Alors que les primaires vont débuter en janvier prochain et que le choix du ou de la candidat·e démocrate sera décisif quant à l’issue du scrutin présidentiel de novembre 2020, Renan-Abhinav Moog décrypte et croise les différentes catégories d’analyse électorale – âge, sexe, etc. – et certaines données de la dernière élection présidentielle afin de proposer plusieurs hypothèses concernant le prochain scrutin.
En 2016, Donald Trump a surpris l’immense majorité des observateurs en remportant le vote du collège électoral, devenant ainsi président des États-Unis, fonction qui semblait pourtant promise à sa rivale, Hillary Clinton.
Le dernier président républicain à n’avoir fait qu’un seul mandat est George H. Bush, mais il avait été élu après deux mandats du républicain Ronald Reagan. Auparavant, il faut remonter à Gerald Ford, battu en 1976 par le démocrate Jimmy Carter, dans le contexte très particulier de l’après Watergate.
George Bush fils, bien que mal élu en 2000, a été largement réélu en 2004. Mais il y a une différence de taille avec Donald Trump : fin juillet 2003 – soit seize mois avant le scrutin de novembre 2004, George W. Bush bénéficiait d’un taux d’approbation de son action de 58%. Celui de Donald Trump n’est que de 42%.
Dans ce contexte, Donald Trump peut-il être réélu ? Quelles stratégies pour une victoire des démocrates ?
L’apparente impopularité de Trump est-elle (si) significative ?
Une enquête de Civiqs parue début août 2019 donne un taux d’approbation de Trump à 43% contre 54% de désapprobation. Toutefois, il est essentiel d’analyser plus en détail ces chiffres, selon différents facteurs.
Tout d’abord, le facteur âge. Plus les électeurs sont âgés, plus ils approuvent le travail de Trump.
18-34 | 35-49 | 50-64 | 65+ | |
---|---|---|---|---|
Approuvent | 30 | 41 | 49 | 52 |
Désapprouvent | 66 | 56 | 48 | 46 |
Source : études Civiqs, août 2019.
Ainsi, d’après Civiqs, si 66% des 18-34 ans désapprouvent Trump, ce taux baisse à 48% chez les 50-64 ans et même à 46% chez les plus de 65 ans.
Or, si l’on reprend les exit polls menés par CNN après l’élection de Trump en 2016, l’on s’aperçoit que Trump est moins impopulaire parmi les populations qui sont les mieux représentées au sein de l’électorat, et qui ont également les meilleurs taux de participation.
Poids dans le corps électoral (2016) | Taux de participation (2016) | Vote Hillary Clinton | Vote Donald Trump | |
---|---|---|---|---|
18-29 | 19% | 43,4% | 55 | 36 |
30-44 | 25% | 56,9% | 51 | 41 |
45-64 | 40% | 66,2%* | 44 | 52 |
65+ | 16% | 71,4%* | 45 | 52 |
Source : Exit poll de CNN, novembre 2016.
* : 45-60 et 60+ pour la participation.
Ainsi, les plus de 45 ans représentaient 56% de l’électorat en 2016 et surtout, ils votaient à 52% pour Trump contre 44 à Clinton.
Si l’on analyse plus en détail le vote de 2016 selon le critère de l’âge, l’on s’aperçoit que la classe d’âge la plus représentée au sein de l’électorat est celle des 50-64 ans (30% de l’électorat de 2016).
Poids dans le corps électoral | Vote Hillary Clinton | Vote Donald Trump | |
---|---|---|---|
18-24 | 10% | 56 | 34 |
25-29 | 9% | 54 | 38 |
30-39 | 17% | 51 | 39 |
40-49 | 19% | 46 | 49 |
50-64 | 30% | 44 | 52 |
65+ | 16% | 45 | 52 |
Source : Exit poll de CNN, novembre 2016.
Or, toujours selon l’étude de Civiqs, c’est justement parmi cette classe d’âge que la popularité de Trump est la moins tranchée (49% contre 48%). C’est sans doute parmi elle que se jouera le scrutin de 2020.
Le deuxième facteur prépondérant est celui du sexe. Il y a un très fort gender gap aux États-Unis : les hommes votent beaucoup plus à droite que les femmes. Et plus les femmes sont représentées au sein du corps électoral, plus les démocrates ont une chance de l’emporter.
Vote Hillary Clinton | Vote Donald Trump | ||
---|---|---|---|
Hommes | 47% | 41 | 52 |
Femmes | 53% | 54 | 41 |
Source : Exit poll de CNN, novembre 2016.
En 2016, Donald Trump obtenait 52% parmi les électeurs contre seulement 41% chez les électrices. Clinton obtenait un succès inverse : 41% chez les hommes contre 54% chez les femmes. De plus, l’électorat était majoritairement féminin, avec 53% d’électrices. Sans surprise, ce gender gap se retrouve dans les chiffres de popularité de Trump. Si 50% des hommes approuvent son travail (contre 46% qui désapprouvent), les femmes le désapprouvent à 61% (contre 37% d’approbation).
Le gender gap semble donc encore plus fort qu’en 2016. Reste à savoir si cela sera suffisant pour faire gagner un démocrate en 2020, notamment dans les États clés : Floride, Pennsylvanie, Michigan, Caroline du Nord, Georgie voire Texas.
Troisième facteur : l’identification partisane. En 2016, le succès de Trump a aussi été permis par un bon score parmi les indépendants, la proportion d’électeurs GOP (Grand Old Party, Parti républicain) partis chez Clinton et celle des démocrates votant Trump étant assez similaire.
Part dans l’électorat | Vote Hilary Clinton | Vote Donald Trump | |
---|---|---|---|
Démocrates | 36% | 89 | 8 |
Républicains | 33% | 8 | 88 |
Indépendants | 31% | 42 | 46 |
Source : Exit poll de CNN, novembre 2016.
Ces chiffres permettent toutefois d’éliminer une théorie assez répandue pour expliquer la victoire de Trump : une fuite importante d’électeurs démocrates en faveur de Trump, à l’image des « Reagan democrats » des années 1980. L’étude des résultats dans certains États clés (le Wisconsin, le Michigan) invalide cette théorie, de même que les chiffres nationaux : seuls 8% des électeurs enregistrés comme démocrates ont voté pour Trump. En comparaison, 26% des électeurs enregistrés comme démocrates avaient voté pour Ronald Reagan en 1984.
Le chiffre à retenir est celui de la popularité de Trump parmi les indépendants. À l’heure actuelle, 52% d’entre eux désapprouvent sa politique, contre seulement 43% qui l’approuvent. Sans surprise, les républicains plébiscitent Trump (90% contre 7), tandis que les démocrates le rejettent massivement (95% contre 3). Ce dernier chiffre est très important pour eux : contrairement à 2016, Trump sera-t-il un épouvantail suffisamment efficace pour motiver l’électorat démocrate, qui a tant fait défaut à Clinton il y a trois ans, et le faire voter massivement pour leur candidat ?
Enfin, le dernier facteur est celui de la catégorie ethnique. Il y a, aux États-Unis, un très fort race gap, comme l’illustre le tableau ci-dessous.
Part dans l’électorat (2016) | Part dans la population (2019) | Vote Hillary Clinton | Vote Donald Trump | |
---|---|---|---|---|
Blancs | 70% | 60,4% | 37 | 57 |
Afro-américains | 12% | 13,4% | 89 | 8 |
Latino-américains | 11% | 18,3% | 66 | 28 |
Asio-américains | 4% | 5,9% | 65 | 27 |
Autres | 3% | 56 | 36 |
Au cours des onze derniers scrutins présidentiels, jamais un candidat démocrate n’a réussi à être majoritaire au sein de l’électorat blanc. Et le meilleur score démocrate dans cet électorat remonte à 1976.
DEM | Année | GOP |
---|---|---|
Jimmy Carter, 48% | 1976 | Gerald Ford, 52% |
Jimmy Carter, 36% | 1980 | Ronald Reagan, 56% |
Walter Mondale, 34% | 1984 | Ronald Reagan, 66% |
Michael Dukakis, 40% | 1988 | George H. Bush, 60% |
Bill Clinton, 39% | 1992 | George H. Bush, 41% |
Bill Clinton, 44% | 1996 | Robert Dole, 46% |
Al Gore, 42% | 2000 | George W. Bush, 55% |
John Kerry, 41% | 2004 | George W. Bush, 58% |
Barack Obama, 43% | 2008 | John McCain, 55% |
Barack Obama, 39% | 2012 | Mitt Romney, 59% |
Hillary Clinton, 37% | 2016 | Donald Trump, 57% |
Source : Vote de l’électorat blanc de 1976 à 2016 (Roper Center, Université de Cornell).
Par ailleurs, depuis 1992, le pourcentage de blancs parmi l’électorat américain n’a cessé de diminuer, passant de 87% en 1992 à 70% en 2016. Dans le même temps, la proportion d’afro-américains dans l’électorat a augmenté de 50%, tandis que celle de latino-américains a explosé : elle a été multipliée par 5,5 en près d’un quart de siècle.
1976 | 1980 | 1984 | 1988 | 1992 | 1996 | 2000 | 2004 | 2008 | 2012 | 2016 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Blancs | 89% | 88% | 86% | 85% | 87% | 83% | 81% | 77% | 74% | 72% | 70% |
Afro-
américains |
9% | 10% | 10% | 10% | 8% | 10% | 10% | 11% | 13% | 13% | 12% |
Latino | 1% | 2% | 3% | 3% | 2% | 5% | 7% | 8% | 9% | 10% | 11% |
Asiatiques | – | – | – | – | 1% | 1% | 2% | 2% | 2% | 3% | 4% |
Source : Roper Center, Université de Cornell.
Enfin, la croissance des populations afro-américaines et latino-américaines est assez forte, en particulier dans un certain nombre d’États clés.
En 2004, George W. Bush s’était imposé dans tous les États à forte minorité hispanique, Californie et New York exceptés. S’il l’avait emporté au Texas, dans le Colorado et en Arizona, fiefs républicains, il avait réussi à décrocher le Nevada et, surtout, le Nouveau-Mexique, fief démocrate. Depuis, aucun républicain n’est parvenu à s’imposer au Colorado, dans le Nevada et au Nouveau-Mexique, et l’Arizona ainsi que le Texas sont de moins en moins des fiefs GOP.
Pourtant, Bush fils ne remportait la majorité des votes latinos dans aucun de ces États : sa victoire était acquise grâce à un excellent score parmi les américains blancs.
La seule communauté hispanique remportée par le président sortant était celle de Floride. En effet, cet État est un cas à part : d’une part, la communauté latina y est majoritairement composée de Cubains, qui votent beaucoup plus en faveur des républicains que l’électorat d’origine mexicaine, salvadorienne ou portoricaine, par exemple.
Part dans l’électorat | John Kerry (DEM) | Goerge W. Bush (GOP) | |
---|---|---|---|
Arizona (État républicain) | 12% | 56 | 43 |
Californie (démocrate) | 21% | 63 | 32 |
Colorado (républicain) | 8% | 68 | 30 |
Floride (républicain) | 15% | 44 | 56 |
Nevada (républicain) | 10% | 60 | 39 |
New Mexico (républicain) | 32% | 56 | 44 |
New York (démocrate) | 9% | 75 | 24 |
Texas (républicain) | 20% | 50 | 49 |
États-Unis (Bush – républicain) | 8% | 53 | 44 |
Source : Vote et poids de l’électorat latino en 2004, dans huit États clés (Exit poll CNN, novembre 2004).
D’autre part, la Floride est le seul État à forte proportion latina à s’être droitisé au cours de ces dernières années. De 1879 à 1968, la Floride a constamment été représentée par deux sénateurs démocrates, à l’instar des autres États du Deep South. De même, de 1876 à 1966, toutes les élections au poste de gouverneur se sont soldées par des victoires démocrates. Par ailleurs, de 1966 à 1998, seuls deux républicains l’ont emporté, en 1966 et en 1986, et n’ont fait qu’un mandat avant d’être battus par des démocrates. Mais depuis 1998, la Floride n’a plus élu que des gouverneurs GOP.
Du côté sénatorial, le GOP a reconquis un siège de sénateur en 2004 et le second en 2018 : la Floride est désormais représentée par deux républicains au Sénat ; cette situation ne s’était plus produite depuis… 1875 !
Le jour où les démocrates remporteront l’Arizona et le Texas, ils pourront de nouveau remporter un scrutin présidentiel sans gagner en Floride. Et ces conquêtes démocrates se feront grâce aux minorités, dont le poids est croissant dans ces États, à l’instar de ce qui s’est produit en Virginie entre 2004 et 2008.
Or, il semble improbable que les républicains puissent progresser forcément dans le vote afro-américain et la communauté asio-américaine est encore trop peu nombreuse et surtout, très inégalement répartie dans les États. Le GOP devra donc, à moyen terme, revoir entièrement sa stratégie vis-à-vis des latino-américains. Tant qu’il continuera à les crisper, et à les faire voter de plus en plus fortement pour les démocrates, il se placera dans une position très délicate. Ce n’est pas, à l’heure actuelle, le chemin suivi par le président Trump.
En conclusion, si Donald Trump veut être réélu, il lui faudra réunir ces différents critères :
- maintenir ou améliorer sa popularité chez les plus de 50 ans,
- convaincre le plus possible l’électorat indépendant,
- mobiliser l’électorat blanc dans tous les États,
- dans les États clés, la mobilisation de l’électorat féminin ne devra pas être trop forte.
Mais le plus important pour la réélection de Trump sera le choix de son adversaire. En effet, si Trump a réussi l’exploit en 2016 de conquérir trois fiefs démocrates – la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin, qui n’avaient plus voté pour le GOP depuis 1988 pour les deux premiers et 1984 pour le dernier –, il convient d’analyser plus précisément les circonstances de ces victoires.
Victoire de Trump ou… défaites de Clinton ?
Donald Trump a surpris l’immense majorité des observateurs en remportant le scrutin présidentiel de 2016.
Il a tout d’abord remporté tous les Swing States, de la Floride à l’Ohio, en passant par la Caroline du Nord et la Georgie. Mais ces victoires seules seraient restées insuffisantes, tant le nombre de « fiefs » démocrates, établis depuis de longues années, était important. Son exploit a consisté à faire basculer des États qui semblaient imperdables pour les démocrates : le Michigan, le Wisconsin, la Pennsylvanie et l’Iowa. Il est intéressant de rappeler qu’il s’agissait précisément de la stratégie menée par la campagne de Bush en 2004 : le deuxième État le plus visité par le président sortant (après son État d’origine, le Texas) était justement la Pennsylvanie. Le Michigan et le Wisconsin étaient également des cibles revendiquées.
Pourtant, les gains en voix de Trump ne recouvrent pas les pertes de Clinton : le phénomène d’électeurs d’Obama en 2012 votant pour Trump en 2016 semble assez réduit, à l’exception notable de la Pennsylvanie.
État | GrandsÉlecteurs | Perdable ? | Obama
2012 |
Clinton
2016 |
Bilan | Romney
2012 |
Trump
2016 |
Bilan | Participation |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
IA | 6 | Oui | 822 544
52,0% |
653 669
41,7% |
-168 875
-10,3 |
730 617
46,2% |
800 983
51,2% |
+70 366
+5 |
?* |
WI | 10 | Oui | 1 620 985
52,8% |
1 382 536
46,5% |
-238 449
-6,3 |
1 407 966
45,9% |
1 405 284
47,2% |
-2 682
+1,3 |
-3,1 |
NC | 15 | Oui | 2 178 391
48,4% |
2 189 316
46,2% |
+10 925
-2,2 |
2 270 395
50,4% |
2 362 631
49,8% |
+92 236
-0,6 |
? |
MI | 16 | Oui | 2 564 569
54,2% |
2 268 839
47,3% |
-295 730
-6,9 |
2 115 256
44,7% |
2 279 543
47,5% |
+164 287
+2,8 |
= |
OH | 18 | Non | 2 827 709
50,7% |
2 394 164
43,6% |
-433 545
-7,1 |
2 661 437
47,7% |
2 841 005
51,7% |
+179 568
+4 |
+0,8 |
PA | 20 | Non | 2 990 274
52,0% |
2 926 441
47,5% |
-63 833
-4,5 |
2 680 434
46,6% |
2 970 733
48,2% |
+290 299
+1,6 |
? |
FL | 29 | Non | 4 237 756
50,0% |
4 504 975
47,8% |
+267 219
-2,2 |
4 163 447
49,1% |
4 617 886
49% |
+454 439
-0,1 |
+3 |
Total | -922 288 | +1 248 513 |
Source : State Election Board des États concernés.
* NB : la participation n’étant pas utilisée de façon aussi courante qu’en France, il est parfois impossible d’en retrouver les données, même pour des élections très récentes.
Par exemple, dans le Michigan, à participation égale (autour de 63%), Donald Trump n’a remporté qu’un peu plus de 160 000 suffrages supplémentaires par rapport à Mitt Romney en 2012. De son côté, Hillary Clinton a perdu près de 300 000 voix. Résultat, dans cet État remporté avec près de 450 000 voix d’avance par Obama en 2012, Clinton s’est inclinée de 10 704 voix quatre ans plus tard.
En Floride, où la participation a augmenté de 3 points, Hillary Clinton a gagné près de 270 000 voix par rapport à Obama tandis que dans le même temps, Trump améliorait le score de Romney de plus de 450 000 suffrages. Clinton a donc échoué à attirer un nombre important de nouveaux électeurs.
Dans le Wisconsin, où la participation a baissé de 3 points, Clinton a perdu près de 240 000 voix. Trump, lui, n’a reculé que de 2 700 voix.
Il apparaît donc qu’il s’agissait surtout de défaites d’Hillary Clinton, qui s’est avérée incapable de mobiliser l’électorat traditionnel des démocrates. Donald Trump n’a pas récupéré la majorité de ces électeurs : ils sont simplement restés chez eux.
Plus inquiétant, le même phénomène s’est produit en 2018, dans les quatre États où les républicains ont battu des sortants démocrates au Sénat.
Floride exceptée, aucun de ces États n’est clé pour le scrutin présidentiel de 2020. Mais c’est toutefois un signe que les démocrates peinent à profiter de l’apparente impopularité record de Trump.
État | Part. 2012 | Part. 2018 | Bilan
Part. |
DEM 2012 | DEM 2019 | Bilan | GOP 2018 | Marge
2018 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Floride | 63,5 | 61,68 | -1,82 | 4 523 451
55,2% |
4 089 472
49,93% |
-433 979 | 4 099 505 | GOP +10 033 |
Indiana | 58,5 | 50,42 | -8,08 | 1 281 181
50,0% |
1 023 553
44,8% |
-257 628 | 1 158 000 | GOP +134 447 |
Missouri | 64,75 | 52 | -12,75 | 1 494 125
54,8% |
1 112 935
45,6% |
-381 190 | 1 254 927 | GOP +141 992 |
North Dakota | 60,6 | 56,27 | -4,33 | 161 337
50,2% |
144 376
44,3% |
-16 961 | 179 720 | GOP +35 344 |
Source : State Election Board des États concernés.
Dakota du Nord excepté, les nouveaux sénateurs GOP ont obtenu moins de voix que les sortants démocrates en 2012. La baisse de participation, parfois très forte – jusqu’à 12,75 points de moins dans le Missouri –, a été fatale à ces élus démocrates. Là encore, il n’y a pas d’effet « Trump democrats » mais, face à Trump, l’électorat démocrate ne se mobilise pas : il reste chez lui au lieu d’aller voter.
Le point commun de ces quatre sénateurs démocrates battus est de n’avoir pas fait la meilleure des campagnes. Heidi Heitkamp (Dakota du Nord) a multiplié les bourdes, Claire McCaskill (Missouri) a semblé dépassée par son opposant républicain, Josh Hawley. De son côté, Bill Nelson (Floride) – élu depuis 2000 – a pâti de la comparaison avec le candidat démocrate pour le poste de gouverneur, Andrew Gillum, plus jeune, plus dynamique et plus à gauche que lui, tandis que Joe Donnelly (Indiana), démocrate conservateur, n’a pas su se démarquer de son challenger GOP.
A contrario, dans les deux États conquis par les démocrates tout comme au Texas où ils ont créé la surprise, la participation a augmenté par rapport à 2012.
Part.
2012 |
Part. 2018 |
Bilan | DEM 2012 | DEM 2018 | Bilan | |
---|---|---|---|---|---|---|
Arizona | 52,9 | 64,85 | +11,95 | 1 036 542
46,2% |
1 191 100
50,0% |
+154 558 |
Nevada | 57,1 | 62,26 | +5,16 | 446 080
44,7% |
490 071
50,4% |
+43 991 |
Texas | 49,7 | 53,01 | +3,31 | 3 194 927
40,6% |
4 045 632
48,3% |
+850 705 |
Source : State Election Board des États concernés.
Les démocrates sont donc potentiellement les meilleurs alliés de Trump. Tant qu’ils ne reparleront pas à leur base, tant qu’ils seront divisés – et ils le sont largement, comme le montre le très grand nombre de candidatures à la primaire pour 2020 –, ils courront le risque de voir une part importante de leur électorat traditionnel leur échapper.
Quelles stratégies s’offrent aux démocrates ?
Deux stratégies principales sont possibles pour les démocrates, s’ils veulent caresser l’espoir de déloger Trump de la Maison Blanche.
La première consiste à reprendre les fiefs perdus en 2016, tout en veillant à ne pas céder davantage de terrain ailleurs, notamment dans des États où Trump a fait de bonnes performances face à Clinton. En 2016, le Minnesota et le New Hampshire ont donné une très courte avance à Clinton, et apparaissent donc comme des cibles de choix pour Donald Trump. Trump a également en mémoire ce qui a fait la victoire puis la réélection de Bush en 2004 : remporter le Nevada et le Colorado. Le premier semble plus accessible : Clinton ne s’y est imposée que de 2,42 points en 2016 et n’avait qu’un peu plus de 27 000 voix d’avance sur Trump au niveau de l’État, grâce au comté de Clark, où se situe Las Vegas, où son avance était de 82 170 suffrages. Une participation plus forte dans le reste de l’État, profondément républicain, pourrait suffire à faire basculer le Nevada dans le camp Trump. En comparaison, Barack Obama avait près de 68 000 voix d’avance en 2012. Une forte implication de la campagne de Trump dans le Colorado pourrait aider à la réélection du sénateur Cory Gardner et le président sortant, en fin stratège, ne devrait pas manquer à cette occasion de grignoter un peu plus les fiefs démocrates.
Dans le même temps, les démocrates espèrent progresser au Sénat, ou au moins ne pas y perdre de terrain. C’est pourquoi, en plus de choisir un candidat qui pourra, comme Obama en 2008, remobiliser la base de leur électorat, les démocrates vont également devoir se choisir de bons candidats au Sénat, dans un certain nombre d’États clés, en espérant que leur campagne locale permettra à la fois de remporter le siège de sénateur, mais aussi de faire basculer l’État dans leur camp à l’élection présidentielle, tous ces scrutins étant organisés de façon concomitante. À l’inverse, une bonne performance de Trump pourrait emporter les sortants démocrates dans le Michigan, le New Hampshire, voire le Minnesota. Deux États sont particulièrement intéressants, du fait des scores obtenus par les candidats démocrates lors des scrutins de 2018 : le Texas et la Georgie. Malheureusement pour l’état-major démocrate, ses deux poulains, Beto O’Rourke et Stacey Abrams, refusent catégoriquement d’être à nouveau candidats, le premier se concentrant sur sa campagne présidentielle et la seconde étant ouverte à une présence sur le ticket démocrate, comme candidate à la vice-présidence. Si une campagne nationale peut avoir des effets sur des scrutins à l’échelle d’un État, l’inverse peut également se produire. Candidats dans leurs États respectifs, Beto O’Rourke et Stacey Abrams donnaient une lueur d’espoir au parti démocrate d’inscrire le Texas et la Georgie, soit 54 grands électeurs – plus que la marge de victoire de Trump, qui était de 36 grands électeurs – à leur tableau de chasse.
Dans le Montana, où les démocrates auraient bien besoin de remporter un siège de sénateur, à défaut de remporter ses trois grands électeurs, le candidat idéal et actuel gouverneur Steve Bullock a également décliné. Pour le moment. En Arizona, où l’enjeu est double, les démocrates comptent sur Mark Kelly pour battre la sénatrice sortante Martha McSally et doper le score de leur candidat à la présidentielle.
De façon anecdotique, la présence d’Elizabeth Warren ou de Bernie Sanders, voire des deux, sur un ticket démocrate créerait par ricochet une difficulté supplémentaire en cas de victoire face à Donald Trump. En effet, en cas d’élection de Warren ou de Sanders à la Maison Blanche ou comme vice-président, ils seraient remplacés au Sénat et le choix de leur remplaçant incomberait au gouverneur de leur État respectif, Massachussetts ou Vermont, jusqu’à l’organisation d’une partielle en 2022 pour terminer leur mandat en 2024. Or le Massachussetts et le Vermont ont des gouverneurs républicains. Les démocrates perdraient ainsi un, voire deux sièges, au Sénat, ce qui ne manquerait pas d’anéantir toute chance de conquête.
Sur le plan idéologique, les démocrates sont tiraillés entre deux ailes : l’aile centriste, représentée notamment par Joe Biden, vice-président de Barack Obama et ancien sénateur du Delaware, Michael Bennett, sénateur du Colorado, Steve Bullock, gouverneur du Montana, ou Joe Sestak, ancien représentant de Pennsylvanie, et l’aile libérale (au sens américain du terme), représentée par Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Tulsie Gabbard, représentante de Hawaii, ou Beto O’Rourke, ancien représentant du Texas.
À chaque fois que les démocrates ont choisi un candidat libéral, ils ont perdu. Ce fut le cas en 1968 avec Hubert Humphrey, en 1972 avec George McGovern, puis en 1984 avec Walter Mondale et enfin, en 1988 avec Michael Dukakis. A contrario, quand ils étaient représentés par des candidats centristes, les démocrates l’ont presque toujours emporté : en 1976 avec Jimmy Carter, en 1992 avec Bill Clinton et en 2008 avec Barack Obama. Seuls Al Gore en 2000, John Kerry en 2004 et Hillary Clinton en 2016 ont échoué à s’imposer. Mais les temps ont changé ; les scores importants obtenus par Beto O’Rourke et Stacey Abrams en 2018 le montrent, tout comme le montrait déjà l’impressionnante résistance de Bernie Sanders lors de la primaire de 2016.