Engagement et idéal. La société rêvée des communautés de l’Institut de l’engagement

Suite à la publication de l’étude La société idéale de demain aux yeux des Français, l’Institut de l’engagement a posé les mêmes questions aux jeunes qu’il soutient, mais également aux bénévoles qui les accompagnent et à ses partenaires. Quentin Jagorel, directeur général de l’Institut, analyse leurs réponses, tentant ainsi de comprendre dans quelle mesure l’engagement influe sur la formation des idéaux sociaux.

La Fondation Jean-Jaurès a publié récemment les résultats de sa grande étude La société idéale de demain aux yeux des Français. Dans le cadre de son partenariat avec la Fondation, l’Institut de l’engagement1L’Institut de l’engagement a été créé en 2012 pour offrir des débouchés et ouvrir des portes à des jeunes qui se sont révélés par leur engagement au service de l’intérêt général, pour leur permettre de réaliser un projet d’avenir à la hauteur de leurs qualités et potentiels. Offrir des perspectives à ces jeunes, quel que soit leur bagage scolaire ou culturel, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, c’est valoriser leur engagement. Grâce à ses 350 partenaires (établissements d’enseignement supérieur, entreprises, fondations, collectivités, associations) et à ses près de 2 000 bénévoles, l’Institut de l’engagement conseille et accompagne chaque année des jeunes à l’issue de leur service civique ou d’un engagement bénévole. L’Institut a ainsi soutenu plus de 6 000 jeunes en dix ans. a souhaité poser les mêmes questions que celles de cette étude réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population française, mais cette fois spécifiquement à ses publics : les jeunes accompagnés qui ont fait un service civique, un volontariat international ou du bénévolat de longue durée, les partenaires qui croient en eux, les bénévoles de l’association qui donnent de leur temps pour aider ces jeunes2481 réponses sur une population d’environ 8 000 personnes (marge d’erreur : 4,5%). Les jeunes engagés ont fait un service civique ou du bénévolat de longue durée. Les partenaires et bénévoles interviennent au côté de l’Institut (animation d’ateliers, repérage de jeunes, mécénat de compétences, etc.). Les jeunes interrogés ont une moyenne d’âge de 24 ans. Les bénévoles et partenaires interrogés ont une moyenne d’âge de 52 ans..

Notre idée est ainsi de tenter de répondre à cette question : « Dans quelle mesure l’engagement influe-t-il sur la formation des idéaux sociaux ? ».

Que retenir de cette enquête ? De façon synthétique, les jeunes engagés accompagnés par l’Institut de l’engagement, ainsi que les bénévoles et partenaires qui se mobilisent à leurs côtés pour les soutenir dans la construction de leur avenir, se distinguent de la majorité des Français sur des points fondamentaux en matière d’idéal de société. Ils sont favorables à une société radicalement rénovée, qui reposerait sur une démocratie directe, y compris dans l’entreprise, et sur une place moins importante donnée à la réussite matérielle. Ils se sentent, davantage que les Français en général, appartenir à l’humanité et/ou à un groupe spécifique (appartenance religieuse, orientation sexuelle, etc.) et ont un rapport beaucoup plus ouvert à la différence. Ils valorisent, davantage que le reste de la population, la mobilité professionnelle et les relations sociales. Ils veillent de façon très marquée à la cohérence entre leurs choix professionnels ou personnels (ne pas avoir d’enfant, adapter ses modes de consommation, etc.) et leurs valeurs.

S’engager pour changer les choses

Les communautés de l’Institut de l’engagement estiment très majoritairement qu’il faut changer la société française actuelle : alors que 57% des Français interrogés jugent qu’il faudrait « réformer la société en profondeur » ou la « transformer radicalement », ils sont 80% chez les jeunes accompagnés par l’Institut et 72% chez ses bénévoles et partenaires. 36% des Français ne souhaitent que des « aménagements », contre 18% chez les jeunes bénéficiaires des actions de notre association. La volonté de réforme de la société est naturellement très forte chez nos publics engagés. Dans une enquête menée avec Ashoka France et Koreis en 2023, il ressortait déjà que les jeunes accompagnés par l’Institut considèrent à 94% avoir « un rôle à jouer pour changer les choses ».

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Pour une démocratie directe qui repose sur des sources d’information plus exigeantes

Si les Français, même les plus jeunes, sont divisés sur le type de démocratie souhaitable – représentative ou directe, avec respectivement 45% et 40% de préférence –, les jeunes accompagnés par l’Institut plébiscitent très majoritairement les formes de démocratie directe : ils sont plus de 60% à appeler de leurs vœux un système où c’est le peuple qui décide directement de la loi grâce à des référendums, des assemblées citoyennes, des assemblées tirées au sort. À noter que 12% de ces jeunes sont favorables à un gouvernement d’experts, contre 6% pour l’ensemble des Français (mais 11% de leur tranche d’âge). Cette réponse générationnelle est sans doute à relier à la préoccupation majeure des jeunes face aux enjeux environnementaux et aux doutes quant à la capacité de la démocratie à y répondre efficacement.

Les communautés de l’Institut de l’engagement expriment un rejet massif de certains canaux d’information et estiment – de façon beaucoup plus massive que les Français en général – que les gens devraient davantage s’informer à travers des documentaires (85% contre 47%), des livres (87% contre 45%), et moins à travers les chaînes d’information en continu (82% contre 48% pour l’ensemble des Français). Concernant les chaînes YouTube, l’effet générationnel joue à plein car, si les bénévoles et partenaires de l’Institut partagent l’avis des Français selon lequel les gens devraient moins s’informer via ce canal, les jeunes engagés considèrent, pour les deux tiers d’entre eux, que ce média doit être davantage plébiscité.

Citoyens du monde et appartenance à des communautés spécifiques

Les Français ressentent avant tout un sentiment d’appartenance à leur famille et, dans un second temps, à leur pays et à leur groupe amical. Si les communautés engagées de l’Institut citent également leur famille en premier (environ 70%), ou leur pays et leurs amis, elles citent bien davantage que les Français d’autres types d’appartenance sociale : l’humanité (à 50% contre 29%) ou un groupe spécifique religieux ou sexuel (29% contre 11% chez l’ensemble des Français, même les jeunes).  

Alors que les Français jugent, à une courte majorité (53% au total, 57% chez les moins de 25 ans), qu’il est préférable de reconnaître et de valoriser les identités multiples (en termes de genre, de religion, d’origine, de sexualité) des individus qui composent la société, cette opinion est partagée par 80% des jeunes accompagnés par l’Institut et par 68% de ses partenaires et bénévoles.

En termes de cadre de vie, les communautés de l’Institut de l’engagement valorisent en grande majorité (plus des trois quarts des personnes interrogées) un lieu d’habitation où on peut croiser des personnes très différentes de soi, là où deux Français sur trois préfèrent l’isolement ou l’homogénéité sociale dans leur zone d’habitation. De la même manière, alors que les Français mettent en avant le calme et la tranquillité dans le choix de leur lieu de vie, les jeunes de l’Institut de l’engagement, comme ses bénévoles et partenaires, citent avant tout (à plus de 70%) les relations sociales avec les habitants du lieu.

Ne pas avoir d’enfant

En ce qui concerne la vie familiale, l’idéal du couple reste très fort dans les communautés engagées de l’Institut comme dans la population française, et même le mariage reste une situation idéale pour 40% des jeunes accompagnés par l’Institut et par 45% de ses bénévoles et partenaires. Alors qu’avoir des enfants est un objectif largement partagé dans la société française (seuls 15% des Français n’en souhaitent pas), 37% des jeunes engagés interrogés déclarent ne pas en vouloir, soit deux fois plus que les Français de leur tranche d’âge (18%). Ce souhait de ne pas avoir d’enfant s’explique sans doute, en partie, par une inquiétude face au dérèglement climatique et à l’avenir en général, très marquée dans cette population engagée – comme si l’engagement accentuait, notamment chez les jeunes femmes, cette « nouvelle transition démographique ».

En matière d’éducation, 57% des Français souhaitent que l’école se concentre avant tout sur l’enseignement des matières fondamentales (français, mathématiques, histoire), contre 8% seulement des jeunes de l’Institut de l’engagement. Ces derniers sont 44% à considérer que l’école, pour mieux fonctionner à l’avenir, doit avant tout prendre davantage en compte les particularités de chaque élève. Sur le même sujet, les communautés interrogées par l’Institut ne citent pas en priorité la restauration de l’autorité des enseignants pour améliorer le système éducatif, mais plébiscitent davantage la valorisation de la coopération entre élèves et l’amélioration des conditions matérielles d’enseignement.

Travailler moins et en accord avec ses valeurs

En matière de rapport au travail, l’idéal d’une société reposant significativement sur moins de travail qu’aujourd’hui est très largement plébiscité par les jeunes engagés (52%, contre 20% pour l’ensemble des Français et 28% dans leur tranche d’âge). Alors qu’une nette majorité de Français souhaite une société où l’on travaille à peu près autant qu’aujourd’hui, seuls 12% des jeunes accompagnés par l’Institut et 18% de ses bénévoles et partenaires partagent cette affirmation.

Si les jeunes accompagnés par l’Institut de l’engagement ont un rapport différent au travail, peut-être moins intense que les autres, ce n’est sans doute pas parce qu’ils sont désinvestis, c’est parce qu’ils considèrent qu’une partie de leur tâche et de leur investissement personnel doit s’exercer dans une autre sphère que celle du travail. Parce que si une partie se joue au travail, tout ne s’y joue pas.

Pour les Français en général, l’intérêt du poste, le salaire élevé et une ambiance de travail agréable sont les principaux critères pour choisir un emploi. Chez les jeunes engagés interrogés, le critère du salaire et de l’ambiance au travail sont moins souvent cités. En revanche, sans grande surprise, 73% d’entre eux citent les horaires de travail conciliables avec d’autres temps de vie, dont des engagements associatifs, et 63% valorisent le fait d’exercer une activité totalement en rapport avec leurs valeurs (22% seulement pour leur tranche d’âge).

En matière de rythmes de vie, les Français comme les communautés de l’Institut de l’engagement sont partagés sur le temps libre dont ils disposent entre ceux qui estiment en avoir suffisamment et ceux qui n’en ont pas assez. Dans le même temps, une nette majorité juge aussi que la vie va trop vite et se sent dépassée (75% des jeunes accompagnés par l’Institut, même proportion que pour l’ensemble des Français de moins de 25 ans).

Les modèles traditionnels en matière de travail et d’emploi sont marqués par des singularités chez les jeunes engagés, bénévoles et partenaires interrogés par l’Institut. En effet, si une nette majorité de Français (78%) souhaite travailler dans une entreprise privée ou la fonction publique, quatre engagés sur 10 déclarent vouloir travailler, quant à eux, dans une association ou une organisation non gouvernementale (ONG) dans l’idéal (contre 7% pour les Français). De même, alors que la stabilité professionnelle est un horizon qui reste nettement plus attractif pour les Français que le fait de changer fréquemment d’entreprise, même auprès des jeunes générations, les jeunes engagés déclarent à plus de 75% préférer changer d’entreprise tout au long de leur vie professionnelle.

Au même titre que les Français (75%), les jeunes engagés interrogés affichent la volonté de davantage d’horizontalité dans l’entreprise : un système de cogestion des entreprises entre dirigeants et salariés est approuvé par 92% d’entre eux.

Un refus marqué des inégalités et une méfiance vis-à-vis de l’argent et de la consommation

Le rejet des inégalités sociales est plus fort dans les communautés engagées interrogées par l’Institut que pour l’ensemble des Français : 70% des Français estiment que ces inégalités sont naturelles en ce sens « qu’il y en a toujours eu et qu’il y en aura toujours », contre seulement 40% pour les « engagés » de l’Institut. 47% des Français estiment que ces inégalités sont légitimes car elles reflètent les différences de mérite et de capacités, contre seulement 10% pour le public de l’Institut. 70% des Français pensent qu’elles atteignent un niveau qui est trop important aujourd’hui, pour 95% chez les engagés interrogés par l’Institut.

Par ailleurs, près de 85% des jeunes, bénévoles et partenaires de l’Institut pensent que le fait de gagner beaucoup d’argent pourrait être moins valorisé dans la société (56% pour l’ensemble des Français). Le rapport à l’argent clive : 51% des Français estiment qu’en avoir beaucoup fait perdre le sens des valeurs contre 49% qui jugent que cela rend libre et heureux. Dans les communautés de l’Institut, 60% des répondants penchent pour la première opinion. Les jeunes engagés sont donc en décalage par rapport aux Français de moins de 35 ans qui sont 58% à penser que la richesse contribue fortement au bonheur.

Le rapport à la société de consommation diffère entre les « engagés » de l’Institut et l’ensemble des Français. À peine un Français sur deux souhaite des restrictions dans nos modes de consommation selon des principes environnementaux ou éthiques, contre 83% des jeunes engagés, partenaires et bénévoles de l’Institut.

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Il ressort en somme de cette étude que les jeunes que l’Institut de l’engagement accompagne, ainsi que ses bénévoles et partenaires, ont un regard critique sur les travers de la société (de consommation notamment) mais pas un regard passif. Ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent, ce qu’ils font traduit la volonté de ne pas être spectateurs d’évolutions qu’ils contestent mais bien acteurs des transformations et des nouveaux comportements, pour eux, pour leur famille, pour leur entreprise, pour la société.

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    L’Institut de l’engagement a été créé en 2012 pour offrir des débouchés et ouvrir des portes à des jeunes qui se sont révélés par leur engagement au service de l’intérêt général, pour leur permettre de réaliser un projet d’avenir à la hauteur de leurs qualités et potentiels. Offrir des perspectives à ces jeunes, quel que soit leur bagage scolaire ou culturel, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques, c’est valoriser leur engagement. Grâce à ses 350 partenaires (établissements d’enseignement supérieur, entreprises, fondations, collectivités, associations) et à ses près de 2 000 bénévoles, l’Institut de l’engagement conseille et accompagne chaque année des jeunes à l’issue de leur service civique ou d’un engagement bénévole. L’Institut a ainsi soutenu plus de 6 000 jeunes en dix ans.
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