Marc Abadie, Directeur du réseau et des territoires de la Caisse des dépots
2014 | 2015 | 2016 | 2017 |
56,87 | 53,45 | 49,79 | 46,12 |
Source : Article 14 de la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques 2014-2019
Dans ce panorama, avec la réduction drastique de la DGF jusqu’en 2017 (3,67 Md€ /an) , il est aisé de comprendre que le financement de la dotation d’intercommunalité[5] des métropoles créées le 1er janvier 2015, des quelques 300 communes nouvelles[6] qui semblent s’annoncer d’ici le 1er janvier 2016[7], des métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille[8] et des intercommunalités issues du relèvement du seuil de population, va en réalité peser, et pèse d’ailleurs déjà, sur les composantes figées de la DGF, au sein d’une enveloppe qui va continuer à se réduire.
C’est aussi pourquoi la réforme territoriale doit être accompagnée de la réforme de la DGF. Conçue, à sa création en 1979, pour compenser la suppression des ressources fiscales et non comme une dotation de fonctionnement qui couvrent des charges, la DGF n’est plus du tout adaptée à la réalité des charges et des ressources des territoires. Les travaux présentés par Mme Pirès-Beaune, à la demande du Premier ministre, ont mis en exergue les nombreux défauts du dispositif[9] qu’il devient nécessaire de réformer, dès le projet de loi de finances pour 2016.
Or, l’impact des différents scénarios proposés pour réformer la DGF du bloc communal, non encore simulés à la fin du mois de juin 2015, et le refus catégorique du président du comité des finances locales, par ailleurs vice-président de l’AMF, de créer une « DGF locale » qui intègrerait le fait intercommunal tout en préservant l’identité communale, n’annoncent pas une réforme réelle pour 2016.
Il n’est pas difficile de conclure que le bouclage du financement de la réforme de l’intercommunalité qui s’achève à l’issue des réformes territoriales successives se rapproche de la fin d’une impasse. En effet, d’une part, 2,071 Md€[10] seront encore prélevés, en 2016 puis en 2017, sur la DGF du bloc communal (représentant 21 Md€ en 2015 dont 6,5 Md€ pour les EPCI) voire sur la fiscalité de certaines communes[11] et EPCI, d’autre part, la montée en puissance, depuis 2012, de la péréquation horizontale au sein du FPIC[12] se poursuit passant de 780 M€ en 2015 à 1 Md€ en 2016. Où l’Etat va-t-il trouver les financements nécessaires aux évolutions intercommunales prévues par les lois MAPTAM et Notre au sein d‘une enveloppe en réduction et que l’envolée des communes nouvelles va de surcroît ponctionner ?
Parallèlement, le financement de la réforme de l’organisation territoriale qu’introduira la loi Notre n’est pas encore établi.
Tout d’abord, si l’étude d’impact du projet de loi mentionne des économies supposées, elles ne sont, la plupart du temps, pas chiffrées et ne seront mesurables qu’à moyen voire à long terme. Ensuite, les dispositions financières attachées à ce texte, dont le contenu a beaucoup évolué depuis son dépôt au Parlement le 18 juin 2014, seront introduites dans une loi de finances.
En effet, la loi Notre se borne à rappeler le principe constitutionnel, posé par l’article 72-2 de la Constitution, selon lequel les transferts de compétences ouvrent droit à une compensation financière équivalente aux dépenses consacrées, à la date du transfert, à l’exercice des compétences transférées. Les conditions et les modalités de la compensation financière desdits transferts qui devrait s’opèrer, à titre principal, par de la fiscalité seront, elles, fixées en loi de finances.
Les transferts de compétences prévus entre collectivités s’accompagneront, aussi, d’une compensation intégrale des charges transférées, à la date du transfert, après avis de la commission locale d’évaluation des charges et des ressources transférées. Mais là encore, les modalités de compensation des charges transférées sont renvoyées en loi de finances.
Toutefois, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, a d’ores et déjà annoncé, le 26 juin 2015, lors du congrès de l’ARF, que les transferts de compétences aux régions seraient intégralement compensés par des transferts de ressources fiscales. Les régions percevraient, dès 2017, 50 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) contre 25% actuellement (48,5 % pour les départements et 26,5 % pour les communes) pour accompagner le renforcement de leurs responsabilités dans le domaine du développement économique et le transfert des compétences départementales aux régions (transports interurbains et scolaires).
Cette décision, si elle est entérinée dans la loi de finances, privera les départements d’une fiscalité économique, dont l’évolution, bien qu’instable et non maîtrisée, peut être très dynamique (+7,5% en 2013). Dans ces conditions, alors que la situation financière des départements est déjà très tendue et avait justifié l’attribution par l’Etat de ressources nouvelles dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité conclu en juillet 2013, comment les départements pourront-ils continuer à assurer le financement pérenne des allocations individuelles de solidarité ?
On le voit bien, de nombreuses inconnues sont encore présentes dans l’équation du financement de la réforme territoriale, dans un contexte financier trop contraint. Son financement ne paraît donc pas complètement assuré et avant les économies supposées, elle commencera d’abord par coûter aux collectivités.
En effet, des coûts ne feront l’objet d’aucune compensation par l’Etat : d’une part, l’alignement fort probablement par le haut des régimes indemnitaires des agents de l’Etat transférés aux collectivités, et des agents regroupés au sein des régions fusionnées et d’autre part, les dépenses immobilières générées par le regroupement des services dans les nouvelles régions.
Il est donc peu probable que le ralentissement de 1,2 Md€ des dépenses de fonctionnement des collectivités locales (hors masse salariale), annoncé par l’Etat dans son rapport[13] préparatoire au débat sur les orientations des finances publiques, soit au rendez-vous en 2016.
Enfin, la forte baisse de l’investissement public local, encore dernièrement réaffirmée par un rapport d’information du Sénat publié le 10 juillet 2015[14], s’annonce commune une certitude. Si les prêts sur fonds d’épargne de la Caisse des dépôts permettent, depuis 2013, le financement à très long terme des projets structurants des collectivités locales, et peuvent apporter une réponse aux besoins des territoires, les projections publiées par le Sénat en novembre 2014[15] montrent que les collectivités locales se rapprochent d’une véritable impasse financière prévisible fin 2017.
[1]. …aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
[2]. population, dotation d’intercommunalité, dotations de péréquation
[3]. Notamment complément de garantie et dotations de compensations fiscales
[4]. La notion de concours financiers de l’Etat ne comprend pas la fiscalité transférée, les contreparties des dégrèvements législatifs, les subventions des ministères, le produit des amendes de police et le fonds régionaux de l’apprentissage (soit plus 47,5 Md€ sur un total de plus de 101 Md€ de transferts de l’Etat)
[5]. Composante de la DGF des EPCI
[6]. Elles seront exonérées de la baisse des dotations
[7]. Au 1er janvier 2015, seulement 25 avaient été créées
[8]. Ces deux métropoles verront le jour le 1er janvier 2016
[9]. La DGF est injuste, complexe, illisible, laisse peu de place à la péréquation et prend insuffisamment en compte le fait intercommunal.
[10]. sur les 3,67Md€ /an pour l’ensemble des collectivités locales
[11]. Exemple : Paris
[12]. Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales
[13]. Publié le 1er juillet 2015
[14]. Rapport d’information du 9 Juillet 2015 sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017 –Tome 2 : Comment les collectivités territoriales s’adaptent-elles à la baisse des dotations de l’Etat ?
[15]. Rapport d’information sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017 – novembre 2014 ( Tome 1)