creuser un fossé intergé­nérationnel qu’il serait ensuite difficile de résorber.

Pouvons-nous toutefois parler de choc générationnel ? Devons-nous redouter l’avènement d’un conflit de générations entre nos concitoyens les plus jeunes et les plus âgés ?

Si la crise sanitaire a mis en lumière et souvent ren­forcé l’isolement des personnes âgées, fragiles ou en situation de précarité, les fractures qu’elle a révélées sont surtout d’ordre économique, social ou territorial, mais en aucun cas générationnel.

Les liens entre générations, contrairement à tous les pronostics, se sont renforcés. Ce lien que nous, départements, nous nous efforçons de faire perdu­rer et que d’aucuns annonçaient si distendu ne s’est pas brisé. 

C’est bien à la faveur de cette crise que nous avons pu mesurer dans nos départements, sur nos terri­toires, la faculté de résilience de nos concitoyens. Nous avons organisé des collectes de denrées de pre­mière nécessité, les plus jeunes moins exposés aux formes graves du virus n’ont pas hésité à se déplacer pour livrer courses et ravitaillement en tout genre à leurs aînés plus exposés. 

La solidarité intergénérationnelle a donc bel et bien fonctionné. Et si la famille en reste le socle, et nous l’avons encore vu lors des différentes périodes de confinement, de nouvelles pratiques et collaborations entre générations ont émergé grâce à la mobilisation du tissu associatif, mais aussi à l’émergence d’initia­tives et projets citoyens ici et là. 

Les départements ont accompagné ces démarches par des dispositifs aussi divers qu’innovants, consi­dérant plus que jamais les solidarités intergénérationnelles comme un levier essentiel pour « faire société » dans un contexte troublé. 

Jugés obsolètes il y a encore quelques années, mena­cés de disparition, les départements se sont révélés indispensables dans l’exercice de leurs missions plus que jamais nécessaires de protection et de soutien aux populations les plus fragiles. 

Suffisamment proches pour connaître parfaitement l’ensemble des territoires qui les composent, mais suffisamment grands pour intervenir, aux côtés des collectivités plus petites, afin de compenser les inégalités et de parer à l’urgence, les départements ont tenu un rôle essentiel dans la gestion de la crise sanitaire. Ils ont été confortés dans leurs missions et doivent aujourd’hui redoubler de vigilance pour éviter les situations de rupture et d’isolement.

L’intergénérationnel est une évidence parce qu’on y est tous confrontés. On apprend la complexité de la société à travers lui, et c’est aussi par lui qu’on peut la dépasser. En combinant les savoirs et les points de vue, la collaboration entre les générations doit effec­tivement permettre de mieux relever les défis de notre époque et de construire collectivement l’avenir.

En cela, qui mieux que les départements pour pré­server ce lien que l’on souhaite précieux ? Notre connaissance du terrain et des acteurs de la solidarité nous place comme les têtes de ponts des dispositifs à venir. Nous sommes incontournables en la matière et nous avons face à nous un formidable terrain d’ex­périmentation à investir.

Les projets d’habitat partagé et intergénérationnel es­saiment en tous points du territoire. Accompagnons leur développement. Repensons notre manière d’aménager les cœurs de bourg, réfléchissons à nos services publics de demain, inventons de nouveaux équipements décloisonnant les âges et générations, soutenons les projets culturels et sportifs inclusifs, lançons de grands appels à projets solidaires qui per­mettront à nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, de s’investir dans la vie de la cité. Continuons à lutter contre l’isolement et favorisons l’échange et la connaissance réciproque par la transmission du savoir, par l’accès à la culture, au numérique, à l’in­formation de tous. 

Pour notre jeunesse, la quête de sens et de don de soi est importante, et notre étude ne s’y trompe pas : plus de quatre Français sur dix déclarent être prêts à donner de leur temps pour participer à des activités intergénérationnelles, et c’est particulièrement le cas chez les moins de trente ans qui sont les plus nombreux à s’y déclarer favorables. Saisissons cette opportunité. 

Si l’intergénérationnel est étayé par des politiques pu­bliques adéquates, il irradiera sur d’autres sphères et c’est le vivre-ensemble qui s’en trouvera amélioré.

En développant le lien intergénérationnel, nous œuvrons pour le dépassement des préjugés, nous œuvrons en faveur de la solidarité et de la conscience collective.

L’Association des Départements solidaires a pour objet de représenter les départements adhérents tout en permettant de renforcer leur coopération sur l’ensemble des politiques publiques menées. Elle vise également à défendre leurs intérêts auprès des autres acteurs de la vie publique, qu’ils soient parlementaires, institutionnels ou associatifs tout en fournissant un appui technique et humain aux demandes individuelles et collectives de ses membres. 

Départements solidaires mobilise ainsi un réseau de collectivités pour promouvoir les bonnes pratiques et les expérimentations réussies pour une plus grande fluidité de l’intelligence territoriale. Au 1er décembre 2021, l’Association compte douze départements adhérents (Aude, Dordogne, Haute-Garonne,Lot-et-Garonne, Gironde, Hérault, Landes, Loire-Atlantique, Lozère, Nièvre, Seine-Saint-Denis, Haute-Vienne).

Retrouvez la vidéo de présentation du rapport :

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