Peut-on parler d’un phénomène de « fusion » des électorats FN et UMP ? Pour y répondre, un retour s’impose sur ce qui s’est joué, de 2007 à 2012, entre les deux partis : au-delà des stratégies électorales et des discours des leaders, ces électeurs ont-ils les mêmes valeurs, les mêmes logiques, le même rapport au monde ?
Les résultats enregistrés au sein des enquêtes d’opinion pour la période 2006-2013 témoignent dans le détail d’un phénomène de droitisation qui concerne en fait les deux électorats. A l’UMP, en sept ans, les thématiques migratoires et sécuritaires ont connu et abouti à un phénomène de crispation important : 87 % des sympathisants UMP pensent aujourd’hui qu’« il y a trop d’immigrés en France » (+ 25 points par rapport à avril 2006). Du côté du FN, la dédiabolisation apparente ne doit pas masquer un processus de radicalisation parmi les sympathisants de ce parti : alors qu’ils étaient 86 % en 2006 à penser qu’« il y a trop d’immigrés en France », ils sont aujourd’hui 96 %, soit une progression de 9 points en sept ans.
Ainsi, bien qu’un certain nombre d’événements récents confirme l’existence d’un phénomène de droitisation de l’UMP, c’est bien au déplacement du centre de gravité des deux électorats que l’on assiste, plutôt qu’à un phénomène de convergence entre les deux droites. En outre, les questions économiques semblent témoigner des différences qui persistent entre l’électorat UMP, encore fortement attaché au libéralisme économique, et celui du FN, majoritairement en attente de l’intervention de l’Etat pour corriger et encadrer le marché. Il en va d’ailleurs de même sur les questions européennes. Néanmoins, il existe une forme de porosité sur le plan économique entre les deux électorats : défense du pouvoir d’achat, lutte contre l’assistanat, demande de protection de la France à l’égard de l’extérieur. Il apparaît d’ailleurs que la porosité est la plus forte parmi les catégories populaires, qui constituent bien le principal enjeu des mouvements électoraux entre l’UMP et le FN.