Depuis le 21 mai 2013 au soir, on connaît le nom des huit candidats à l’élection présidentielle iranienne, dont le premier tour se tiendra le 14 juin prochain. François Nicoullaud analyse ce curieux objet de science politique qu’est cette élection qui, malgré fraudes et manipulations, peut réserver des surprises.
Le 14 juin 2013 est programmé le premier tour de l’élection présidentielle iranienne. Celle-ci est un curieux objet de sciences politiques. Le choix des électeurs y est bridé, le scrutin en est manipulé, et pourtant elle parvient à réserver des surprises, donc à offrir malgré tout des enjeux de type démocratique.
La Constitution ne fixe pas de procédure visant à limiter le nombre des candidats mais en revanche prévoit que le président doit être élu parmi des personnalités religieuses et politiques remplissant plusieurs critères. Le tri des candidatures est confié au Conseil des gardiens donc le choix est verrouillé. Chaque élection doit être « une nouvelle épopée écrite par le peuple iranien ». Elle réunira donc au moins une participation de 50 %, et même plutôt de 60 à 70 %. Le premier tour se déroulera le même jour que les élections municipales, ce qui pourrait être un atout en termes de participation. Le deuxième tour se déroulera avec les deux candidats en tête, si personne n’a obtenu au premier tour la majorité absolue. Depuis la fondation de la République islamique, ce cas s’est seulement présenté une seule fois, en 2005.
Curieusement, il y a eu des bouffées de libre expression dans l’histoire des élections présidentielles iraniennes, si l’on veut bien admettre que l’incertitude et la surprise sont des marqueurs de démocratie. Et c’est ce qui vient de se passer avec la disqualification des deux candidats les plus visibles, mais aussi les plus dérangeants : Esfandiar Rahim Mashaei, mentor, ami de cœur et parent par alliance du président sortant et Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, sans doute la plus éminente figure de la République islamique. Sauf rattrapage, plus qu’improbable, d’un ou deux candidats disqualifiés par décision du Guide de la Révolution, la compétition va donc se jouer entre candidats de faible ou de moyenne visibilité.
Connus depuis le 21 mai 2013 au soir, ils sont donc huit à devoir convaincre les électeurs en vingt jours de campagne, la plupart des candidats potentiels étant issus du camp conservateur. Le seul doté d’un minimum de charisme est Qalibaf, maire de Téhéran. D’autres candidats sont beaucoup plus proches d’Ali Khamenei, tels Ali-Akbar Velayati, Gholam-Ali Haddad Adel ou Saïd Jalili. Côté réformateurs, deux candidats ont été retenus, mais tous deux de faible ou de moyenne envergure : Mohammad-Reza Aref, ancien ministre puis vice-président de la république aux côtés de Khatami, et Hassan Rouhani, lointain prédécesseur de Saïd Jalili au conseil suprême de sécurité nationale et au pilotage du dossier nucléaire. Restent deux candidats, à vrai dire sans importance : Mohsen Rezaei, commandant en chef des Pasdaran de 1981 à 1997, et Mohammad Qarazi, ministre du Pétrole puis des Postes dans les années 1980 et 1990
Quoi qu’il en soit, le prochain Président de la République sera quelqu’un d’élu par défaut, grâce à l’élimination de ceux qui auraient pu faire ombrage au cœur du régime.